Si les récentes manifestations évoquent des facteurs nationaux divers (taxation du gazole en Allemagne, par exemple), les secousses se sont multipliées partout: épisodes climatiques extrêmes, grippe aviaire, flambée des prix de l'énergie...
En plus, les mesures votées par le Parlement européen se sont accumulées ces dernières années: réduction de l'usage des pesticides et des antibiotiques, diminution des surfaces cultivées, restauration des terres et des mers dégradées, doublement de la production en bio, etc.
Trop de contraintes européennes
L'UE a conçu une stratégie verte dédiée à l'agriculture. Appelée "de la ferme à la table", elle impose des normes nouvelles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, relancer la biodiversité, et produire une alimentation plus saine.
Mais ce programme génère trop de contraintes, protestent nombre d'associations paysannes alors même qu'un bon nombre de ces nouvelles règles n'est pas encore entré en vigueur, et malgré la soixantaine de milliards d'euros de subventions agricoles versées chaque année.
Importations de produits ukrainiens
Autre sujet clivant: l'afflux de produits agricoles ukrainiens dans l'UE depuis la levée des droits de douane en mai 2022 qui les ont rendu très concurrentiels. Les agriculteurs bulgares et roumains ont bloqué les postes-frontières avec l'Ukraine avec leurs tracteurs pour protester contre cet afflux de blé ou de maïs qui a fini par s'accumuler.
A titre d'exemple, l'Ukraine produit le poulet à de meilleurs coûts que ses voisins: 1kg de poulet de qualité égale y coûte en moyenne 25% de moins qu'en Pologne.
>> Sur ce sujet, lire : Partout en Europe, la colère gagne du terrain chez les agriculteurs
Montée en force de l'extrême droite
Cette grogne aura des répercussions politiques, à cinq mois des élections européennes.
Aux Pays-Bas, le mécontentement des agriculteurs s'est traduit dans les urnes. Le récent parti des Paysans négocie avec l'extrême droite pour former un gouvernement.
Inquiète de cette montée en puissance de l’extrême droite dans l’UE, la droite classique qui forme le Parti Populaire Européen bloque certains textes, en dilue d’autres, et réclame une pause. Elle désigne une responsable, Ursula Von der Leyen, issue pourtant de ses propres rangs. Soucieuse de rester en poste, celle-ci ne reste pas indifférente à ces critiques.
La contagion pourrait toucher d'autres pays en Europe. "Les (syndicats agricoles) italien et espagnol parlent aussi de manifestations", affirme la présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne, Christiane Lambert.
Sujet radio: Alain Franco
Adaptation web: juma avec agences
Discussion de fond sur la Politique agricole commune
Les ministres de l'agriculture de l'UE ont entamé par ailleurs mardi une discussion de fond sur l'avenir de la Politique commune agricole (Pac) englobant tous ces aspects. Organisations agricoles, secteur agro-alimentaire, ONG et experts se réuniront jeudi à Bruxelles dans ce sens. Au programme: revenus des agriculteurs, durabilité, innovation technologique, compétitivité. L'enjeu agricole est crucial en vue des élections européennes de juin.
>> Lire également : Le monde agricole suisse comprend la colère des paysans européens
"La colère des agriculteurs est multifactorielle, ce n'est pas nécessairement pour les mêmes raisons qu'ils (les agriculteurs, ndlr) manifestent d'un pays à l'autre", mais au niveau européen leurs préoccupations "doivent être mieux prises en compte", a averti mardi le ministre belge David Clarinval, dont le pays occupe la présidence tournante de l'Union européenne.