La "guerre des tunnels", une opération périlleuse mais désormais prioritaire pour Israël
Après les raids aériens puis une opération terrestre, la guerre se joue aussi désormais dans le sous-sol de la bande de Gaza.
Dernier développement en date, l'armée israélienne a annoncé dimanche avoir découvert le "plus grand tunnel" du Hamas. Il s'étend "sur plus de quatre kilomètres et n'arrive qu'à 400 mètres du point de passage d'Erez", soit la frontière avec Israël, est-il précisé.
Cette galerie sophistiquée est équipée d'un système de canalisation, d'électricité, de rails et est suffisamment large pour laisser passer de petits véhicules. Ce tronçon n'est pourtant qu'une minuscule partie du réseau tentaculaire de 500 kilomètres qui se trouve sous le petit territoire palestinien.
Une ville sous la ville
Surnommé "le métro de Gaza" par les militaires israéliens, cet immense dédale de galeries aurait commencé à être construit au milieu des années 1990. Il s'est encore plus développé depuis le retrait militaire israélien de l'enclave en 2005, puis la prise de pouvoir du Hamas en 2007.
Ce réseau était alors utilisé pour faire circuler des personnes, de la marchandise de contrebande, des armes et des munitions entre le Sinaï égyptien et Gaza, contournant ainsi le blocus imposé par Israël.
L'Égypte a ensuite mis fin à la contrebande en détruisant les tunnels et en les inondant (en 2013 et 2015), rappelle la BBC.
Plus sophistiqué que prévu
Pour autant, le réseau a continué de se développer. Il s'étend désormais sur 1300 galeries de 500 kilomètres au total, selon une étude de l'académie militaire américaine West Point.
Les militaires israéliens ont récemment réalisé qu'il est "encore plus étendu et profond que ce qu'ils pensaient", analyse Raphael Cohen, expert militaire pour le centre américain de recherche Rand Corporation.
Les tunnels - cachés à 30, 40, voire 80 mètres de profondeur - servent de bunkers, de centres de commandement ou de stockage d'armes.
Les soldats du Hamas ont une parfaite connaissance de ces couloirs piégeux, un réel avantage. Les militaires israéliens, au contraire, s'y aventurent sans vraiment savoir à quoi s'attendre. Un vrai "cauchemar", estime Walker Mills, capitaine du Corps des Marines auprès de The Intelligencer, car il faut s'attendre à des pièges ou des embuscades.
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Des civils en première ligne
Alors qu'elles ont juré "d'anéantir" le Hamas, les autorités israéliennes sont loin d'avoir atteint leur objectif annoncé. Et repérer ces galeries, mais aussi pouvoir les détruire, n'a rien de simple.
Il existe des bombes conçues pour aller plusieurs mètres sous terre, détaille Scott Savitz, de Rand Corporation, à franceinfo. "Mais face à des tunnels très profonds, c'est inefficace", explique l'ingénieur américain.
Même en explosant sous terre, ces bombes peuvent tuer de nombreux civils car "les bâtiments situés au-dessus peuvent s'effondrer et former un cratère, expliquait fin octobre le New York Times. Des cratères qui se transforment ainsi en "charniers", se désole Eyal Weizman, directeur du groupe de recherche Forensic Architecture.
L'armée israélienne accuse également le Hamas de cacher des centres militaires à proximité ou sous les hôpitaux, écoles et mosquées. Les combats n'ont pas non plus épargné ces lieux où de nombreux Gazaouis se sont réfugiés. Plus de 20'000 civils sont morts dans les bombardements israéliens, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.
Des stratégies risquées
L'État hébreu annonce désormais qu'il se tourne vers d'autres méthodes, plus ciblées, en particulier pour s'en prendre aux combattants sous terre.
"Nous entrerons, placerons des explosifs dans des endroits où les terroristes se rendent souvent, et attendrons le moment opportun pour les tuer", déclarait jeudi dernier Daniel Hagari, porte-parole de l'armée israélienne.
Là encore, cette stratégie risque de mettre en péril des vies: celles de 129 otages toujours détenus à Gaza, dont vraisemblablement une bonne partie dans les tunnels.
Lorsqu'elle n'utilise pas des munitions pour dégager les puits d'accès et les tunnels, l'armée israélienne opte pour des robots traqueurs, du gel explosif et d'autres technologies. Début décembre, elle déclarait avoir découvert 800 puits conduisant au vaste réseau souterrain depuis le début de l'opération terrestre à Gaza, le 27 octobre.
Selon un officier israélien interrogé par Reuters mi-novembre, "d'autres méthodes sont en train d'être développées" pour opérer à distance. "C'est dans ces moments que la créativité et l'innovation sont nécessaires", a-t-il ajouté.
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Pour les semaines ou mois à venir, l'armée israélienne adaptera donc sa stratégie "au cas par cas", analyse Scott Savitz sur francinfo. Détruire tous les tunnels, creusés sur plusieurs strates, relève quasiment de l'impossible, estiment les experts. En toute vraisemblance, la "guerre des tunnels" ne fait ainsi que commencer.
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Doreen Enssle avec agences