Tout autour de la capitale française, la circulation est perturbée avec des portions d'autoroutes fermées à quelques dizaines de kilomètres de la ville, selon le site Sytadin. Paris elle-même n'est pas bloquée, ni le marché vital de Rungis (Val-de-Marne) et les aéroports parisiens.
De "nouvelles mesures seront prises dès demain" en faveur des agriculteurs, a annoncé lundi la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot à l'issue du Conseil des ministres.
Le Premier ministre Gabriel Attal a reçu lundi en soirée les présidents du premier syndicat agricole français FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA), en présence des ministres de l'Agriculture Marc Fesneau et de la Transition écologique Christophe Béchu.
Selon une source policière, "un peu moins de 10'000 agriculteurs étaient mobilisés sur le terrain dans toute la France" lundi en fin d'après-midi, "avec près de 5000 engins".
Mesures jugées insuffisantes
La FNSEA avait déjà appelé vendredi à poursuivre la mobilisation après les annonces, jugées insuffisantes, du Premier ministre, qui mêlent des mesures de simplification administrative, une accélération du versement des aides d'urgence et l'annulation de la hausse de la taxe sur le gazole non routier.
"On attend des réponses de notre gouvernement et il nous donne un petit os à ronger sur le prix du gazole", juge lundi dans La Matinale François Chamot, éleveur à Viry et secrétaire général adjoint de la FNSEA dans les deux Savoies. "On demande beaucoup plus de simplifications. On demande des arrêts de surtranspositions de normes, principalement environnementales, parce qu'elles s'empilent les unes sur les autres et vont même jusqu'à se contredire", ajoute-t-il.
Un "siège" de Paris
Les antennes de la FNSEA et des JA dans la région parisienne et le nord de la France avaient appelé à un véritable "siège" de Paris à partir de 14h00 "pour une durée indéterminée".
Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau avait néanmoins exclu un blocage du marché international de Rungis, essentiel pour l'approvisionnement de la capitale en produits agricoles.
Des blindés ont tout de même été déployés pour protéger le marché et les restaurateurs ont craint des pénuries sur les étalages. "Si Paris est bloquée, 72 heures après, il pourrait manquer de produits dans nos établissements", prévient dans le 12h30 le chef étoilé Thierry Marx, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie et solidaire du mouvement des agriculteurs.
Les aéroports parisiens ne pourront pas non plus être touchés par les protestations, a indiqué le ministère de l'Intérieur.
Face aux menaces de nouveaux blocages, 15'000 policiers et gendarmes ont été déployés, afin notamment d'empêcher l'entrée de tracteurs dans Paris et les grandes villes de province.
Une concurrence déloyale dénoncée
Au sein du monde agricole français, les pistes de sortie de crise sont compliquées à trouver, car il n'existe pas à l'heure actuelle une revendication symbolique qui conduirait à une levée de camp générale. La question de la concurrence déloyale est néanmoins souvent évoquée.
"Ce n’est pas normal que vous soyez empêché d’utiliser certains pesticides", alors que "des pays voisins" peuvent y avoir recours, a admis Gabriel Attal lors d’une visite de terrain dimanche.
"Il y a des produits qui arrivent et qui ne correspondent pas du tout aux normes de production. C'est donc d'une part de la concurrence déloyale aux agriculteurs de nos territoires, mais aussi une tromperie envers les consommateurs (...) On nous demande de produire avec des normes bien strictes, en faisant attention à la biodiversité, à l'environnement et, derrière, on importe des produits qui ne correspondent pas du tout", relève François Chamot.
Pour l'agriculteur, la concurrence déloyale prend aussi les traits de décisions en rapport avec l'Ukraine. "Ce qui arrive à l'Ukraine est malheureux. Une guerre sur son territoire, c'est horrible et on ne le souhaite à personne. Mais pour soutenir le pays, ils ont ouvert les douanes à la production ukrainienne. Aujourd'hui, un poulet sur deux qui arrive en France est ukrainien. Et c'est la même chose pour les oeufs ou les céréales", explique-t-il.
Plus globalement, François Chamot estime que "le malaise paysan" n'est pas seulement français ou européen, mais mondial. "Il est sous-jacent depuis très longtemps et il couve. Il y a des facteurs qui le déclenchent selon les territoires et les pays, pour diverses raisons. Aujourd'hui il explose en France, où le gouvernement a pris à la rigolade les revendications qu'on a depuis des mois", conclut-il.
ther/ami avec les agences
Blocage vers Lyon également
A Lyon, un blocage a débuté "doucement", "le gros des troupes arrivera demain", selon Michel Joux, patron de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes.
Déjà bloquée dans les deux sens entre Chanas (Isère) et Orange (Vaucluse), l'A7 était "coupée" lundi en plusieurs point au sud de Lyon dans les deux sens, selon Vinci Autoroute.
Peu d'incidence du blocage des agriculteurs français sur les frontaliers
En Suisse aussi, la colère des agriculteurs est palpable. Les paysans romands se mobilisent en retournant des panneaux sur les routes et en affichant des slogans sur leurs fermes.
Nombre d'entre eux partagent la majorité des revendications de leurs collègues européens, à savoir obtenir davantage de dignité pour le monde paysan, avec de meilleurs revenus une réduction des charges administratives. Mais certains s'interrogent sur les méthodes à employer pour se faire entendre.
Alors que les agriculteurs de France voisine organisent eux aussi des blocages, ils ne veulent pas pour autant empêcher les frontaliers de traverser les frontières. Le trafic a simplement été ralenti tôt lundi.
A côté de Genève, à Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie), la circulation autour d'un rond-point a été légèrement touchée par les protestations en matinée mais a repris depuis 11h15. Au petit matin, il s'est surtout agit d'un barrage filtrant avec des tracteurs garés en quinconce sur la route. Le trafic était bel et bien ralenti mais les pendulaires ont pu passer. Un choix stratégique, explique Nicolas Neydens, agriculteur à Neydens.
"On a le soutien des gens, c'est pour ça qu'on ne fait pas de blocage systématique", indique-t-il dans le 12h30.
Les taxis français aussi mobilisés
En parallèle de la colère des agriculteurs, synonyme de barrages routiers depuis dix jours, c'est au tour des chauffeurs de taxi de donner de la voix avec une journée de mobilisation "reconductible" à l'appel de quatre organisations nationales. Ils ont bloqué plusieurs axes majeurs un peu partout en France afin d'obtenir de l'assurance maladie une renégociation du transport de patients..
"On est solidaire des agriculteurs mais ce n'est pas le même combat", a déclaré David Barthez, 47 ans, chauffeur de taxi depuis 2006 à Toulouse.
De Paris à Marseille, de Nantes à Nice en passant par Lille et Nancy, les manifestants réclament une renégociation des conditions de rémunération du transport de patients, alors que la Caisse nationale d'Assurance maladie (Cnam) a mis sur la table une convention jugée défavorable par les syndicats qui réclamaient un statu quo.
Les taxis redoutent que les nouvelles conditions ne les forcent à des remises additionnelles sur leurs tarifs en cas de transport médical, tout en les contraignant au covoiturage de patients.