Publié

Manuel Noriega est extradé des USA vers la France

L'ex-dictateur panaméen Manuel Noriega, ici en 1989, avant d'être renversé.
L'ex-dictateur panaméen Manuel Noriega, ici en 1989, avant d'être renversé.
L'ancien dictateur panaméen Manuel Noriega, emprisonné depuis 17 ans en Floride, a été extradé lundi des Etats-Unis vers la France. Il est arrivé mardi matin dans l'Hexagone pour participer à son procès pour blanchiment d'argent.

Le Département d'Etat américain a précisé que l'ordre
d'extradition avait été signé lundi par la secrétaire d'Etat,
Hillary Clinton. La procédure d'extradition, notifiée à la France
il y a quinze jours, a été confirmée tard lundi par le ministère
français de la Justice.



Manuel Noriega, âgé de 74 ans, est arrivé à bord d'un appareil
d'Air France qui a décollé de Miami, en Floride, pour arriver mardi
matin à Paris. Le vol AF695 a atterri à Roissy. Selon une source
proche du dossier, des agents de l'Administration pénitentiaire
française escortaient l'ancien dictateur pendant son voyage vers la
France. Le Quai d'Orsay, le ministère français des Affaires
étrangères, n'a pas souhaité commenter.

Ultime recours rejeté

L'avocat américain de Manuel Noriega, Franck Rubino, a de son
côté affirmé qu'il ne "savait rien". "Ni le département d'Etat ni
le ministère de la Justice n'ont eu la courtoisie de me prévenir
qu'un ordre d'extradition avait été signé ou que le général Noriega
était sur le départ", a-t-il déclaré. "Je ne suis pas en contact
avec lui comment le serais-je? Il n'a pas de téléphone
portable".



La Cour suprême des Etats-Unis avait refusé le 22 mars la demande
de l'ex-homme fort du Panama d'être réentendu, éliminant ainsi son
ultime recours contre une extradition. Le gouvernement panaméen a
indiqué lundi qu'il respectait la décision "souveraine" des
Etats-Unis d'extrader l'ancien dictateur vers la France. Il a
toutefois demandé qu'il soit rapatrié pour être aussi jugé dans son
pays.

Renversé en 1989

Manuel Noriega avait été renversé puis capturé en 1989 lors de
l'intervention américaine au Panama ordonnée par le président
américain George Bush père. L'ancien dictateur de ce pays
d'Amérique centrale avait ensuite été condamné à 40 ans de prison
aux Etats-Unis pour trafic de drogue.



Placé en détention en Floride, sa peine avait été réduite à 17 ans
pour bonne conduite. Mais quelques jours avant la date prévue pour
sa libération, en septembre 2007, un juge fédéral américain avait
approuvé son extradition vers Paris. La justice française l'a
condamné par défaut en 1999 à dix ans de prison pour diverses
accusations, mais souhaite organiser un nouveau procès pour
blanchiment d'argent.

Accusé de blanchiment d'argent

"Lorsqu'il arrivera en France il sera présenté à un procureur de
la République qui lui notifiera le mandat d'arrêt qui a été décerné
à son encontre", a détaillé le porte-parole du ministère de la
Justice, Guillaume Didier. "Un juge des libertés et de la détention
se prononcera ensuite sur son éventuelle mise en détention
provisoire dans l'attente de sa comparution devant le tribunal
correctionnel", a-t-il ajouté.



L'avocat français de Noriega, Me Yves Leberquier, a estimé lundi
soir sur France Info que son client ne pouvait pas être jugé par la
justice française. Il a invoqué la prescription des faits et son
immunité d'ancien chef d'Etat.

Un accord secret?

Et pour son avocat à Panama, Me Julio Berrios, l'extradition de
l'ex-dictateur vers la France est le résultat d'un accord secret
entre les gouvernements du Panama, des Etats-Unis et de la France
pour qu'il ne rentre pas dans son pays. "Ils croient que Noriega va
mourir sur le sol français et que donc l'affaire sera réglée",
a-t-il expliqué.



Longtemps allié des Etats-Unis pendant la Guerre froide, ancien
informateur de l'agence de renseignement américaine CIA, Manuel
Noriega était tombé en disgrâce à Washington pour son implication
dans un trafic de stupéfiants (lire ci-contre). Le
général Noriega a été condamné au Panama à 54 ans de prison pour
son implication dans la disparition et le meurtre d'opposants entre
1968 et 1989.



agences/hof

Publié

Biographie de l'ex-dictateur Manuel Noriega

Né au Panama en janvier 1934, Manuel Noriega a fait carrière dans l'armée avant de devenir le dirigeant de facto du pays de 1983 à 1989, année où il a été destitué par une intervention américaine.

N'ayant jamais connu son père, il a été élevé par sa tante maternelle dans le quartier pauvre de San Felipe, à Panama City, à moins de deux kilomètres du canal de Panama.

Une grave crise d'acné à l'adolescence lui laissera de nombreuses cicatrices sur le visage, qui lui vaudront plus tard le surnom, donné par ses opposants, de "Caran de Pina", "Face d'ananas" en espagnol.

Dans l'armée, en tant que chef des services de renseignement de la Garde nationale sous le régime d'Omar Torrijos, Noriega orchestre la "disparition" des opposants.

A la suite de la mort de Torrijos en 1981 dans un accident d'avion, il commence à manoeuvrer pour se rapprocher du pouvoir et devient, deux ans après, dirigeant de facto. Il se promeut lui-même au rang de général.

Collaborateur de la CIA depuis le début des années 1970, Noriega a d'abord été proche de Washington. Il a autorisé par exemple des soldats américains à installer des postes d'écoute électronique au Panama et à utiliser le pays pour acheminer du matériel à destination des forces pro-américaines au Salvador et au Nicaragua.

Il perd le soutien des Etats-Unis lorsqu'il rejette l'élection de Nicolas Ardito Barletta, premier président démocratiquement élu au Panama en seize ans.

De plus, il soutient secrètement les dirigeants cubain Fidel Castro et libyen Mouammar Kadhafi.

Il se rapproche de plus en plus des narcotrafiquants du cartel colombien de Medellin, dont il reçoit plusieurs millions de dollars.

En février 1988, l'agence américaine anti-stupéfiants, la DEA, l'inculpe pour trafic de cocaïne et blanchiment d'argent.

L'année suivante, il invalide les résultats des élections générales et fait molester les candidats de l'opposition.

Puis, l'assemblée nationale, qu'il contrôle, déclare "l'état de guerre" entre le Panama et les Etats-Unis.

Le 20 décembre 1989, 27'000 soldats américains prennent le contrôle de Panama City lors de l'opération "Just Cause", rasent le quartier général de l'armée et se mettent à la recherche de Manuel Noriega.

Ce dernier trouve refuge à la nonciature, l'ambassade du Vatican, que les Américains assiègent jusqu'à sa reddition, le 3 janvier 1990. Il est aussitôt emmené en Floride et emprisonné.