Jamais un tel niveau n'avait été atteint en France, pays qui compte la plus importante communauté juive d'Europe (environ 500'000 personnes), déclare à l'AFP Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Il rappelle qu'"on avait quelques dizaines d'actes par an dans les années 90, quelques centaines sur la période 2000-2022".
Dans six cas sur dix (57,8%), les actes recensés l'an dernier ont été des atteintes aux personnes (violences physiques, propos et gestes menaçants...) plutôt qu'aux biens, selon ce rapport compilant des chiffres "recensés par le ministère de l'Intérieur et le Service de Protection de la communauté Juive (SPCJ)".
Mais ces chiffres ne reflètent "qu'une partie" des actes antisémites, ceux qui ont fait l'objet d'une plainte ou d'un signalement à la police, rappelle le Crif. Dans plus de 40% des cas, il s'agissait de "propos et gestes menaçants". Et s'ils ont été surtout commis dans la sphère privée (32%) et sur la voie publique (20,4%), 7,5% ont été recensés sur internet.
Milieu scolaire touché
Autre point inquiétant pour le Crif, 12,7% des actes ont eu lieu en milieu scolaire, dont une majorité au collège. "On assiste à un rajeunissement des auteurs d'actes antisémites. L'école n'est plus un sanctuaire de la République", déplore-t-il. "Pour la première fois depuis longtemps, les générations qui arrivent sont plus poreuses aux préjugés antisémites que les générations précédentes", explique Yonathan Arfi, en identifiant "trois carburants" à ce phénomène: "la haine d'Israël, l'islamisme et le complotisme".
"Le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme latent, et en désinhibant le passage à l'acte", estime Yonathan Arfi. Les actes antisémites ont bondi de 1000 % dans les semaines suivant l'attaque du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien.
Pas d'effet d'empathie
En 2012 déjà, après l'attentat contre une école juive de Toulouse où trois enfants et un enseignant avaient été tués par le délinquant radicalisé Mohamed Merah, une hausse de 200% des actes antisémites avait été constatée. La progression avait été de 300% après l'attaque jihadiste contre le supermarché Hypercacher, en 2015.
"Après le 7 octobre, on aurait pu avoir un effet d'empathie, un effet vaccin, ça a été le contraire", soupire le président du Crif. Ainsi d'une quarantaine chaque mois sur la période estivale, les actes antisémites sont passés à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre. Une décrue en fin d'année "difficile à analyser" pour le président du Crif: "il y a eu les vacances, sans doute une baisse d'intensité..."
Rappelant que certains ont pu être tentés de masquer ce qui pourrait les désigner comme juifs -une mezouza à la porte, un nom sur la boîte aux lettres...-, Yonathan Arfi s'inquiète: "le risque à la fin est celui d'une invisibilisation des juifs dans l'espace public. C'est une victoire qu'il est hors de question de servir aux antisémites". Car "l'antisémitisme est une question qui dépasse les juifs, et dit quelque chose des sociétés ou il se développe", martèle-t-il.
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