Ce sont des situations qu'on avait plutôt l'habitude de voir en France. Des routes bloquées par les agriculteurs, des mouvements de grève à travers tout le pays mais aussi du chômage et une inflation qui persiste.
Invité vendredi de La Matinale, Tim Guldimann, ambassadeur de Suisse en Allemagne de 2010 à 2015, estime que le pays "va mal" et qu'il y règne actuellement une "atmosphère politique très négative".
Pour celui qui a aussi été conseiller national socialiste, il est encore trop tôt pour dire si l'on assiste à un changement à long terme, mais il explique la situation actuelle par trois facteurs. "C'est d'abord l'héritage du gouvernement antérieur d'Angela Merkel, qui n'a fait que repousser les problèmes que sont par exemple l'énergie ou les infrastructures (...). Il y a ensuite l'atmosphère internationale, avec les guerres, les réfugiés et les basculements politiques à droite (...) Et enfin, il y a le problème du gouvernement de coalition, qui a été capable de résoudre assez bien les problèmes durant les premières années, mais qui n'y arrive plus", juge-t-il.
Soixante milliards d'euros en moins dans le budget
Pour Tim Guldimann, plusieurs problèmes ont été mal gérés par le gouvernement d'Olaf Scholz, mais le principal défi reste les 60 milliards qu'il manque désormais dans les caisses.
Dans les faits, la Cour de Karlsruhe a tout simplement interdit au gouvernement de reconvertir une ligne de crédits de 60 milliards d'euros qui aurait dû servir à lutter contre les conséquences de la pandémie de Covid-19. Ces 60 milliards n'avaient finalement pas été utilisés en 2021. Le gouvernement avait alors décidé de les injecter dans un fonds spécial pour financer la transition écologique. C'est cette sorte de "tour de passe-passe" budgétaire qui a été retoqué par la Cour constitutionnelle. Une décision qui se fonde sur la règle du frein à l'endettement
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"Tout d'un coup, le gouvernement s'est vu confronté à un problème pour les prochaines années. Il manque 60 milliards qui ne sont plus à disposition. Cela signifie de très grandes coupes pour l'année en cours (...) et c'est une véritable bagarre au sein du gouvernement pour savoir comment distribuer ces coupes", résume l'ex-ambassadeur.
Récession et inflation
Concernant le chômage et l'inflation, Tim Guldimann note que Berlin paie ici avant tout une dépendance au prix de l'énergie. Il souligne également une fois encore l'héritage des gouvernements précédents, notamment en ce qui concerne les infrastructures ferroviaires, à l'heure où plusieurs trains sont à l'arrêt du fait de grèves.
"Il y a une récession économique, ce qui est nouveau pour l'Allemagne (...) En comparaison, la Suisse a l'avantage d'avoir une monnaie indépendante, ce qui veut dire qu'il est possible d'adapter le taux de change. De plus, nous n'avons pas eu ici une inflation aussi haute qu'en Allemagne, car on ne dépend pas autant du prix de l'énergie. Et cette inflation a rendu très difficile la relation entre les partenaires sociaux", précise Tim Guldimann.
Migration et extrême-droite
Un autre défi de taille pour Berlin reste l'immigration. Avec la guerre en Ukraine, le nombre de réfugiés a bondi. L'ancien conseiller national juge une fois encore qu'il y a eu ici une accumulation qui a poussé à la situation délétère actuelle.
"Il y a eu plus d'un million de réfugiés ukrainiens au cours des deux années précédentes et maintenant, il y a un nouvel afflux (...) Les réfugiés ukrainiens ont utilisé toutes les capacités d'accueil et c'est là où les problèmes commencent, surtout au niveau des communes", déclare-t-il.
Une situation qui sert les intérêts des partis conservateurs, et notamment de l'Alternative für Deutschland (AfD), le parti de la droite dure, populiste et nationaliste.
Propos recueillis par Delphine Gendre
Adapation web: Tristan Hertig