En deuil et désertée par les pèlerins, la ville de Bethléem ne fêtera pas Noël comme d'habitude
L'église de la Nativité, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, attire d'ordinaire des centaines de milliers de touristes. Mais cette année, pas de hordes de pèlerins ni de faux pères Noël. Pas de selfies la tête coiffée de bonnets rouges et blancs, pas de sapins ni d'illuminations.
Les hôtels sont vides quand ils ne sont pas fermés et les autorités religieuses ont renoncé à toute célébration "inutilement festive", en solidarité avec les Palestiniens qui souffrent à Gaza.
Une décision aussi prise en raison de la situation en Cisjordanie, qui a également connu une flambée de violences. Depuis le 7 octobre, plus de 290 Palestiniens y ont été tués par les forces israéliennes ou des colons, selon des chiffres émis par des responsables palestiniens.
La municipalité de Bethléem limitera donc Noël "aux stricts rituels chrétiens", comme la messe de minuit.
Des conséquences économiques
Cette situation a déjà d'importantes conséquences économiques. Pour les commerçants, la période de Noël représente souvent les trois quarts du chiffre d'affaires annuel.
Dans l'atelier d'une boutique de souvenirs spécialisés dans les articles religieux en bois, des mages et des bergers à moitié terminés veillent sur des postes de travail désespérément vides.
A quoi bon embaucher: de toute façon, "Bethléem est bouclée de toute part", lance Jack Giacaman, responsable de la production.
Mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie occupée, points de passage vers Jérusalem et l'aéroport difficiles à franchir... gagner la ville de Bethléem où vivent ensemble chrétiens et musulmans est devenu très compliqué.
Le narratif israélien pointé du doigt
La désertion des pèlerins serait aussi due à la rhétorique effrayante des dirigeants israéliens, estime Fadi Kattan. Ce chef cuisinier franco-palestinien s'indigne du cliché des "Palestiniens tous dangereux".
"C'est comme s'il y avait une ligne invisible qui empêchait les pèlerins de s'aventurer hors des sentiers balisés", à cause de ce que leur disent les tours opérateurs israéliens, déplore-t-il sur la terrasse d'une maison qui appartenait déjà à son arrière-grand-père.
Plus que jamais pourtant, selon le prêtre grec orthodoxe Issa Thaljieh, il serait nécessaire de confronter les visiteurs à la réalité quotidienne des Palestiniens.
Visiter les lieux saints, c'est bien, "mais le plus important" dit-il, c'est "de découvrir comment on survit comme dans une prison" sur un territoire occupé par Israël depuis la guerre israélo-arabe de 1967.
"Parfois on vient me voir à la boutique en me disant: je suis heureux d'être à Bethléem, en Israël", rappelle Jack Giacaman en évoquant des touristes peu au fait de la situation locale.
"J'attendrais pour voir comment ça va tourner"
Sensibiliser les visiteurs à la cause palestinienne? Même quand les armes sont baissées, Fadi Kattan, qui possède deux adresses à Bethléem et dans le quartier londonien de Notting Hill, demeure sceptique.
"C'est triste à dire et c'est un désastre pour Bethléem, mais si j'étais un pèlerin américain entendant tout ça, j'attendrais quelques mois pour voir comment ça va tourner", conclut-il.
afp/ther