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Attentat du métro: la preuve de l'échec russe

Le double attentat de Moscou est un "acte de vengeance", selon l'expert.
Le double attentat de Moscou est un "acte de vengeance", selon l'expert.
Le double attentat dans le métro moscovite est un coup dur pour les autorités russes. Pour Nicolas Hayoz, professeur associé à l'Université de Fribourg et directeur de l'Institut interfacultaire de l'Europe orientale et centrale, cette attaque est la preuve de l'échec du "modèle russe" appliqué au Caucase du Nord.

L'attentat qui a frappé le coeur de Moscou et qui a fait près de quarante morts survient dans une
période de regain de tensions entre la Russie et le Caucase du
Nord. Comment comprendre cet acte terroriste dans le contexte
actuel? Interview du Professeur en sciences sociales Nicolas Hayoz,
spécialiste de la Russie.



Quelques heures après les explosions dans le métro de
Moscou, les autorités russes envisagent la piste des rebelles du
Caucase du Nord. Qu'en dites-vous?




C'est l'explication qui s'impose d'emblée. L'attaque est très
semblable à celle du 6 février 2004, quand un terroriste du
Nord-Caucase s'était fait exploser dans une rame du métro
moscovite, à l'heure de pointe, faisant plus de quarante morts.
Dans le cas présent, les indices dont on dispose pointent vers un
groupe du Caucase du Nord, même si rien n'est encore certain.



Comment interpréter ces attentats? Que cherchent les
responsables de cet attentat?




Je pense qu'il s'agit vraisemblablement d'un acte de vengeance.
Ces derniers mois, les forces russes ont lancé une vaste offensive
contre les chefs terroristes islamistes présumés dans plusieurs
régions du Caucase du Nord. Plusieurs groupes avaient promis de
venger la mort de leurs leaders. Celui qui est responsable de
l'attaque de lundi voulait sans doute porter la "guerre" sur sol
russe. Cela dit, il est ardu de parler de vengeance lorsqu'on se
trouve dans un cycle de violences et de représailles qui n'en finit
plus...

Peut-on alors parler de radicalisation du
conflit?

Il est possible qu'on assiste à une
radicalisation islamiste dans le Caucase. Depuis quelques années,
on trouve dans la région de nouveaux mouvements islamistes qui
veulent aller beaucoup plus loin et se calquer sur le modèle
d'Al-Qaïda. Ils souhaitent par exemple la création d'une sorte
d'Etat islamiste. Dans certains pays comme la Tchétchénie, les
autorités ont tout fait pour éradiquer ces groupes. Mais dans
d'autres, comme au Daguestan, ces mouvements s'épanouissent. Quoi
qu'il en soit, il est difficile de dire exacetement quelle est la
part de la violence islamiste "trans-nationale" et celle des
mouvements séparatistes nationalistes.



Il y a donc bien un regain de
violences
?



Absolument. Les attentats sont en nette augmentation dans le
Caucase depuis une année. Et cela prouve l'échec de la "politique
de normalisation" menée par la Russie dans la région. Moscou
"place" des leaders locaux qui lui sont favorables pour garder la
main-mise, comme par exemple Kadyrov en Tchétchénie. Cet
"impérialisme" est très mal vécu dans une partie de la population
et cela peut mener à un radicalisme islamiste.



La politique russe est donc en
cause
?



Oui, l'incapacité de Moscou à régler le conflit a fini par
radicaliser les positions. Ces groupes islamistes sont le produit
de la politique impériale de la Russie. Cela et l'arriération du
Caucase, la corruption et les énormes difficultés économiques de la
région...



Quelle sera maintenant la réaction de la
Russie
?



Les déclarations de Dmitri Medvedev peu après l'attaque montrent
que la Russie se considère toujours commme un Etat en guerre. Or le
Caucase du Nord a besoin d'une perspective de développement et non
pas de guerre. Il s'agit de sortir de la spirale de violence et
contre-violence.



Moscou n'en prend pas le chemin...



Il faut bien comprendre qu'en tant que régime quasi-autoritaire,
la Russie a besoin d'un ennemi pour survivre. Ces attentats dans le
métro vont renforcer encore la détermination du régime d'en finir
avec le terrorisme. La lutte contre le terrorisme permettra de
justifier davantage de contrôle, de surveillance et d'oppression.
Or on ne change pas de société par la violence, par décret ou en
remplaçant des "têtes". Ce qui est clair, c'est que les immenses
problèmes sociaux en Russie, et en particulier dans le Caucase du
Nord, ne seront pas résolus avec une politique impérialiste. Il
faut passer d'une logique du conflit à celle de la
coopération.



Propos recueillis par Cécile Rais

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Le métro moscovite, une cible privilégiée.

Chronologie des dernières attaques terroristes contre le métro de la capitale russe.

- 31 août 2004: une kamikaze fait sauter sa charge explosive près de la station de métro Rijskaïa, tuant au moins dix personnes et en blessant une cinquantaine d'autres. Un groupe islamiste peu connu soutenant les rebelles tchetchènes revendique la responsabilité de cet attentat.

- 6 février 2004: un kamikaze du Nord-Caucase déclenche ses explosifs dans une rame circulant entre les stations Avtozavodskaïa et Paveletskaïa à une heure de pointe en cours de matinée, faisant plus de 40 morts et plus de 100 blessés.

- 5 février 2001: 15 personnes sont blessées dans l'explosion d'engins posés sous un banc de la station Belorousskaïa.

- 1er janvier 1998: une bombe artisanale explose dans la station Tretiakovskaïa, faisant trois blessés.

- 11 juin 1996: un engin explosif de fabrication artisanale saute à bord d'une rame dans un tunnel entre les stations de métro Toulskaïa et Nagatinskaïa, tuant quatre personnes

Une vague de répression après chaque attentat

Après la sanglante conclusion d'une prise d'otages dans un théâtre de Moscou en 2002 et une série d'attentats en 2004, la violence imputée au séparatisme musulman était restée essentiellement confinée ces dernières années au Nord-Caucase.

En novembre dernier toutefois, un attentat attribué aux insurgés islamistes avait provoqué le déraillement d'un train entre Moscou et Saint-Pétersbourg qui a fait 26 morts. A Moscou, l'attaque la plus meurtrière remontait à février 2004. Elle avait déjà frappé le métro de la capitale, faisant 38 morts.

Les grands attentats récents ont souvent conduit le Kremlin à lancer des vagues de répression au Caucase et à verrouiller davantage le système politique. Après le premier conflit tchétchène (1994-96), la deuxième guerre de Tchétchénie a été lancée en 1999 après la mort de plus de 200 personnes dans des attentats contre des immeubles d'habitation à Moscou et dans d'autres villes.

Si les autorités ont accusé les rebelles caucasiens d'en être les auteurs, certains observateurs soupçonnent une manipulation de l'Etat.

En 2004, après la prise d'otages de l'école de Beslan, au Nord-Caucase, et la mort de plus de 330 personnes dans l'assaut mené par les forces spéciales russes contre les ravisseurs, un groupe de séparatistes tchétchènes, Vladimir Poutine avait fait voter une série de réformes électorales qui ont renforcé le contrôle du Kremlin sur la vie politique.