Réunie jusqu'au 25 mars, la conférence de la CITES, qui régule
ou interdit déjà le commerce de 34'000 espèces de faune et de flore
sauvage depuis son entrée en vigueur en 1975, étudiera 42
propositions d'inscription de nouveaux venus ou de renforcement des
régulations commerciales.
"La plupart de ces propositions reflètent une inquiétude
croissante face à la destruction accélérée des écosystèmes marins
et forestiers, liée à la surpêche et à la surexploitation du bois",
note son secrétariat. Plusieurs espèces marines emblématiques, dont
le thon rouge et quatre espèces de requins (lire ci-contre), sont
candidats cette année.
Un bien maigre budget
La Convention vise à réguler le commerce des espèces sauvages,
source de revenu pour les communautés locales, surtout quand la
surexploitation, doublée parfois d'une dégradation des habitats
naturels, menace leur survie.
Pour mener sa mission, cette
convention qui ne dispose que de 5 millions de dollars par an,
réclame une augmentation significative de son budget. "Sans
financement adéquat, la CITES risque de laisser tomber non
seulement les espèces auxquelles nous semblons attacher de
l'importance, mais aussi le monde en développement qui se bat pour
préserver la vie sauvage", a insisté en ouverture des travaux son
secrétaire général, Willem Wijnstekers.
Selon un membre de son équipe, Juan Carlos Vasquez, "il nous
faudrait une hausse de près de 30%". "Les principaux importateurs
étant les Etats-Unis, l'Europe, le Japon ou la Chine, ils ont des
douanes qui fonctionnent. Mais il nous faut davantage pour aider
les pays en développement. Quand vous punissez, c'est déjà trop
tard: les animaux ont été tués".
De l'éléphant à l'ours polaire
Outre les animaux marins, l'éléphant d'Afrique, pour son
précieux ivoire, revient également au menu de Doha: depuis 1989,
son commerce est interdit sauf dans quatre pays d'Afrique australe
où il se porte mieux (Afrique du Sud, Namibie, Swaziland et
Botswana).
Mais cette année, la Tanzanie et la Zambie demandent à pouvoir
mettre leurs stocks d'ivoire - respectivement 90 et 21 kilos - sur
le marché. Une coalition d'Afrique centrale et de l'ouest s'y
oppose, faisant valoir que le braconnage bat son plein chez
certains d'entre eux comme le Tchad, où la population d'éléphants
est passée de 3800 environ en 2005 à 617 en 2009, selon le Fonds
international de protection des animaux (IFAW).
Le tigre, le rhinocéros sont également toujours présents dans
cette Arche de Noé, et les Etats-Unis ont réclamé une place pour
l'ours polaire.
agences/sbo
Le thon rouge, les requins et les coraux
A Doha, le sort du thon rouge de Méditerranée, victime de son succès mondial sous forme de sushi et dont le commerce se chiffre en milliards de dollars, prédit de rudes batailles.
Les Etats-Unis et l'Union européenne (dont les pays riverains de la Méditerranée assurent la moitié des prises) soutiennent son inscription à l'Annexe I de la Convention - qui interdit tout commerce international. La Norvège a également annoncé son soutien, samedi, à la proposition initialement déposée par Monaco.
Mais le Japon, qui consomme 80% des thons rouges pêchés dans le monde, compte s'y opposer et prône "un contrôle des ressources", en arguant que le thon rouge n'est pas menacé d'extinction, bien que ses stocks aient diminué des deux tiers au moins en un demi-siècle.
Quatre espèces de requins, recherchés pour leurs seuls ailerons (requin marteau, requin océanique et requin taupe), ou pour leur chair (aiguillat commun), qui alimente les "fish & chips" anglais, sont également au menu.
Selon Demian Chapman, de l'Institut des sciences océaniques de la Stonybrook University (New York), jusqu'à 73 millions de requins sont tués chaque année pour leurs ailerons.
Comme les requins, les coraux rouges et roses sont proposés par les Etats-Unis et l'UE à l'Annexe II - qui impose de fortes régulations du commerce, assorties de permis d'exportation.
Selon l'ONG américaine Saeweb, 30 à 50 tonnes de coraux précieux sont extraites à des fins commerciales chaque année en Méditerranée et dans le Pacifique.
Selon la FAO, l'organisation de l'ONU sur l'alimentation et l'agriculture, "le potentiel maximum de pêche dans les océans a probablement été atteint". Elle estimait, en 2006, que le total des prises dépassait 91 milliards de dollars.
Que fait la conférence?
La Conférence des Parties (CoP) se réunit tous les trois ans, et pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la Convention en 1975, au Moyen-Orient. Sur les 175 Etats à avoir ratifié la CITES, 100 à 120 devraient être représentés dans la capitale du Qatar.
Toute décision d'inscription d'une espèce à l'Annexe I - interdiction du commerce international - ou à l'Annexe II - commerce international sous condition - devra être adoptée par vote des deux tiers des présents.
La CITES ne s'occupe pas directement de la gestion des espèces sauvages mais régule les échanges commerciaux, voire les interdit quand leur surexploitation, ajoutée à la dégradation de leur habitat, risque de conduire à leur perte.