La situation s'est un peu tendue en milieu de journée avec l'intervention des forces de l'ordre tentant d'empêcher dans le centre-ouest de la France l'avancée d'un convoi d'agriculteurs vers le marché de Rungis, le plus grand du monde, au sud de Paris.
Ce convoi de 200 tracteurs parti d'Agen (sud-ouest) continue, à l'appel d'un syndicat minoritaire, la Coordination rurale, d'avancer vers le poumon alimentaire de la région parisienne, protégé par des blindés de gendarmerie à la demande du gouvernement. Le puissant syndicat agricole FNSEA, majoritaire, s'est désolidarisé de cette action.
Sur l'A1, l'A4, l'A6, l'A13.... des agriculteurs ont passé la nuit dans leur tracteur après avoir entamé lundi le blocage d'autoroutes à proximité de la capitale.
Les nouvelles mesures ne convainquent pas
Le Premier ministre a promis mardi aux agriculteurs "d'être au rendez-vous" pour répondre à leur malaise. Gabriel Attal a défendu lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale une "exception agricole française".
Enumérant plusieurs des mesures destinées à faciliter la vie des exploitants déjà annoncées, il a rappelé que la crise agricole ne serait pas réglée "en quelques jours". Mais il est prêt à "aller plus loin", promettant par exemple que les aides européennes de la Politique agricole commune (PAC) seraient versées "d'ici le 15 mars" et des aides fiscales supplémentaires pour les éleveurs.
"Il ne répond absolument pas à nos attentes! On aurait aimé par exemple qu'il annonce (la suppression) des droits de succession agricoles", a indiqué le président de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne, Serge Bousquet-Cassagne.
Assurant être "remotivé" par le fait d'avoir été "berné" par le gouvernement, il était en route pour rejoindre le convoi de 200 tracteurs qui, parti d'Agen sous l'étendard de la Coordination rurale, prévoit de rejoindre le marché de Rungis, poumon alimentaire de l'Ile-de-France, après une nuit entre Vierzon et Orléans. Après avoir été bloqué à plusieurs reprises par les forces de l'ordre, le convoi reste surveillé de près par les gendarmes.
Alice Avisse, secrétaire générale adjointe de la section de l'Oise de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, fait part d'une détermination similaire chez les manifestants qui bloquent l'A1 dans les deux sens avec quelque 150 tracteurs au niveau de l'aire de Chennevières-lès-Louvres. "On ne bouge pas, nous allons rester là jusqu'à ce que des mesures concrètes d'urgence soient prises", affirme-t-elle.
Disparition des trois quarts des exploitants en 50 ans
Selon une source policière, les blocages autour de Paris ont impliqué lundi un millier d'agriculteurs et "un peu plus de 500 engins". "L'objectif de tenir jusqu'à vendredi est manifeste", selon cette source.
Sur les points de blocage, les agriculteurs ont ramené ravitaillement, groupes électrogènes, citernes d'eau, toilettes de chantiers. Et organisé des rotations.
"On a tous envie de retourner auprès de nos cultures et de nos animaux", avait assuré Samuel Vandaele, secrétaire général de la FDSEA 77 et ex-président des JA. "On n'a pas envie d'embêter nos concitoyens", avait-il ajouté en organisant le campement lundi.
Gabriel Attal, qui fera sa déclaration de politique générale mardi, a notamment annoncé vendredi des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique et l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier.
Les manifestants disent attendre autre chose que des "mesurettes" dans une France qui a perdu les trois quarts de ses exploitants en 50 ans et recourt de plus en plus aux importations: un poulet consommé en France sur deux vient d'ailleurs, comme 60% des fruits.
afp/ther
Les causes européennes de la colère du monde agricole
Tentative de bloquer Paris en France, manifestations en Pologne, grogne en Suisse, blocage de ports en Allemagne. Un peu partout en Europe, la contestation du monde agricole grandit.
Les causes peuvent être nationales, comme avec la décision de Berlin d'augmenter les taxes sur les carburants ou encore un jugement aux Pays-Bas qui oblige les agriculteurs à réduire les émissions d'azote. Mais c'est aussi et peut-être surtout l'Union européenne qui est au centre de la problématique.
Depuis 60 ans, Bruxelles s'est doté d'une politique agricole commune qui permet de distribuer plus de 60 milliards d'euros de subventions par an pour nourrir les 450 millions d'Européens et d'Européennes. Cette politique, la PAC, est adaptée aux évolutions de la profession et aux besoins du continent.
Entrée en vigueur il y a un an à peine, sa dernière formule entraîne son lot de problèmes. La nouvelle PAC repose notamment sur un grand nombre d'aides directes liées à des contraintes environnementales mais aussi sur de nouveaux procédés administratifs qui alourdissent le travail des exploitants.
Les agriculteurs espagnols annoncent rejoindre le mouvement de colère européen
Les trois principaux syndicats agricoles espagnols ont annoncé mardi rejoindre le mouvement de colère des agriculteurs européens, avec une série de "mobilisations" dans l'ensemble du pays au cours des "prochaines semaines".
"Le secteur agricole en Europe et en Espagne est confronté à une frustration et un malaise croissants", en raison notamment "de la bureaucratie étouffante générées par les réglementations européennes", ont expliqué dans un communiqué commun l'Asaja, l'UPA et la Coag.
Ces trois organisations, qui ne précisent pas à ce stade les dates exactes des manifestations, disent vouloir un "assouplissement" et une "simplification" de la politique agricole commune, ainsi qu'un "plan d'action ambitieux" au niveau "de l'UE, de l'Espagne" et des "régions" espagnoles.