"La patrie n'est pas à vendre", "ici, il n'y a pas de caste!" "manger n'est pas un privilège": banderoles et pancartes ont rempli l'immense place du Parlement, à Buenos Aires, à l'appel du géant syndical CGT, centrale pro-péroniste (proche du précédent gouvernement), à laquelle s'étaient joints d'autres syndicats, organisations sociales, et de gauche radicale.
Selon le chef de la police de Buenos Aires Diego Kravetz, 80'000 personnes étaient présentes aux abords du Parlement. Un porte-parole de la CGT a évoqué à l'AFP jusqu'à 500'000 personnes dans la capitale. En province, à Cordoba, Corrientes, Rosario, Tucuman, entre autres, les médias ont rapporté des manifestations drainant des milliers de personnes.
Le gouvernement raille "un échec total"
Après un mois et demi de présidence Milei, une avalanche de projets de lois dérégulateurs, une dévaluation de 54% et des mesures d'austérité effectives ou planifiées, "nous venons défendre 40 ans de démocratie, défendre la patrie", a lancé à la foule le codirigeant de la CGT Hector Daer.
"Se promener avec une tronçonneuse est une chose. Gouverner en est une autre" qui requiert "d'accepter le débat" et de "faire preuve de mesure", a-t-il lancé.
Dans la capitale, transports, commerces et banques ont fonctionné normalement mercredi matin. Les bus et les trains ont circulé jusqu'à 19h00, avant un arrêt total planifié jusqu'à minuit, quais de gare et stations se désertant en fin de journée.
Le trafic aérien a été touché. La compagnie Aerolineas Argentinas a annoncé annuler 295 vols, dont des internationaux, "affectant plus de 20'000 passagers", pour un coût "qui dépassera 2,5 millions de dollars".
"Le pays ne s'arrête pas !", a claironné la ministre de la Sécurité Patricia Bullrich, raillant une mobilisation "minimale" - 40'000 à Buenos Aires selon elle - "par rapport au nombre de gens qui ont décidé d'aller travailler": un "échec total". Elle a dénoncé des "syndicats mafieux, gestionnaires de la pauvreté [...] qui résistent au changement démocratiquement décidé par la société".
"Il n'y a pas d'alternative" à l'austérité
Pour l'exécutif, qui jouit de 47% à 55% d'opinions positives, "il n'y a pas d'alternative" à l'austérité, pour apurer les comptes d'un pays structurellement endetté et stabiliser une économie étranglée à 211% d'inflation annuelle. Il dénonce des syndicats "du mauvais côté de l'histoire" et une grève de "non-sens absolu", annoncée en décembre 18 jours après l'investiture de Javier Milei et alors que les réformes suivent "le jeu démocratique" au Parlement.
>> Lire : Investi président, Javier Milei promet un "choc" d'austérité en Argentine
Le gouvernement pousse pour faire adopter son gigantesque train de réformes dit "loi-omnibus", mais le rapport de forces parlementaires - le parti de Javier Milei, La Libertad Avanza, n'est que la 3e force - contraint l'exécutif à des compromis.
Députés mis en garde
Dans les tractations des derniers jours avec l'opposition, il a proposé de retirer 141 des 664 dispositions initiales. Privatisations (41 entreprises d'Etat initialement visées), indexation des retraites, délégation de pouvoir à l'exécutif au nom de "l'urgence économique" et ressources des provinces, sont les principaux points de friction.
La chambre des députés doit examiner la semaine prochaine une première mouture de texte. Sur le plan juridique, le "décret de nécessité et d'urgence" (DNU) publié à la mi-décembre, qui pose le cadre général des réformes, rencontre, lui aussi, des écueils: il a fait l'objet de plus de 60 recours en justice invoquant son inconstitutionnalité.
jop avec afp
Protestations du monde du cinéma face aux menaces sur son financement
Une velléité du gouvernement ultralibéral de Javier Milei de réduire le budget de la culture, du cinéma notamment, a suscité une levée de boucliers de réalisateurs de renom, en Argentine et à l'international. En réaction, l'exécutif a opéré un début de marche arrière.
Une des dispositions du vaste train de réformes, dit "loi-omnibus" visait une refonte du financement de l'Institut National du Cinéma et des Arts audiovisuels (INCAA), passant d'un système de subventions à un système de prélèvement (10%) sur le prix des places de cinéma.
Une réforme équivalant à une réduction drastique des fonds dévolus au cinéma qui a engendré de fortes protestations d'acteurs et cinéastes argentins tels Santiago Mitre, réalisateur de "Argentina, 1985", vainqueur d'un Golden Globe et nommé aux Oscars 2022.
Industrie vivante et dynamique
"L'Argentine est le pays qui a le plus de nominations aux Oscars dans l'Amérique latine, car il existe une loi sur le cinéma qui soutient et encourage l'existence du cinéma argentin", a-t-il rappelé en commission parlementaire. "Le cinéma ne demande pas d'argent, il demande à pouvoir s'autofinancer".
Dans la foulée, une tribune de plusieurs dizaines d'acteurs et réalisateurs étrangers - parmi lesquels Pedro Almodovar, Aki Kaurismäki, les frères Dardenne, Alejandro Gonzalez Iñarritu ou encore Isabelle Huppert - a pris la défense du cinéma argentin et de son système de financement, qualifié d'"industrie vivante, hétérogène et dynamique".
Le cinéma argentin "génère des milliers d'emplois, exporte du contenu et attire les investissements étrangers", et la loi envisagée "aura un effet dévastateur, incalculable et irréparable sur toute la culture et la souveraineté nationale (...) résultant en milliers de nouveaux chômeurs", souligne le texte.