"Je regrette profondément l'exécution (...) malgré les sérieuses inquiétudes sur le fait que cette méthode non éprouvée de suffocation par l'azote pourrait constituer de la torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant", a réagi le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Turk.
Le Haut-Commissariat avait appelé à y surseoir, soulignant le 16 janvier que le protocole mis en oeuvre ne prévoyait pas de sédation, alors que l'Association américaine vétérinaire recommande d'administrer un sédatif aux animaux euthanasiés de cette façon.
Le service diplomatique de l'Union européenne a également regretté cette décision de l'Alabama, soulignant que "selon d'éminents experts, (l'exécution par inhalation d'azote) constitue un châtiment particulièrement cruel et inhabituel".
"L'UE est fermement opposée à la peine de mort en tout temps et en toutes circonstances", a-t-il rappelé dans un communiqué. "La peine de mort n'a aucun effet dissuasif sur la criminalité et représente un châtiment ultime qui rend les erreurs judiciaires irréversibles. A ce jour, 196 innocents ont échappé au couloir de la mort aux Etats-Unis".
C'est "profondément dérangeant", a commenté la Maison Blanche, soulignant que le président démocrate Joe Biden avait suspendu les exécutions au niveau fédéral après son entrée en fonctions.
Dans ses arguments écrits à la Cour suprême, l'Etat d'Alabama avait présenté l'hypoxie à l'azote comme "peut-être le mode d'exécution le plus humain jamais inventé".
Mort 29 minutes après le début de l'exécution
Kenneth Eugene Smith, définitivement condamné à mort en 1996 pour le meurtre d'une femme commandité par son mari, est décédé jeudi au pénitencier d'Atmore, dans l'Alabama (sud-est des Etats-Unis), 29 minutes après le début de l'exécution, selon un communiqué du procureur général de l'Etat.
Selon des journalistes chargés d'assister officiellement à l'exécution, quand le processus a débuté, Kenneth Eugene Smith "a commencé à se tordre et se débattre pendant approximativement deux à quatre minutes, suivies d'environ cinq minutes de respiration bruyante", ont-ils rapporté.
Le condamné semble avoir "retenu sa respiration aussi longtemps qu'il le pouvait", a dit le commissaire de l'administration pénitentiaire de l'Alabama John Hamm.
"Justice a été rendue"
"Justice a été rendue. (...) Kenneth Smith a été mis à mort pour l'acte abject qu'il a commis il y a 35 ans", a déclaré le procureur général de l'Etat Steve Marshall, estimant que l'Alabama avait "accompli quelque chose d'historique".
Kenneth Smith et un complice avaient été reconnus coupables du meurtre en 1988 d'Elizabeth Dorlene Sennett, 45 ans, commandité par son mari Charles Sennett, un pasteur lourdement endetté et infidèle. Le complice, John Parker, avait été exécuté en 2010 par injection létale.
Il s'agit de la première exécution de l'année aux Etats-Unis, qui en a comptabilisé 24 en 2023, toutes par injection létale. C'est la première fois depuis plus de 40 ans qu'un mode d'exécution inédit est utilisé dans le pays.
Une précédente tentative par injection létale, le 17 novembre 2022, avait été annulée in extremis, les perfusions intraveineuses pour administrer à Kenneth Eugene Smith la solution mortelle n'ayant pu être posées dans le temps légalement imparti, bien qu'il soit resté attaché plusieurs heures.
L'Alabama est l'un des trois Etats américains autorisant l'exécution par inhalation d'azote, dans laquelle le décès est provoqué par hypoxie (raréfaction d'oxygène).
Soutien à la peine capitale en recul
Dans son rapport annuel en décembre, l'observatoire spécialisé Death Penalty Information Center estimait que la plupart des prisonniers exécutés en 2023 aux Etats-Unis "ne seraient probablement pas condamnés à mort aujourd'hui", en raison de la prise en compte notamment de leurs problèmes de santé mentale ou de changements législatifs.
Selon un récent sondage Gallup, 53% des Américains soutiennent la peine capitale lors d'une condamnation pour meurtre, le plus bas niveau depuis 1972.
Plus des deux tiers des pays ont aboli la peine de mort, en droit ou en pratique, d'après l'ONG Amnesty International, qui a recensé 883 exécutions dans vingt pays en 2022, principalement en Chine et en Arabie saoudite.
afp/juma