Cécile Duflot: "Il ne faut pas seulement taxer davantage les plus riches, il faut les taxer justement"
Le fossé entre les ultrariches et les plus pauvres se creuse inexorablement: depuis 2020, la fortune des cinq milliardaires les plus riches a doublé, alors que la fortune des cinq milliards d’êtres humains les plus pauvres a baissé, selon le rapport publié par Oxfam lundi. Les crises actuelles (guerre, inflation...) profitent aux plus riches et c'est rageant, dénonce lundi dans La Matinale Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France.
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Mais "ce n'est pas une fatalité. C'est vraiment le résultat de choix ou de non-choix politiques, d'un laisser-faire qui permet cette aggravation des inégalités", relève celle qui a été ministre du Logement sous François Hollande entre 2012 et 2014. Car "il y a une capacité à l'action et à la décision qui est très grande. La pandémie nous l'a montré. Face à un défi considérable, on a été capables, de manière collective au niveau mondial, d'agir de façon extrêmement déterminée, extrêmement massive et extrêmement rapide".
Ce n'est pas l'impuissance des politiques qu'on met en cause, c'est le refus d'agir
De plus, certaines grandes fortunes ont profité des mesures prises à ce moment-là. "Le temps devrait être à la solidarité inverse et à la redistribution", explique-t-elle encore. "Ce n'est pas l'impuissance des politiques qu'on met en cause, c'est le refus d'agir."
"Il y a eu de tout temps des gens très riches et des gens plus pauvres. Sauf que là, l'ampleur et l'amplitude sont complètement délirantes. On veut remettre ce débat au centre parce que c'est crucial si on veut se construire un avenir durable et tenable pour tous", déclare Cécile Duflot.
Taxer davantage
Pour réduire ces inégalités, Oxfam demande "une taxation exceptionnelle dans un premier temps, puis durable, qui permette la redistribution au niveau mondial. Cela semblait complètement utopique quand on en parlait pour les entreprises, pour lutter contre les paradis fiscaux, c'est maintenant un début de réalité avec la taxation minimum pays par pays", relève-t-elle.
"C'est devenu une réalité parce qu'on s'est rendu compte à quel point l'existence de ces paradis fiscaux minait des pays, minait les ressources publiques d'entreprises qui pourtant avaient besoin de ces pays pour se développer", précise l'ancienne ministre écologiste.
Aujourd'hui, le problème c'est que les ultrariches échappent à l'impôt
Pour Cécile Duflot, la fiscalité est un choix de société. "L'abbé Pierre, dont on va bientôt fêter les 50 ans de l'appel en France, disait 'la politique à la fin, c'est savoir à qui on prend le fric et à qui on le donne'. Cette expression est très juste. Parce que ce qui est certain, c'est que le système tel qu'il existe est incapable de se réguler, il accroît les inégalités de manière considérable et il désagrège notre climat par le réchauffement climatique. Donc le seul moyen d'agir, c'est justement de réguler. Et l'outil fiscal, c'est un outil de régulation. C'est un outil de redistribution, mais c'est un outil qui permet aussi de pouvoir construire des politiques publiques qui nous permettront de faire face à d'autres crises dans le futur", avance-t-elle encore.
Mais il ne s'agit pas seulement de taxer les riches, "il s'agit de taxer de manière progressive, de taxer en proportion de la richesse. Aujourd'hui, le problème c'est que les ultra-riches échappent à l'impôt. Ils ont développé des techniques et des dispositifs fiscaux qui leur permettent d'échapper à l'impôt. En proportion, les 0,1% les plus riches payent moins qu'une énorme partie de la population mondiale. Donc en fait, ce n'est pas juste les taxer davantage, c'est les taxer justement," conclut Cécile Duflot.
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: France-Anne Landry