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Le secteur des énergies renouvelables explose en Chine

Le district des affaires, Pudong, dans la ville chinoise de Shanghai. [Cultura Creative/AFP]
Derrière le boom du renouvelable en Chine / Tout un monde / 5 min. / le 26 janvier 2024
Les énergies renouvelables ont été la locomotive de la croissance chinoise l’an dernier. Selon une récente étude, les industries liées aux énergies propres ont considérablement stimulé l’économie en 2023. Les investissements et l’activité générés par le secteur ont permis aux autorités d’atteindre 5,2% de croissance du PIB, soit la cible qu’elles s’étaient fixée.

Sans le secteur du renouvelable, la croissance officielle se serait élevée à 3% seulement. Les financements massifs octroyés au domaine du renouvelable ont permis aux autorités de sauver les apparences à l’heure où l’économie chinoise présente des signes de ralentissement inquiétants. Les énergies propres ont absorbé plus de 890 milliards de francs d’investissements l’an dernier, un montant plus élevé que le PIB de la Suisse.

Dans son étude, le centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA) a pris en compte toutes les industries susceptibles de réduire la production de carbone. Sa définition du secteur renouvelable est par conséquent vaste. Elle inclut l’éolien, le nucléaire, l’hydroélectrique, les véhicules électriques, le rail, les batteries et les panneaux solaires.

Si les autorités chinoises mettent l’emphase sur ces domaines d’activités et de recherche depuis plusieurs années, ces derniers ont cependant bénéficié d’une attention record l’an dernier. En 2023 seulement, la Chine a notamment installé davantage de panneaux solaires qu'en comptent les Etats-Unis au total. L’essor concerne l’ensemble des énergies dites propres.

Le renouvelable, une nouvelle stratégie de croissance

L’impulsion s’explique en partie par la crise immobilière sans précédent que traverse actuellement la Chine. Durant des décennies, le pouvoir a instrumentalisé le secteur de la construction pour dynamiser la croissance du pays. Pékin pilote traditionnellement son économie grâce à des investissements massifs, source d’activité et d’emploi. Les autorités paient en quelque sorte pour accroître la création de richesse.

La crise du secteur a libéré d’importants capitaux que les autorités ne savaient plus où investir pour atteindre leurs objectifs de croissance

Lauri Myllyvirta, chef analyste au CREA

L’immobilier a par conséquent longtemps été le grand bénéficiaire de cette logique économique. "La crise du secteur a libéré d’importants capitaux que les autorités ne savaient plus où investir pour atteindre leurs objectifs de croissance et c’est véritablement ce facteur qui est à l’origine de l’expansion du renouvelable", a expliqué dans l'émission Tout un monde Lauri Myllyvirta, chef analyste au CREA.

L’expansion du renouvelable en Chine serait donc liée à une nécessité économique plus qu’à une volonté pure de réduire les émissions de carbone. Reste que l’impact environnemental pourrait être conséquent. Couplé au ralentissement accéléré de la croissance chinoise, cet engouement pourrait avoir des effets concrets sur les émissions de CO2 ces prochains mois. Plusieurs experts anticipent leur baisse à partir du deuxième trimestre de cette année. L’explosion du renouvelable laisse présager la concrétisation du pic d’émissions promis d’ici à 2030, de quoi permettre à l’ogre énergivore chinois accro au charbon d’entamer progressivement sa désintoxication.

Entre opportunités et défis pour le marché mondial

Ces effets positifs pourraient aussi s’exporter. L’Agence internationale de l’énergie estime que si l’entier de l’offre de renouvelable chinois était utilisée à l’échelle mondiale, elle permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 15% d’ici 2030. "L’offre chinoise est clairement excédentaire dans de nombreux secteurs comme les batteries ou les véhicules électriques. Cette surproduction s’exporte désormais, d’autant plus que le boom manufacturier en Chine a conduit à la baisse générale des prix", précise Lauri Myllyvirta, qui pointe toutefois les tensions à venir. Beaucoup mettent effectivement en garde contre un risque de monopole stratégique de Pékin dans le domaine du renouvelable.

L’offre chinoise est clairement excédentaire dans de nombreux secteurs comme les batteries ou les véhicules électriques. Cette surproduction s’exporte désormais

Lauri Myllyvirta, chef analyste au CREA

La surcapacité de production en Chine met les fabricants internationaux sous pression. Lauri Myllyvirta évoque pour sa part une centralisation problématique des chaînes de production: "La seule solution est de prendre des mesures fermes pour soutenir et stimuler une production alternative. La Chine mène une politique si agressive qu’il est impossible pour des producteurs seuls de s’opposer à la force de frappe de son industrie et à ses prix quasi imbattables".

Une réponse mondiale face à la supériorité de la Chine

Pour se préserver, plusieurs Etats envisagent d’ériger des barrières douanières. L'Union européenne menace par exemple Pékin de taxer ses véhicules électriques, invoquant les généreuses subventions dont bénéficie le secteur en Chine.

S’il ne voit pas cette réponse d’un mauvais œil, Lauri Myllyvirta appelle à un accompagnement stratégique de ces mesures. "Les Etats-Unis ont adopté une stratégie visant à accroître leur production domestique de renouvelables. L’Union européenne, elle, est très en retard. Elle doit élaborer un plan de financement, via des subventions, pour développer et soutenir des chaînes de production hors de Chine. Si Bruxelles veut sérieusement s’attaquer au problème, des taxes seules ne suffiront pas."

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Plus qu’un enjeu climatique, le secteur du renouvelable devient un enjeu stratégique de sécurité et la Chine, elle, a déjà une bonne longueur d’avance.

Michael Peuker

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