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Taïwan retient son souffle à la veille d'une élection présidentielle cruciale

Le Kuomintang, le parti nationaliste chinois en exil est officiellement soutenu par le gouvernement communiste de Chine pendant les élections présidentielles à Taïwan. [Keystone/EPA - Ritchie B. Tongo]
Taïwan: sentiments d’électeurs à la veille de la présidentielle / Tout un monde / 3 min. / le 12 janvier 2024
Les candidats à l'élection présidentielle de Taïwan tiennent vendredi leurs derniers meetings de campagne à la veille d'un scrutin sous la pression croissante de Pékin, qui revendique la souveraineté de l'île, et le regard attentif de Washington.

Trois hommes se disputent la présidence à Taïwan, dans cette élection à un tour: le vice-président sortant Lai Ching-te du Parti démocratique progressiste (DPP), Hou Yu-ih du Kuomintang (KMT), principal parti d'opposition qui prône un rapprochement avec la Chine, et Ko Wen-je du petit Parti populaire de Taïwan (TPP).

Le territoire de 23 millions d'habitants, situé à seulement 180 kilomètres des côtes chinoises, est considéré comme un modèle de démocratie en Asie.

>> Relire : Taïwan de retour au centre de l'attention avant une présidentielle sous tension

Jeudi, la Chine a appelé les électeurs de Taïwan à faire "le bon choix", critiquant Lai Ching-te, donné comme favori, le qualifiant notamment de "grave danger" pour ses positions en faveur de l'indépendance.

Un "choix existentiel"

Le choix à faire, pour Pékin, c'est donc de voter pour Hou Yu-ih du KMT, parti ouvert à la coopération avec la Chine. Un choix qui, s'il se réalise, serait un changement de donne après les huit années de présidence de Tsai Ing-wen du Parti démocratique progressiste qui est, sans le proclamer officiellement, favorable à l’indépendance de Taïwan. Il est en tout cas très attaché au modèle démocratique et libéral de l’île.

Pour Lin Chun-hua, professeure assistant à l’Université nationale de Taïpei, cette élection est plus que cruciale, c'est un choix existentiel. Selon elle, si la population fait le mauvais choix, Taïwan pourrait en effet cesser d'exister, du moins sous la forme qu'on lui connaît aujourd'hui.

"Cette élection est une confrontation de valeurs entre Taïwan et la Chine. Et c'est plus important pour l'existence de Taïwan", témoigne-t-elle au micro de Tout un monde.

Pilote dans le port de Kaohsiung, Henry Ling a une autre perception. Il est Taïwanais, mais assume son identité chinoise et il va voter pour le KMT.

"Cette fois, c'est différent. Si le prochain gouvernement n'est pas en mesure de discuter avec la Chine continentale et de trouver une solution pacifique, la guerre éclatera", explique-t-il. "Les gens vont maintenant réfléchir. Je pense donc que le Kuomintang va gagner. Cela signifie que la tension va retomber des deux côtés. C'est une bonne nouvelle pour la Chine, pour nous, mais aussi pour le monde entier."

Pression diplomatique et militaire de la Chine

Toute la semaine, Pékin a accentué sa pression diplomatique et militaire sur Taïwan, et jeudi cinq ballons chinois ont encore franchi la ligne médiane séparant l'île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, qui a aussi repéré dix avions et six navires de guerre.

Les Etats-Unis ont mis en garde la Chine contre toute réaction au résultat sous forme "de pression militaire ou des actions coercitives" accrues.

Le statut de Taïwan est l'un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, premier soutien militaire du territoire, et Washington a prévu d'envoyer une "délégation informelle" sur l'île après le vote.

Pékin leur a rétorqué jeudi de ne "pas se mêler des élections de la région de Taïwan, sous quelque forme que ce soit, afin d'éviter de nuire gravement aux relations sino-américaines".

L'économie de Taïwan, un des enjeux du scrutin

L'économie de Taïwan qui dépend beaucoup de sa position dominante dans le secteur des semi-conducteurs représente aussi un des enjeux du scrutin. Ce secteur vital risque d'être fragilisé en cas d’ingérence de Pékin, comme le craint l’ingénieur Lin Mou-shiung, un des pionniers des semi-conducteurs à Taïwan.

>> Lire aussi : Le marché stratégique des semi-conducteurs, cette "bouée économique" de Taïwan

"Les élections sont très importantes pour l'industrie taïwanaise, et pour notre mode de vie. En particulier dans le domaine des semi-conducteurs", note-t-il. "Sans la liberté, la démocratie, les droits de l'homme, l'État de droit, les pays libres ne feront plus d'affaires avec nous. Nous devons être très déterminés à protéger la liberté et la démocratie. Cela veut dire qu'il ne faut pas s'unir avec la Chine, surtout en ce moment."

Ne pas s'unir avec la Chine paraît comme une évidence pour Lo Chih-cheng, député du Parti démocrate progressiste. Il souligne à quel point les huit années de présidence de Tsai Ing-wen ont renforcé la visibilité internationale de Taïwan.

"Taïwan a marqué sa présence et a suscité l'admiration de nombreux pays, notamment face à une Chine en pleine ascension. Et Taïwan a montré sa détermination à lutter pour sa propre survie." Mais pour lui, c'est surtout la vitalité économique de Taïwan qu'il serait dommage de voir disparaître. "Si l'équilibre des forces penche en faveur de Pékin, c'est tout le paysage géopolitique qui sera modifié du jour au lendemain."

>> L'émission spéciale de Tout un monde sur l'élection présidentielle à Taïwan :

Sur l'île taïwanaise de Kinman, les canons font face à Xiamen, ville chinoise située de l'autre côté d'un bras de mer. [RTS - Patrick Chaboudez]RTS - Patrick Chaboudez
Emission spéciale (partie 1): Taïwan face à la Chine / Tout un monde / 22 min. / le 30 novembre 2023
Emission spéciale (partie 2): Taïwan face à la Chine [RTS - Patrick Chaboudez]RTS - Patrick Chaboudez
Emission spéciale (partie 2): Taiwan, un enjeu global / Tout un monde / 21 min. / le 1 décembre 2023

Sujets radio: Patrick Chaboudez/MP

Adaptation web: fgn avec afp

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Taïwan prêt à se défendre en cas de guerre contre la Chine

A Taiwan, il y a ceux qui croient à la possibilité d'un débarquement militaire de la Chine et ceux qui n'y croient pas parce que ce serait trop compliqué.

Les Etats-Unis laissent penser qu'ils viendraient défendre Taiwan si nécessaire, mais sans un engagement formel.

Quoi qu'il en soit, à Taïwan, la défense semble prête à se défendre contre la Chine. Depuis trois ans, les avions militaires F16 multiplient notamment les rondes au-dessus de la pointe sud de l’île. Comme l'explique Robin Hsiu au micro de Tout un monde, il s'agit d'opérations d'interception. Muni d’une voiture bardée d’antennes et d’une radio amateure, l'homme de 61 ans arpente les plages aux aurores pour tenter de capter les échanges radio dans le ciel.

"On est sur une plage rouge, définie comme une zone à risques… On parle de zone cible pour les Chinois, susceptible d'être choisie pour un débarquement", témoigne-t-il.

Radars de pointe des Etats-Unis

Il s'agit de points stratégiques sans barbelés ni protections particulières. Des zones qui semblent donc vulnérables, mais seulement en apparence comme le précise Robin Hsiu.

"Grâce aux radars de pointe des Etats-Unis, on détecte les mouvements des Chinois depuis leur propre côte. En cas de débarquement, leurs navires de guerre mettraient près d’une heure à arriver. Notre dispositif est vite déployé. Nos hommes seraient en place en moins de trente minutes."

Ce degré de préparation s'est amélioré ces dernières années sous la présidence du Parti démocrate progressiste au pouvoir. Encouragé par Washington à accroître son budget défense, il veut dissuader la Chine d'attaquer en transformant Taïwan en porc-épic.

Nouveaux sous-marins, nouveaux avions, missiles et technologies dernier cri des Etats-Unis, Taipei a fait depuis quelques années de sa sécurité une nouvelle priorité.

>> Ecouter le sujet de Tout un monde :

Une immense affiche de propagande militaire chinoise déployée à Beijing en août 2023. [Keystone/EPA - Wu Hao]Keystone/EPA - Wu Hao
Taïwan: comment la défense se prépare face à la Chine / Tout un monde / 5 min. / le 12 janvier 2024