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Vladimir Poutine relance le débat sur le "problème" de l'IVG face à la baisse de la natalité

Le gouvernement russe cherche à compliquer l'accès à l'avortement pour lutter contre la crise démographique
Le gouvernement russe cherche à compliquer l'accès à l'avortement pour lutter contre la crise démographique / 19h30 / 2 min. / le 20 janvier 2024
En Russie, Vladimir Poutine a relancé ces dernières semaines le débat sur les interruptions volontaires de grossesse en les qualifiant de "problème grave". Le pouvoir veut compliquer l'accès à l'avortement pour s'attaquer à la grande crise démographique qui touche le pays.

Si le président russe a relancé le débat sur l'IVG, c'est que la crise de la natalité s'est aggravée avec le Covid puis la guerre. A Kazan, sur les rives de la Volga, le débat politique est devenu public. Il anime les passions, chose rare en Russie.

Dans la banlieue de Kazan, Radmira, une psychologue, accompagne des femmes qui souhaitent avorter dans un foyer pour femmes en difficulté. Son objectif: les faire changer d'avis.

"La plupart des femmes qui viennent pensent avoir déjà pris leur décision et disent 'je ne changerai pas d'avis'. On fait plusieurs consultations pour comprendre pourquoi elles veulent avorter et pour leur expliquer qu'en réalité elles n'ont pas de problème", a-t-elle expliqué samedi dans le 19h30.

Une semaine de réflexion imposée

Les femmes enceintes ont une semaine de réflexion imposée et Radmira ne manque pas de techniques pour les pousser à garder leur bébé: "On pratique aussi une échographie en format 3D. On montre à la femme que le bébé a déjà ses petits bras, ses petites jambes, qu'il comprend déjà tout et qu'il est grand. Donc, qu'il est impossible de stopper la grossesse, quel que soit le délai."

Dans cette région, la politicienne Irina Volynets se bat elle pour limiter l'accès à l'avortement. Elle estime que l'enjeu est autant démographique que patriotique.

Et de s'expliquer: "Un homme ne peut avoir de motivation pour prendre les armes si sa patrie est en danger et la défendre s'il n'a pas de famille, pas d'enfant. Alors, pour qui combattre? Qui défendre alors? Un homme qui part défendre ses proches, ses amis, ses parents, ses enfants: c'est ça, le vrai patriotisme."

Femmes en colère

Le sujet fait débat dans le pays. Des centaines de lettres de femmes en colère ont été envoyées au Parlement russe et aux gouverneurs. A Kazan, des femmes ont même pris le risque de manifester, encadrées par la police.

De son côté, Maria, contrainte d'avorter pour raisons médicales car son fœtus n'était pas viable, dénonce anonymement - par crainte de représailles - le militantisme de certains médecins dont elle a été victime. Son engagement dépasse le sujet de l'IVG et prend une tournure politique.

"Quand tu sais que ce qui attend peut-être ton enfant c'est de mourir dans une tranchée, tu réfléchis 1000 fois avant d'en faire un."

Maria, une témoin anonyme russe

"Dans un Etat normal, les femmes font plus souvent le choix de garder leur bébé. Mais dans notre pays, quand tu sais que ce qui attend peut-être ton enfant, c'est de mourir dans une tranchée, tu réfléchis mille fois avant d'en faire un."

Vladimir Poutine a annoncé que 2024 serait l'année de la famille. Une façon de pousser les femmes russes à participer à l'effort de guerre en faisant des enfants.

Sujet TV: Alexandra Dalsbaek

Adaptation web: Julien Furrer

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La démographie, l'obsession de Vladimir Poutine

Dans ce pays le plus grand du monde en superficie, le pouvoir n'arrive pas à inverser la tendance, malgré la mise en place notamment de programmes de natalité et d'allocations familiales pour les familles nombreuses.

La démographie devient même une obsession pour Vladimir Poutine, qui associe la puissance de l'Etat à la taille de sa population. Cette préoccupation revient dans de nombreux discours depuis son arrivée au pouvoir. En 2006, par exemple, le chef du Kremlin considérait cette crise démographique comme le problème le plus grave du pays.

Ce phénomène est apparu après la chute de l'URSS. Il y a 30 ans, la population russe s'élevait à 149 millions d'habitants et habitantes. Aujourd'hui, on en compte trois millions de moins. Ce nombre pourrait avoisiner les 130 millions en 2050.

Et ce déclin a été aggravé ces dernières années avec une surmortalité provoquée par la pandémie du Covid-19. Puis la guerre en Ukraine a causé des dizaines de milliers de pertes humaines sur le front et éloigne des jeunes hommes de leur foyer. Enfin, cette guerre a aussi accentué l'émigration, en raison de la situation économique à la suite des sanctions mais aussi pour échapper à la mobilisation militaire.

>> Les précisions de Stephen Mossaz dans le 19h30 :

Les explications du journaliste Stephen Mossaz, sur les mesures prises par le gouvernement russe pour lutter contre la crise démographique
Les explications du journaliste Stephen Mossaz, sur les mesures prises par le gouvernement russe pour lutter contre la crise démographique / 19h30 / 1 min. / le 20 janvier 2024