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Chaos au Kirghizistan: le président serait parti

Plusieurs bâtiments ont été incendiés à Bishkek, la capitale.
Plusieurs bâtiments ont été incendiés à Bishkek, la capitale.
Le Kirghizistan était dans le chaos le plus total mercredi. Après des manifestations qui ont dégénéré en affrontements entre opposants et forces de l'ordre, le président kirghiz Kourmanbek Bakiev aurait quitté le pays. L'état d'urgence a été décrété alors que les morts se comptent par dizaines.

D'après une source aéroportuaire et d'après le chef de
l'opposition Remir Sariev, le président kirghize a quitté son
territoire. Son avion aurait quitté le sol vers 20HOO locales
(16HOO suisses).



Par ailleurs, toujours selon l'opposition, le Premier ministre,
Daniar Oussenov, aurait signé une lettre de démission et un nouveau
gouvernement aurait été formé, avec à sa tête une ancienne ministre
des Affaires étrangères, Rosa Otounbaïeva.



Des affrontements avaient éclaté un peu plus tôt dans la journée
entre des opposants et les forces de l'ordre. Ces heurts faisaient
suite à diverses manifestations lancées dans tout le pays par le
Mouvement populaire uni pour réclamer la démission du président
Kourmanbek Bakiev.

Invasion de bâtiments

Le Parlement du
Kirghizstan a été envahi à Bichkek, la capitale, par des centaines
de manifestants. Le rez-de-chaussée du siège du parquet général
était en feu. A quelques dizaines de mètres de là, la présidence a
été elle-même assiégée par les manifestants. Des centaines de
manifestants d'opposition sont aussi entrés de force dans le siège
de la télévision nationale, volant ou cassant le matériel.



Impossible de connaître le bilan exact des violences mercredi
soir. Seule certitude: la plupart - voire la totalité - des
victimes ont été atteintes par balles. Le ministère de la Santé de
ce pays d'Asie centrale fait état de 40 morts et de 400 blessées.
Selon l'un des leaders de l'opposition, Omourbek Tekebaïev, près de
100 personnes ont été tuées.



D'autres villes du pays ont aussi été le théâtre de violences,
notamment Talas (nord-ouest), Naryn (centre) et Tokmok (près de
Bichkek), où les opposants ont pris le contrôle de plusieurs
bâtiments officiels.

Un ministre tué

Le ministre de l'Intérieur, Moldomoussa Kongantiev, est mort
alors qu'il était transporté à l'hôpital, selon des défenseurs des
droits de l'homme. Plus tôt, les médias locaux avaient indiqué
qu'il était l'otage de manifestants. Un porte-parole du ministère
de l'Intérieur, Rakhmatoullo Akhmedov, a démenti ces
informations.



Le premier vice-Premier ministre du Kirghizistan, Akylbek Japarov,
est lui retenu en otage dans la ville de Talas, selon des médias
locaux. Il aurait été passé à tabac dans cette ville où des
opposants ont pris le contrôle du siège de l'administration locale
et de la police mardi.

Couvre-feu et arrestations

En fin d'après-midi, le Premier ministre Daniar Oussenov a
annoncé que l'état d'urgence avait été décrété et un "couvre-feu"
imposé.



Plusieurs opposants au chef de l'Etat ont été brièvement arrêtés
dans l'après-midi et inculpés pour "crimes graves", selon le
procureur général Nourlan Toursounkoulov. Mais ils ont été par la
suite libérés et ont pu rencontrer le Premier ministre. .



Les manifestations à Bichkek ont dégénéré lorsque les forces de
l'ordre ont tiré des balles réelles sur les opposants, après avoir
tenté de les disperser à l'aide de grenades lacrymogènes et
assourdissantes. Plus tôt dans la journée, des escarmouches avaient
eu lieu devant le siège de l'opposition.



Les opposants ont multiplié les manifestations et les déclarations
antigouvernementales ces derniers mois, accusant le régime de
Bakiev - au pouvoir depuis cinq ans - de chercher à museler les
médias indépendants, ainsi que de corruption (lire
ci-contre)
.



agences/jeh/bri

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Bakiev, de la révolution à l'autocratie

Kourmanbek Bakiev avait été porté au pouvoir par une révolution en mars 2005, mais, au cours de sa présidence rocambolesque, il a vite renoué avec les dérives du régime qu'il avait renversé.

Cet homme de 60 ans avait connu son heure de gloire le 24 mars 2005 lorsque des milliers de manifestants avaient renversé le pouvoir corrompu du président Askar Akaïev pour protester contre des fraudes électorales, un mouvement dont Bakiev fut l'un des dirigeants.

Cet ancien ingénieur en électricité, malgré une victoire écrasante à la présidentielle de juillet 2005 (89% des voix), n'aura jamais vraiment réussi à s'imposer à la tête de son pays, aux prises avec des manifestations et des frondes de députés.

Très rapidement Bakiev est lâché par ceux qui l'avaient aidé à accéder au pouvoir, ces derniers l'accusant de perpétuer les mauvaises habitudes de son prédécesseur en distribuant avantages économiques et postes à responsabilités aux membres de sa famille.

Profitant de la position privilégiée de son pays, Kourmanbek Bakiev joue sur les rivalités russo-américaines dans la région.

Il obtient un triplement du prix payé par les Américains pour la base militaire de Manas en juin 2009 après avoir menacé de la fermer quelques mois plus tôt.

Cette base est cruciale pour les opérations militaires en Afghanistan. C'est par elle que transite l'essentiel des soldats déployés sur le terrain.

Dans l'intervalle, il encaisse deux milliards de dollars d'aide de Moscou qui, selon des analystes, faisait pression pour obtenir la fermeture de cette base.

Le Kirghizstan et ses voisins d'Asie centrale suscitent en outre d'intenses convoitises en raison de leurs réserves de pétrole, de gaz, d'uranium et d'or, pour la plupart encore inexploitées et parmi les plus importantes au monde.

Appels au calme de Moscou et Washington

Russie et les Etats-Unis, qui disposent chacun d'une base militaire dans l'ex-république soviétique, ont appelé au calme.

La cheffe de la diplomatie de l'Union européenne Catherine Ashton et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon ont fait de même.

Moscou a par ailleurs rejeté les accusations d'implication de la Russie dans les événements au Kirghizistan.