De nombreuses pompes à pétrole laissées à l'abandon rouillent au milieu des champs du Montana. Appelés "puits orphelins" par les autorités américaines, ils seraient 3,2 millions à travers tout le pays à avoir été abandonnés. Leur nombre exact n'est pas connu, car ils ne sont pas tous documentés.
Responsables introuvables
Les propriétaires de ces puits qui ont cessé leur activité sont introuvables. Partir en faillite sans payer les frais pour fermer les puits est en effet une systématique dans le secteur du pétrole. "Souvent, je ne sais même pas quelle entreprise exploite les différents puits qui se trouvent sur mon terrain", explique l'agricultrice Kathy Gliko dans le 19h30 de la RTS.
Son arrière-grand-père a commencé à exploiter le pétrole sur son sol dans les années 1920 mais a vendu les droits dans les années 1950. Une myriade d'entreprises sont aujourd'hui responsables. "Parfois elles partent en faillite, puis une autre entreprise arrive. Elle reprend le puits pour essayer de pomper du pétrole", raconte-t-elle.
Kathy Gliko est propriétaire du terrain, mais elle n'a aucun contrôle sur les puits, qu'elle doit le contourner pour cultiver son champ. "En tant qu'agricultrice, je ne savais même pas qu'il y avait des fuites de gaz", indique-t-elle. "On ne sent rien, on ne voit rien. Même en hiver, il n'y a aucune fumée. Alors j'ignorais qu'il y avait des rejets dans l'atmosphère".
Gaz nuisibles
La grande majorité de ces puits orphelins n'ont en effet pas été rebouchés correctement, selon l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA). Ils peuvent donc laisser échapper du méthane, un gaz qui accélère le réchauffement climatique encore plus vite que le dioxyde de carbone. Certains puits polluent même autant qu'un millier de voitures en circulation. Alors que ces fuites ont également un fort impact sur la santé, des millions d'Américains vivent à moins d'un kilomètre d'un puits orphelin, indique le Département américain de l'intérieur.
"En plus du méthane, on trouve plein d'autres gaz nuisibles, comme de l'éthane, du propane, du butane, du pentane et de l'hexane, qui peuvent être des agents cancérigènes", précise Curtis Schuck, président de Well Done Foundation. Depuis quatre ans, il se bat avec sa fondation pour reboucher ces puits abandonnés.
Pour y parvenir, des tubes sont vissés les uns sur les autres, formant une sorte de longue paille qui descend jusqu'au fond du puits, à 200 mètres de profondeur. Du ciment est ensuite injecté à l'intérieur. "Quand ce sera terminé, on verra le ciment remonter à la surface. Ça voudra dire qu'il n'y a plus d'émissions de gaz et que c'est un succès", explique Curtis Schuck.
Le processus est long et compliqué, déjà avant de pouvoir commencer les travaux. Il faut parfois plusieurs mois pour effectuer une caractérisation du site et l'inventaire de toutes les infrastructures qui s'y trouvent, rendre la zone accessible, assurer la sécurité du chantier ou encore mesurer la quantité de gaz qui s'échappe.
Financement public et privé
Il faudra donc des décennies pour régler le problème, mais Curtis Schuck ne se décourage pas et travaille sur "un puits à la fois". "Et plus que deux millions à reboucher", ajoute-t-il, déterminé. Il espère boucher 200 puits l'an prochain. Mais cet effort colossal sera loin de suffire pour stopper l'hémorragie de méthane.
Ces opérations ont par ailleurs un coût: 80'000 dollars pour un seul puits, payés par les crédits carbone et des donateurs privés comme l'entreprise suisse ABB, active dans le pétrole. "Il faut poursuivre dans cette voie", estime Susan Gates, porte-parole d'ABB. "Plus nous pourrons aider à reboucher les puits et mesurer leur niveau d'émission et mieux ce sera pour tout le monde".
Le président américain Joe Biden veut également s'attaquer au problème. En 2021, une loi prévoyant un investissement de 4,7 milliards de dollars pour l'assainissement des puits de pétrole orphelins a en effet été adoptée par son administration. Quelque 700 millions de dollars visant à reboucher et remettre en état des puits ont pour l'instant été versés. Ces fonds peuvent être attribués jusqu'au 30 septembre 2030.
Sujet TV: Gaspard Kühn
Adaptation web: Emilie Délétroz