Ousman Sonko avait été interpellé à la suite d'une plainte de l'ONG TRIAL, qui avait dénoncé la présence de l'ex-ministre dans un centre de requérants d'asile à Lyss, près de Bienne (BE) où il aurait été reconnu par des compatriotes. Il se trouve depuis en détention préventive dans le canton.
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Selon l'acte d'accusation, Ousman Sonko est notamment accusé d'assassinat, de torture, de lésions corporelles graves, de contrainte, de viols et de séquestration. Des crimes qu'il aurait commis entre 2000 et 2016, seul ou au sein d'un escadron paramilitaire, contre des opposants au régime de l'ex-président gambien Yahya Jammeh, ainsi que leurs proches.
Procès d'ampleur inédite
C'est le Ministère public de la Confédération qui s'est chargé d'ouvrir une enquête, puisque qu'il est compétent en matière de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité au nom de la compétence universelle. Cette compétence est fondée sur le principe que l'impunité pour de tels crimes ne devrait pas connaître de frontière. Il a été transcrit en droit suisse en 2011, et n'a jusqu'ici été appliqué qu'une seule fois.
"Tous ces procès permettent de faire avancer la justice universelle", commente dans La Matinale Alain Werner, fondateur et directeur de l'ONG suisse Civitas Maxima qui traque certains criminels de guerre. "Ils sont très importants car, à l'heure actuelle, il n'y a toujours pas de justice pour les victimes en Gambie. La Cour pénale internationale ne va probablement jamais s'en occuper, pour des questions techniques. Donc ces procès devant des juridictions nationales sont aujourd'hui la seule façon pour les victimes d'obtenir justice", poursuit-il.
Il s'agit du plus haut responsable étatique jamais jugé sur la base de la compétence universelle en Europe. À ce titre, le procès sera particulièrement suivi. Il doit durer jusqu'à la fin du mois de janvier. S'il est reconnu coupable, l'ex-ministre de Banjul risque entre cinq ans de prison et la prison à vie. Le jugement sera rendu ce printemps.
La défense exige l'abandon des poursuites
De son côté, Ousman Sonko clame son innocence. Au premier jour du procès de l'ex-ministre gambien de l'intérieur, son avocat a tiré à boulets rouges contre le Parquet fédéral et exigé l'abandon des poursuites.
Me Philippe Currat a estimé également que le Code pénal suisse ne s'appliquait pas à la plupart des accusations portées contre son client. En outre, les faits datant d'avant le 1er janvier 2011 - date à laquelle les actes commis à l'étranger et relevant des crimes contre l'humanité ont commencé à être réprimés en Suisse - ne pourraient pas être poursuivis en raison de l'interdiction de la rétroactivité. Selon l'avocat genevois, de nombreuses étapes de la procédure ont aussi été viciées par des erreurs ou des atteintes aux droits de son mandant.
Le Tribunal pénal fédéral communiquera mardi sa décision sur la compétence de la Suisse à juger des accusations de crimes contre l'humanité, commis entre 2000 et 2016 sous le règne du président Yahya Jammeh.
Commandant de la garde nationale puis inspecteur général de la police et enfin ministre de l'intérieur, Ousman Sonko a été limogé de son ministère en septembre 2016. Jusqu'à son arrestation en janvier 2017, il vivait sans être inquiété dans le centre de transit de Kappelen-Lyss (BE). Le procès doit durer jusqu'à la fin du mois.
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Sujet radio: Nicole della Pietra
Adaptation web: jop