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La taille des familles diminue drastiquement au niveau mondial

La taille des familles diminue drastiquement au niveau mondial. [AP - Christof Stache]
Les réseaux familiaux deviennent de plus en plus petits, selon une étude: interview de Laura Bernardi / Forum / 9 min. / le 20 janvier 2024
Les familles deviennent de plus en plus petites, ont montré des chercheurs de plusieurs pays dans une étude publiée récemment. Le nombre de cousins, frères, soeurs, oncles ou tantes se réduit fortement. A l'avenir, il y aura aussi moins de jeunes et plus de personnes âgées.

En 1950, une femme âgée de 65 ans comptait, en moyenne mondiale, 41 membres familiaux vivants. Comparativement, à la fin de ce siècle, en 2095, une femme du même âge n'en comptera pas plus de 25.

Une femme qui naît en 2030 sera donc une retraitée bien plus solitaire, montre cette étude menée par des chercheurs des universités d'Amsterdam et de Buenos Aires et de l'Institut Max Planck pour la recherche démographique, basé en Allemagne.

Changement de la structure familiale

A cette chute du nombre de membres s'ajoute aussi le changement de la structure familiale.

Il y aura de moins en moins de frères, de soeurs, de cousins, de neveux, de nièces et de petits-enfants, contre de plus en plus de grands-parents, d'arrières-grands-parents, de grandes-tantes ou de grands-oncles.

Enfin, étant donné que les enfants arrivent toujours plus tardivement au sein des foyers, la différence d'âge entre les générations va continuer à se creuser.

Evolution de la notion de famille

Laura Bernardi, démographe et sociologue à l'Université de Lausanne, a expliqué dans Forum qu'en sus de la taille et de la composition, c'est aussi la notion de famille elle-même qui est en train de changer. "L'étude dont vous avez parlé se base surtout sur les liens biologiques entre parents et enfants. Or, en Occident, il y a aussi une croissance de liens non biologiques de parenté sociale."

Quand il s'agit de la prise en charge dans des situations de santé fragile ou alors le support économique, on retombe souvent sur la parenté.

Laura Bernardi, démographe et sociologue à l'Université de Lausanne

En outre, la sociologue rappelle que cette étude ne s'intéresse pas aux liens d'amitié, même si elle relève qu'ils ne remplissent en effet pas intégralement toutes les mêmes fonctions que les liens familiaux.

"Il y a des choses pour lesquelles les amis sont bien présents. [...] Pour ce qui concerne les loisirs, le soutien émotionnel, ils sont là, actifs et parfois plus présents que la famille. Mais quand il s'agit de la prise en charge dans des situations de santé fragile ou alors le support économique, on retombe souvent sur la parenté", a encore précisé Laura Bernardi.

Affaiblissement du "réseau de soutien" familial

La conséquence la plus importante du phénomène d'étiolement des réseaux familiaux est donc l'affaiblissement du réseau de soutien intrafamilial, un réseau essentiel sur des questions existentielles (survie matérielle, santé, alimentation, logement).

Les gens vont vivre de plus en plus longtemps et les personnes âgées seront de plus en plus nombreuses. Leurs besoins en aides et en soins vont donc augmenter. Et les jeunes seront de moins en moins disponibles, parce que trop peu nombreux.

Toute l'économie invisible, celle de la solidarité entre proches fournie par le réseau familial va donc s'effriter.

Et les jeunes ne seront pas mieux servis, car avec l'écart des années qui se creuse entre générations, les grands-parents seront plus souvent trop âgés pour s'occuper de leurs petits-enfants. Par conséquent, les familles dépendront de plus en plus des structures sociales privées et publiques, des garderies aux EMS.

Des disparités mondiales

Les chercheurs s'attendent à ce que cette évolution soit particulièrement abrupte en Amérique latine et dans les Caraïbes. Dans ces régions, une femme de 65 ans comptait 56 membres familiaux en 1950, alors que près d'un siècle et demi plus tard, elle n'en comptera plus que 18. Le réseau familial est donc amoindri de deux tiers.

En Europe, comme en Amérique du Nord, l'étiolement n'est pas aussi drastique. Le réseau familial d'une femme de 65 ans passe de 25 à 16 membres entre 1950 et 2095, selon les pronostics des chercheurs. Un signe que l'effritement du réseau de soutien familial est déjà bien entamé en Occident.

La peur de l'isolement

Et la solitude pourrait être en passe de devenir une préoccupation majeure des sociétés dans lesquelles ce réagencement de la structure familiale s'opère. Cependant, "s'inquiéter n'est pas très utile", pense Laura Bernardi.

Si ces liens sont de qualité [..], ce qui ne sera pas en augmentation, c'est la solitude.

Laura Bernardi, démographe et sociologue à l'Université de Lausanne

"Si par isolement, vous voulez dire des personnes qui auront moins de liens, c'est bien probable. Mais si ces liens sont de qualité, choisis et que cette phase est préparée et anticipée, ce qui ne sera pas en augmentation, c'est la solitude." Car avoir moins de liens et se sentir seul, ce n'est pas la même chose. "On peut en effet se sentir seul tout en ayant beaucoup de liens", conclut-elle.

Sujet et interview radio: Katja Schaer et Thibaut Schaller

Adaptation web: Julien Furrer

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