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Boris Nadejdine, l'homme qui veut défier Vladimir Poutine à la présidentielle

En Russie, l'élection présidentielle va bientôt avoir lieu. Le candidat Boris Nadejdine, principal concurrent de Vladimir Poutine, reçoit une mobilisation plutôt inattendue
En Russie, l'élection présidentielle va bientôt avoir lieu. Le candidat Boris Nadejdine, principal concurrent de Vladimir Poutine, reçoit une mobilisation plutôt inattendue / 19h30 / 2 min. / le 30 janvier 2024
Espoir ou mirage? A 60 ans, Boris Nadejdine, vétéran discret de la politique russe, a surpris en parvenant à mobiliser des foules de Russes partisans de la paix en Ukraine et défier Vladimir Poutine à la présidentielle.

Dans un pays où critiquer le Kremlin est passible de prison ferme, sa candidature est un souffle d'air frais pour les détracteurs anonymes du régime russe, en quête d'un moyen de s'exprimer sans risquer leur liberté.

Mercredi, Boris Nadejdine a déposé mercredi les signatures de soutien nécessaires à l'enregistrement de sa candidature en vue du scrutin prévu du 15 au 17 mars.

"Signatures remises", a validé un membre de la Commission électorale, selon une journaliste de l'AFP sur place. Mercredi, il en a même remis 105.000 à la Commission électorale centrale, a précisé Boris Nadejdine à la presse.

L'offensive en Ukraine, un "cauchemar"

Dans un entretien à l'AFP, fin janvier, il a qualifié de "cauchemar" l'offensive contre l'Ukraine et dénoncé le quart de siècle de dérive autoritaire de Vladimir Poutine. Chose rare en Russie aujourd'hui.

"Ma candidature donne aux gens une occasion unique de protester légalement contre la politique actuelle", dit cet homme robuste à la petite barbe grise et cheveux ras, dont le nom renvoie au mot "espoir" (nadejda).

Ses promesses électorales: arrêter les combats, mettre fin à la "militarisation" de la Russie et libérer "tous les prisonniers politiques" comme l'opposant Alexeï Navalny.

D'autres avant lui sont allés en prison pour de tels propos. Alors pourquoi est-il épargné? "Je ne sais pas", dit-il. Mais peut-être, que Poutine "ne me considère pas comme une terrible menace", admet l'opposant.

Le Kremlin ne cache d'ailleurs pas son dédain. "On ne le considère pas comme un concurrent", a lâché à la presse Dmitri Peskov, porte-parole du président russe.

Une candidature exutoire?

Une file de gens prêts à signer les listes de soutien à Boris Nadejdine, ici à Saint-Pétersbourg. [Keystone/AP Photo - Dmitri Lovetsky]
Une file de gens prêts à signer les listes de soutien à Boris Nadejdine, ici à Saint-Pétersbourg. [Keystone/AP Photo - Dmitri Lovetsky]

Néanmoins, des Moscovites venus cette semaine pour signer leur soutien se demandent si le Kremlin n'instrumentalise pas cette candidature pour donner un exutoire aux mécontents.

Peu connu hors du minuscule milieu libéral, l'intéressé raconte s'être lancé en octobre parce qu'aucune figure anti-Poutine plus célèbre n'avait sauté le pas, citant l'ex-maire de Ekaterinbourg Evguéni Roïzman ou encore le prix Nobel de la paix et patron du journal d'opposition Novaïa Gazeta Dmitri Mouratov.

"Honnêtement, je croyais que quelqu'un allait se lancer", confie-t-il à l'AFP.

"Ce sera dur de battre Poutine"

Jusqu'à cette campagne, Boris Nadejdine était cantonné au rôle de souffre-douleur des fanatiques de l'assaut contre l'Ukraine qui peuplent les plateaux des chaînes de télévision.

"Je sais bien que ce sera dur de battre Poutine", admet volontiers l'opposant. Néanmoins, il espère un bon score qui pourrait signifier "le début de la fin" de l'ère du président russe.

afp/ebz

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Une carrière plutôt confidentielle

Au cours des trente dernières années, Boris Nadejdine a fait une carrière publique plutôt confidentielle, tout en jouant un rôle de conseiller auprès de personnalités plus connues.

Hormis un bref passage comme député à la chambre basse du Parlement (2000-2003), ses fonctions électives sont restées locales.  Encore aujourd'hui, il est élu municipal de Dolgoproudny, ville située à une vingtaine de kilomètres de Moscou où il est arrivé à la fin des années 1960 et où il vit encore dans un modeste immeuble des années 1980.

Né en 1963 en Ouzbékistan soviétique, d'une mère professeur de musique d'origine juive et d'un physicien russe, il marche d'abord dans les pas de son père.

Diplômé de physique, puis de droit, il obtient son premier mandat de conseiller municipal à Dolgoproudny en 1990. Entre 1997 et 1999, selon sa biographie officielle, il collabore avec Boris Nemtsov, qui deviendra un opposant de premier plan à Vladimir Poutine, jusqu'à son assassinat en 2015.

Boris Nadejdine collabore aussi alors avec Sergueï Kirienko, alors Premier ministre libéral devenu aujourd'hui aujourd'hui une figure clé du Kremlin.

Il raconte avoir travaillé avec le président russe lors de son premier mandat, mais dit avoir rompu en 2003, lors de l'arrestation de l'opposant et patron du groupe pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski.

"Ca fait des décennies que je critique Vladimir Poutine", rappelle Boris Nadejdine, lui reprochant d'avoir "concentré trop de pouvoirs entre ses mains".