L'est de l'Ukraine est devenue l'épicentre des combats et la survie y est souvent une question de chance. On se bat ici depuis 2014, quand des séparatistes prorusses, appuyés par le Kremlin, se sont emparés d'une partie des deux régions dont leurs capitales Donetsk et Lougansk. Et depuis le début de l'offensive russe en février, les troupes de Moscou ont gagné du terrain, mais les soldats ukrainiens résistent.
Les deux camps sont retranchés. Les combats se résument de plus en plus à une guerre d'artillerie. Et les armes utilisées, notamment les vieux systèmes d'artillerie soviétiques, sont imprécises, quand leur usage n'est pas carrément aléatoire.
"On s'assoit dans les tranchées; l'ennemi nous bombarde et on ne peut même pas sortir la tête", résume Bogdan, un soldat ukrainien de 26 ans, à Bakhmout, ville contre laquelle l'armée russe concentre ses efforts. "Il n'y a plus de combat à l'arme à feu comme avant. Aujourd'hui, c'est une bataille d'artillerie. Alors, tu sautes juste dans ta tranchée et tu attends la frappe".
Il y a peu, la cabine du 4x4 de Bogdan a été transpercée par les restes d'une roquette qui venait d'exploser. La main du jeune soldat en tremble encore. À l'arrière du véhicule, il brandit le bout de métal qui a failli le tuer avant de le jeter à terre avec un air de dédain.
A Kostiantynivka, un immeuble de quatre étages a été détruit par une frappe. Ievguenia, 82 ans, raconte qu'elle somnolait quand les deux explosions ont retenti. "Il y avait déjà eu des explosions, mais elles étaient loin, alors je m'y étais habituée", dit-elle sans cacher sa détresse, des larmes dans les yeux. "J'ai été jetée là-bas", poursuit-elle en désignant le pan de mur qui l'a sauvé: "Je ne sais pas comment j'ai atterri là. Je ne sais pas cela".
A Soledar, une petite ville sur la route de Bakhmout subissant de violents bombardements, le militaire Oleg raconte sur un ton d'indifférence son propre miracle. "Je rentrais du front. J'avais 3-4 jours de permission, alors on a été se détendre au bord du lac: barbecue, bière, bonne compagnie", commence-t-il.
"Soudain, un tank a commencé à nous tirer dessus. Il a tiré dans l'eau, où il y avait beaucoup de soldats. On a survécu par miracle, tous les éclats sont restés coincés dans l'eau. C'est pour cela que nous sommes encore en vie", sourit-il.