Il y a tout juste 40 ans, le président américain Ronald Reagan lançait l’Initiative de défense stratégique avec la volonté de créer un bouclier pour faire barrage aux missiles soviétiques. C’est la naissance du fameux concept de la "guerre des étoiles". Un programme finalement abandonné après l’effondrement de l’Union soviétique. Alors que durant la guerre froide, la rivalité entre Moscou et Washington alimentait la course spatiale, aujourd’hui, c’est la concurrence entre Chinois et Américains qui s’inscrit au cœur de ce bras de fer intersidéral.
Après être tombée dans l’oubli pendant un demi-siècle, la Lune attise toutes les convoitises. La Chine en a fait l’une de ses grandes priorités stratégiques. Après vingt ans d’exploration à l’aide de sondes et robots, elle prévoit même des vols habités dès 2029. Les Etats-Unis ont lancé le programme Artemis. Le budget est colossal: 93 milliards de dollars. "Les Etats-Unis veulent être les premiers, mais ils emmènent avec eux d'autres Etats. S'agit-il d'un bras de fer États-Unis-Chine ? Je pense que la compétition est plus large. Il y a aussi d'autres acteurs", précise dans Géopolitis Natália Archinard, chargée des questions spatiales auprès du Département fédéral des affaires étrangères et représentante de la Suisse au Comité de l’Onu sur l’Espace.
L’Inde, nouvelle puissance spatiale
Le 24 août 2023, une fusée indienne s’est posée pour la première fois sur la Lune. Une première historique et l’affirmation d’une nouvelle puissance émergente du Sud global: l’Inde fait désormais partie, aux côtés de l’ex-URSS, des Etats-Unis et de la Chine, du cercle très restreint de pays à s’être posés sur le sol de notre satellite naturel. Prochain objectif: y installer une base lunaire et préparer une mission humaine d’ici 2040.
La conquête de l’espace n’est plus l’apanage des grandes puissances. Le Danemark et la Colombie disposent par exemple de leurs propres satellites militaires. L’Espagne s’est elle aussi lancée dans la course spatiale. Avec le soutien d’une start-up subventionnée par Madrid, elle a lancé sa propre fusée à Huelva, en Andalousie. "Les Etats travaillent avec les acteurs commerciaux pour retourner sur la Lune", relève Natália Archinard. "Mais il ne faut pas oublier l'intérêt de la science, de la science spatiale et de la découverte de l'Univers qui sont nécessaires à tous ces développements qui nourrissent les intérêts stratégiques et commerciaux."
Avec la guerre en Ukraine, la question du "contrôle de l’espace" est plus que jamais centrale. L’utilisation de satellites de renseignement s’est accélérée et ils sont parfois visés par des cyberattaques pour les rendre inopérants. En Asie, la conquête de l’espace est devenue un nouvel enjeu de rivalité entre les deux Corées qui se sont lancées dans une course spatiale. Dernier épisode en date, l’annonce par Séoul de l’envoi d’un satellite de surveillance depuis la Californie, dans une fusée SpaceX d’Elon Musk. Le milliardaire américain est devenu un acteur omniprésent de cette conquête spatiale.
Record de lancements de satellites
En 2023, le nombre de satellites en orbite autour de la Terre a littéralement explosé, atteignant le chiffre record de 10'928, selon une étude du Bureau des affaires spatiales des Nations unies.
Ce ne sont pas moins d’un million de fragments de fusées et de satellites qui gravitent aujourd'hui au-dessus de nos têtes, 8000 tonnes de déchets spatiaux en orbite. Satellites hors d'usage, fragments de fusées, des plus grands aux plus infimes, avec le risque, à tout moment, d’une collision. "Ces fragments sont avant tout un risque pour les autres satellites, pour les satellites opérationnels", explique Natália Archinard.
La Suisse, une nation spatiale
Pour dépolluer l'espace, peu de lois contraignantes existent, seules des recommandations de l'ONU. La Suisse fait office de pionnier dans la lutte contre la pollution spatiale. C’est à l’EPFL qu’un projet pilote a été développé par la start-up Clear Space, devenue un partenaire de premier plan pour l’Agence spatiale européenne. Le premier robot nettoyeur conçu en Suisse réalisera sa première mission en 2026.
La Suisse, une nation historiquement ancrée dans l’aventure de la conquête spatiale. Une expérience conçue à l'Université de Berne avait été embarquée par la mission Apollo XI. En 1992, le premier astronaute suisse, Claude Nicollier, s’envolait dans l’espace à bord de la navette américaine Atlantis. Sélectionné parmi 22'523 candidats, le Biennois Marco Sieber deviendra le deuxième Suisse de l’histoire à partir dans l’espace.
Olivier Kohler