Pour l'eurodéputé hongrois Balasz Hidvéghi, l'UE est un terrain de "conflit et de chantage idéologiques"
Viktor Orban et son parti Fidesz font figure de "Monsieur Non" de l'Union européenne, le Premier ministre hongrois ayant notamment comparé l'UE à "une mauvaise parodie de l'Union soviétique". Et cela quand bien même le pays qu'il dirige depuis 2010 est le deuxième bénéficiaire des dizaines de milliards d'euros de subventions communautaires.
Si le dirigeant hongrois est critiqué par ses pairs pour ses positions radicales sur la migration et pour son indulgence vis-à-vis de Moscou, il est également accusé par un large spectre du Parlement européen de ne pas respecter l'Etat de droit. A ce propos, une nouvelle offensive pourrait se dérouler au Parlement mercredi pour tenter de limiter les droits de vote de la Hongrie, comme le prévoit l'article 7 du Traité européen.
Combat idéologique contre le "gauchisme" européen
Chef des élus Fidesz au Parlement européen, Balasz Hidvéghi est un proche de Viktor Orban. Il a aussi longuement été directeur de communication de ce parti ultra-conservateur, dont il est membre depuis 1989.
A ses yeux, il est urgent de mener un combat politique et culturel contre une Union européenne qui voudrait imposer à son pays des valeurs à l'encontre des siennes.
"Nous croyons en une Europe des nations, souveraine, basée sur le respect mutuel, sur l'acceptation des différences entre les pays. Nous croyons que la bureaucratisation et la centralisation sont une menace pour la coopération européenne. On voit un manque de respect pour la différence, pour l'identité constitutionnelle de chaque pays membre", critique l'eurodéputé lundi dans l'émission Tout un monde.
La Hongrie n'a pas rejoint l'Union européenne pour devenir un sujet à qui la Commission européenne va dicter les valeurs qu'elle peut avoir
A ses yeux, la Commission européenne outrepasse trop souvent ses compétences et le pouvoir qui lui est imparti, une situation qui génère "un climat de conflit et de chantage politique idéologique", avec une idéologie "gauchiste, de plus en plus radicale, qui essaie de tout dominer en Europe".
Pour changer les choses, le porte-parole des élus Fidesz place de grandes espérances sur les prochaines élections européennes en juin. "Nous espérons qu'on pourra voir davantage de voix 'normales' pour une coopération classique européenne", souhaite-t-il.
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Au coeur du différend entre la Hongrie et l'Union européenne se trouvent des valeurs légales, religieuses et morales avant tout. "On ne peut pas accepter un chantage idéologique venant de la Commission européenne, concernant par exemple la prolifération de la propagande LGBT à l'école", illustre Balasz Hidvéghi. "La Hongrie n'a pas rejoint l'Union européenne pour devenir un sujet à qui la Commission européenne va dicter les valeurs qu'elle peut avoir", martèle-t-il.
Un déficit démocratique dénoncé
Mais une autre facette de l'opposition profonde entre la Hongrie et la quasi-totalité de ses 26 Etats partenaires est le déficit démocratique. Pour un grand nombre d'observateurs, la Hongrie est une démocratie illibérale, qui présente d'importants déficits en matière de séparation des pouvoirs et de corruption. Ce déficit démocratique est à l'origine du gel par la Commission européenne, au nom du reste de l'UE, de milliards d'euros de subventions auxquelles la Hongrie aurait droit si elle respectait l'entièreté de l'Etat de droit.
Interrogé sur le classement annuel de l'ONG Transparency International, où la Hongrie est lanterne rouge de l'UE en la matière, Balasz Hidvéghi balaie: "Transparency International est une organisation biaisée, qui reçoit ses fonds de la part de George Soros et les autres (allusion au financier et philanthrope américain d'origine juive-hongroise, régulièrement pris pour cible par la sphère complotiste et l'extrême-droite qui l'accusent de vouloir changer la marche du monde et les valeurs de la société à coups de milliards, ndlr) qui font partie de cette lutte idéologique qui domine pour l'instant les relations internationales et européennes."
Je pense qu'au moment d'une guerre terrible en Ukraine, c'est le moment de parler avec Vladimir Poutine, justement pour arrêter cette guerre."
Sur le plan international, alors que l'UE affiche de profondes divergences vis-à-vis de Moscou et de la guerre menée en Ukraine, la Hongrie fait également cavalier seul vis-à-vis du président Vladimir Poutine. Ce dernier est boycotté par les dirigeants européens à l'exception de Victor Orban, qui l'a rencontré en octobre dernier. Pour de nombreux dirigeants européens, cette entrevue dénote une absence de solidarité et constitue une faute politique.
Pas selon Balasz Hidvéghi. Vladimir Poutine "reste le président de la Russie, qui reste un pouvoir nucléaire dangereux. Il faudra trouver un moyen de coexister avec lui", rétorque-t-il. "Si vous restez dans une position moralisatrice, cela ne vous donne pas de résultat. En politique, il faut parler avec les partenaires, même s'il y a de grandes divergences d'opinions et des conflits. Je pense qu'au moment d'une guerre terrible en Ukraine, c'est le moment de parler avec Vladimir Poutine, justement pour arrêter cette guerre."
Alain Franco/kkub