A Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne, sud de la France), le chef du gouvernement a ainsi assuré que ce vendredi était "un jour de sursaut" pour l'agriculture française, qui sera mise "au-dessus de tout".
"Vous avez voulu envoyer un message. Je suis venu vous dire que le message, on l'a reçu cinq sur cinq, que je vous ai entendus", a-t-il déclaré. "On a décidé de mettre l'agriculture au-dessus de tout", a-t-il lancé en réponse aux revendications des agriculteurs qui manifestent depuis plus d'une semaine en France.
Gabriel Attal a critiqué "celles et ceux qui opposent la défense de nos agriculteurs et la défense de l'environnement", estimant que les agriculteurs étaient "les premières victimes de la dégradation de l'environnement".
"Dans les priorités de notre action, ne pas laisser notre agriculture à la merci de la concurrence déloyale est un enjeu absolument majeur", a-t-il aussi dit avant de détailler son plan.
Pas de hausse de la taxe sur le gazole non routier agricole
Parmi les dix mesures que le Premier ministre a annoncées pour les agriculteurs, la suppression de la hausse de la taxe sur le gazole non routier agricole, qui devait augmenter progressivement jusqu'en 2030.
"On va arrêter avec cette trajectoire de hausse du GNR", a-t-il annoncé, accédant ainsi à l'une des principales demandes des agriculteurs. Pour une "simplification" des procédures, il a également assuré que les remises de taxe sur ce carburant seraient déduites à l'achat, et non plus après coup sur justificatif, "d'ici à l'été".
Plus d'aides d'urgence et pour la filière bio
L'augmentation des indemnisations pour soutenir les exploitations les plus en difficulté face à la maladie hémorragique épizootique (MHE) est une autre mesure annoncée vendredi. Cette nouvelle pathologie apparue en septembre dans les élevages du sud-ouest affaiblit les vaches.
Le chef du gouvernement a donc évoqué un "budget de 50 millions d'euros" et une "augmentation du taux d'indemnisation à 90%" pour les éleveurs touchés par cette maladie.
Une nouvelle aide pour la filière bio sera aussi mise en place. Gabriel Attal a indiqué qu'il allait "remettre 50 millions d'euros pour la filière bio", les cultivateurs et éleveurs du secteur ayant vu leurs revenus s'effriter ces deux dernières années avec le déclin de la demande de ces produits.
Le gouvernement s'était déjà engagé en 2023 à verser 94 millions d'euros à ce secteur en difficultés.
Protéger le revenu des agriculteurs
Gabriel Attal a aussi dit qu'il allait "prononcer trois sanctions très lourdes" contre trois entreprises ne respectant pas les lois Egalim, qui visent à protéger le revenu des agriculteurs dans le cadre des négociations avec les industriels et les supermarchés.
"L'objectif est clair: faire respecter Egalim partout, sans exception", a-t-il affirmé. Il a également annoncé le renforcement des contrôles et promis de mettre une "pression maximale" sur les négociations en cours entre les acteurs.
Ces annonces du gouvernement visent à "simplifier drastiquement nos procédures" et "normes", a encore précisé Gabriel Attal. Evoquant un "mois de la simplification" d'ici au Salon de l'agriculture qui s'ouvre fin février, le chef du gouvernement a cité notamment les "curages" des cours d'eau agricole ou les délais de recours contre les projets agricoles.
Contre l'accord commercial avec le Mercosur
Autre sujet qui fâche les agriculteurs: un accord commercial entre l'Union européenne et les pays latino-américains du Mercosur négocié depuis des années. Il achoppe sur des questions environnementales et est dénoncé notamment par les agriculteurs français, pour le risque de concurrence déloyale de la part de produits sud-américains. Le Premier ministre a assuré que "La France s'oppose de manière très claire" à "la signature".
"Je le redis ici de manière très claire, très nette. Le président de la République s'y est toujours opposé et nous continuons et continuerons à nous y opposer."
Perturbations dans toute la France
Ces annonces interviennent alors que les agriculteurs font monter la pression sur l'exécutif: l'accès à Paris était perturbé vendredi, et des autoroutes toujours bloquées. Des opérations escargot sont organisées partout, en Bretagne, en Aquitaine, en Rhône-Alpes. A Narbonne, un bâtiment de la Mutualité sociale agricole (MSA), évacué par précaution jeudi, a été incendié vendredi en marge d'une manifestation d'agriculteurs.
Au cours de ce discours, debout devant une botte de foin, le chef du gouvernement a multiplié les gestes de compréhension à l'égard des agriculteurs.
"On ne vous lâchera pas", "on va se battre au niveau européen pour aussi faire bouger les lignes", a-t-il conclu.
juma avec afp
"C'est bien mais il va falloir aller plus loin"
Invité dans l'émission Forum de la RTS, Jérémy Bechet, apiculteur en Haute-Savoie (F) et membre de la Coordination rurale, un syndicat agricole, estime que ces mesures sont un bon début mais qu'elles doivent se concrétiser par des actes.
Il salue la suppression de la hausse de la taxe sur le gazole non routier agricole mais reste prudent: "C'est une annonce qui est bienvenue mais c'est une 'mesurette' (...) C'est bien, mais il va falloir aller plus loin".
Il évoque les importations de produits interdits pour l'agriculture française. "C'est ça aujourd'hui le grand drame de l'agriculture française!"
Mais ce syndiqué qui a manifesté vendredi sur l'A41, l'autoroute qui relie Annecy à Genève, n'est pas dupe."Ça ne coûte pas cher de nous cirer les bottes, mais il faut que derrière, ça soit suivi de mesures concrètes", souligne-t-il.
Une agriculture "à l'agonie"
"L'agriculture française est à l'agonie", s'inquiète Jérémy Bechet. Il demande donc que le gouvernement sorte l'agriculture et la filière alimentaire "des accords de libre échange" comme le Mercosur et le Ceta. "Il faut protéger notre mode de production", insiste-t-il.
Concernant le futur, l'invité de la RTS n'exclut pas une poursuite du mouvement, avec même un engouement d'autres filières. "Il est certain que si l'on n'obtient pas suffisamment de choses, on va rester mobilisés (...) Il va probablement y a voir une réflexion plus globale entre les filières", notamment avec les artisans qui se sont rapprochés des agriculteurs, prévient-il enfin.
Levée du barrage de Carbonne pour samedi midi
L'éleveur occitan Jérôme Bayle, initiateur du premier barrage devenu une figure de la contestation, a annoncé au côté de Gabriel Attal que le barrage de Carbonne (Haute-Garonne) serait levé d'ici samedi midi.
"Si on s'est battus, c'est pour arrêter tout ça (...) ce soir je vous annonce que demain midi l'autoroute pourra circuler", a-t-il lancé sous les applaudissements des agriculteurs.
Les syndicats appellent à poursuivre les mobilisations
Les principaux syndicats des agriculteurs français ont annoncé vendredi avoir pris la décision de poursuivre la mobilisation, au huitième jour de barrages routiers et de protestations à travers le pays, jugeant insuffisantes des annonces du Premier ministre français.
Le syndicat majoritaire des agriculteurs français FNSEA, associé avec les Jeunes agriculteurs, n'a en effet pas été convaincu.
"Ce qui a été dit ce soir ne calme pas la colère, il faut aller plus loin", a dit son président, Arnaud Rousseau sur une chaîne de télévision. "Nous avons pris la décision de poursuivre cette mobilisation parce que les annonces du Premier ministre ne répondent pas à la totalité des questions que nous posons".
Au chef du gouvernement, "nous lui proposons dès demain matin d'aller à sa rencontre", a ajouté le responsable de l'organisation.
Les tracteurs restent "sur les routes"
De son côté, la présidente de la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, Véronique Le Floc'h a prévenu que les tracteurs de ses adhérents allaient "rester sur les routes".
Et la Confédération paysanne, troisième syndicat classé à gauche, a déploré des mesures "très largement insuffisantes".