La capacité à défendre le ciel ukrainien s’est réduite drastiquement ces dernières semaines. En effet, en décembre, la majorité des missiles russes étaient interceptés, contre moins de la moitié aujourd'hui.
Cette position compliquée s'explique aussi parce que l'Ukraine attend une aide financière américaine qui est toujours bloquée au Congrès et des munitions de Bruxelles, qui n'arriveront pas dans le temps promis. Dans le même temps, en Russie, les dépenses militaires explosent: elles ont augmenté de 70% par rapport à l'an dernier. Plus déterminé que jamais, le pays est en effet passé en mode "économie de guerre".
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Oleksandr, un chef d'entreprise ukrainien, représente à lui tout seul cette mentalité citoyenne qui s'active lorsque l'Etat n'avance pas. Il n'hésite pas une seconde à critiquer les autorités lorsque c'est nécessaire.
"En Ukraine, vous vous rendez compte? On accorde des crédits à l'industrie du cinéma, mais rien à ceux qui produisent des armes", s'insurge-t-il dans La Matinale de lundi. "Nous mourrons, mais nous nous débrouillerons par nous-mêmes. Ainsi, nous serons fiers, nous construirons une nation forte et vous comprendrez qui nous sommes!"
Ce témoignage est rare, car ceux qui fabriquent des armes sont tenus par le secret défense, surtout en temps de guerre.
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Des dizaines de milliers d'obus par mois
Peu importe qu'on lui ait diagnostiqué un cancer trois mois avant le début de la guerre, Oleksandr a trouvé en seulement quelques mois la force de transformer son entreprise en usine d'armement. Ses deux meilleurs amis sont morts et pour Oleksandr, cela a été un déclencheur: "En perdant mes deux meilleurs amis, j'ai compris qu'il me fallait faire quelque chose d'important, parce que je n'ai plus beaucoup de temps à vivre. Je dois faire le plus vite possible", indique-t-il.
Et il s'est démené en ce sens. En quelques mois, il est parvenu à convertir son usine et à augmenter sa capacité de production. "Nous fabriquons des obus, des mortiers. En novembre, nous parvenions à en produire 50 en trois mois et aujourd'hui, nous en produisons des dizaines de milliers par mois", se félicite-t-il.
Mais cela ne suffit pas, prévient-il. "On en produit de plus en plus, parce que la demande reste dix fois plus élevée que ce que nous parvenons à produire."
Une usine visée par les Russes
La transition n'a pas été si difficile d'un point de vue technique, mais il a fallu convaincre les employés d'accepter de travailler dans ces conditions dangereuses. Et, comme pendant la Seconde Guerre mondiale, ses employés sont aujourd'hui majoritairement des femmes.
Etant visée par les attaques de l'ennemi, l'usine a dû être réorganisée et scindée en petits ateliers, dans des endroits différents. Une complication de plus d'un point de vue logistique.
"On fait tout pour tenir nos lieux de production secrets pour éviter d'être visés par des missiles", relève le patron de l'usine. "Lors de la dernière attaque, deux roquettes sont tombées juste à côté et le troisième étage a été totalement démoli. C'est très dangereux."
Depuis le début de l'année, la situation a changé et il est impossible pour Oleksandr de faire visiter son usine. "Je ne peux vous accueillir à l'usine. La menace a redoublé. Ne serait-ce qu'échanger des messages par téléphone - et donc d'être localisés - peut nous valoir d'être frappés", a-t-il fait savoir à la RTS.
Sujet radio: Maurine Mercier
Adaptation web: Julie Marty