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Un leader d'extrême droite sud-africain abattu

Eugene Terre'Blanche a incarné durant des décennies la lutte pour la suprématie des Afrikaners.
Eugene Terre'Blanche a incarné durant des décennies la lutte pour la suprématie des Afrikaners.
Le président sud-africain Jacob Zuma a appelé à l'"unité" et à la "responsabilité" dimanche, au lendemain du meurtre du dirigeant d'extrême droite Eugene Terre'Blanche, tandis que les partisans de la suprématie blanche criaient vengeance.

"Nous, dirigeants, devons unir nos appels au calme dans le
pays", a déclaré le chef de l'Etat, s'adressant à la nation à
l'ouverture du principal journal télévisé du soir. "Nous devons
tous faire preuve de responsabilité dans les déclarations que nous
pouvons faire dans ce pays, un pays qui travaille avec acharnement
à la réconciliation", a ajouté Jacob Zuma, dans une mise en garde
qui vise autant son propre camp que l'extrême droite.

Tensions raciales en toile de fond

Le meurtre de Terre'Blanche, apparemment commis par deux
ouvriers agricoles noirs après une querelle sur des salaires non
versés, ravive les tensions raciales dans un pays où la couleur de
la peau reste un sujet douloureux seize ans après la fin officielle
du régime d'apartheid.

Le Mouvement de résistance
afrikaner (AWB), groupuscule créé par Terre'Blanche qui s'était
opposé par la violence à la transition post-apartheid au début des
années 1990, a incité dimanche ses membres à "s'armer" afin de se
défendre. Son secrétaire général, André Visagie, a promis que l'AWB
déciderait "des actions pour venger la mort d'Eugene Terre'Blanche"
au cours d'une conférence le 1er mai, demandant à ses membres de
"rester calmes pour le moment".



La peur et la colère étaient palpables dimanche à Ventersdorp, le
village de Terre'Blanche. Devant l'exploitation agricole de
l'extrémiste battu à mort, des dizaines de partisans s'étaient
rassemblés. "Ils (les Noirs, ndlr) tuent nos fermiers", affirmait
l'un d'eux, refusant d'être nommé par crainte de "représailles".
"Tuer un vieil homme, comme ça, dans son sommeil, il n'y a pas de
quoi être fier", ajoute-t-il. Terre'Blanche avait 69 ans.

Appels au calme

Le président Zuma avait appelé au calme dès les premières heures
qui ont suivi l'annonce du crime. En un geste d'apaisement, son
ministre de la Police, Nathi Mthethwa, et le directeur de la police
nationale, Bheki Cele, ont rendu visite dimanche à la famille de la
victime. "Ne jetons pas d'huile sur le feu", a averti Nathi
Mthethwa. "Il y a beaucoup d'émotions en jeu (...) Laissez la
police faire son travail".



Eugene Terre'Blanche a consacré sa vie à la défense de la
suprématie blanche. A la tête de milices paramilitaires dotées d'un
emblème proche de la croix gammée nazie, il avait organisé des
attentats meurtriers pour s'opposer aux premières élections
multiraciales, en 1994. Depuis, l'AWB est tombé en désuétude.



Emprisonné en 2001 pour avoir tenté d'assassiner un garde de
sécurité noir, Terre'Blanche avait été libéré en 2004 pour bonne
conduite avant de tomber dans un oubli relatif. Mais son meurtre
intervient au beau milieu d'une polémique autour d'un chant de
libération appelant à "tuer les Boers" (fermiers blancs), remise au
goût du jour par le président controversé de la Ligue de la
Jeunesse du parti au pouvoir, Julius Malema.



Deux tribunaux ont interdit cette chanson, accusée par
l'opposition et diverses associations d'inciter à la violence
raciale, mais le Congrès national africain (ANC) au pouvoir l'a
défendue au nom de la mémoire de la lutte anti-apartheid. "Un Noir
a tué un Blanc. Evidemment, ça va provoquer des troubles", résume
Kgomotso Kgamanyane, 20 ans, caissière dans une station-service de
Ventersdorp. "Et ça peut devenir violent, parce que les Blancs
pensent que nous les Noirs, on a fait ça parce qu'on les
hait".



afp/hof

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Un contexte social explosif

Malgré son retrait de la scène médiatique, Eugene Terre'Blanche reste suffisamment symbolique pour que son meurtre puisse être utilisé par des extrémistes, dans un contexte social de plus en plus tendu à mesure que se creusent les inégalités entre les revenus, aux dépens des Noirs.

Plus de 40% des 48 millions de Sud-Africains vivent toujours avec moins de deux dollars par jour. Les townships ne sont plus des ghettos mais les services de base y restent déplorables. Et la terre est toujours pour l'essentiel aux mains de la minorité blanche.

Les fractures raciales se manifestent régulièrement. Le chef de la ligue de la jeunesse du parti au pouvoir, Julius Malema, vient de susciter la polémique en reprenant une chanson des années de lutte dont le refrain appelle à "tuer les boers" (les fermiers afrikaners, ndlr).

Dès le meurtre connu, le président sud-africain Jacob Zuma a appelé au calme, demandant à ses compatriotes "de ne pas répondre aux agents provocateurs qui souhaiteraient tirer avantage de cette situation en incitant ou en attisant la haine raciale".

Le petit parti Freedom Front, qui représente les fermiers blancs au sein du gouvernement de Jacob Zuma, a évoqué dans la nuit une "situation explosive".

Le mouvement d'Eugene Terre'Blanche a quant à lui affirmé qu'il vengerait son leader assassiné mais a demandé à ses membres de rester calmes et de ne pas réagir immédiatement.