La chute de Kherson, une "défaite" symbolique mais un "repli" militaire

>> Retrouvez le détail des événements de lundi: Volodymyr Zelensky visite la ville de Kherson reprise aux Russes

Les troupes russes, qui occupaient la partie de la région de Kherson récemment reprise par l'armée ukrainienne, y ont commis "les mêmes atrocités" que dans d'autres régions d'Ukraine qu'ils occupaient, a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky dimanche soir.

Quelque 400 "crimes de guerre"

"Les corps des tués sont retrouvés: ceux de civils et de militaires. Dans la région de Kherson, l'armée russe a laissé derrière elle les mêmes atrocités que dans d'autres régions de notre pays, où elle a pu entrer", a dit Volodymyr Zelensky dans une allocution, en promettant de "trouver et amener à la justice chaque meurtrier".

Le président a également annoncé que 400 "crimes de guerre" russes ont été documentés, sans préciser s'ils concernaient uniquement la région de Kherson.

Deux jours après la reconquête ukrainienne de la ville de Kherson, les premiers journalistes qui ont pu se rendre sur place ont rencontré une population soulagée. Sur le plan militaire, le président Zelensky a parlé d'un tournant "historique" dans le conflit.

"Sur le plan symbolique et médiatique, c'est une défaite" russe, constate Cyrille Bret, maître de conférences à Sciences Po Paris, dans l'émission Forum. Mais "sur le plan militaire, cela peut encore être un repli", souligne-t-il. "Ce qui est certain, c'est que (…) c'est un revers extrêmement important que de perdre cette ville".

Ce spécialiste des conflits attribue le succès ukrainien à "l'agilité, la rapidité, la détermination" de ses troupes, mais aussi à la résistance des civils "et évidemment aux matériels qui ont été fournis par les soutiens de l'Ukraine".

"Ce n'est pas la fin des combats"

Cette position était extrêmement difficile à défendre côté russe, relève encore Cyrille Bret. "Cela faisait sans doute plusieurs jours ou semaines que l'état-major russe demandait à la présidence russe l'autorisation de se replier pour préparer une contre-offensive, sans doute ailleurs". Mais cette défaite en tout cas symbolique et médiatique "n'annonce malheureusement pas la fin des combats".

>> L'interview de Cyrille Bret dans Forum :

Les entreprises de services publics de Kherson s'efforcent de restaurer les infrastructures essentielles endommagées et minées après le départ des forces russes, la plupart des foyers de cette ville du sud de l'Ukraine étant toujours privés d'électricité et d'eau, ont indiqué dimanche des responsables régionaux.

Le gouverneur de la région de Kherson, Yaroslav Yanouchevytch, a déclaré que les autorités avaient décidé de maintenir un couvre-feu de 17 heures à 8 heures et d'interdire aux gens de quitter ou d'entrer dans la ville par mesure de sécurité.

"L'ennemi a miné tous les objets d'infrastructure critiques", a-t-il dit à la télévision ukrainienne.

"Nous essayons de nous réunir dans quelques jours et (ensuite) d'ouvrir la ville", a dit Yaroslav Yanouchevytch, ajoutant qu'il espérait que les opérateurs de téléphonie mobile pourraient reprendre leur service bientôt.

A nouveau ukrainienne depuis vendredi

Les troupes ukrainiennes sont arrivées dans le centre de Kherson vendredi après que la Russie a abandonné la seule capitale régionale qu'elle avait capturée depuis le début de son invasion en février.

Ce départ est la troisième grande retraite russe durant le conflit et la première à impliquer la cession d'une ville occupée aussi importante, face à une contre-offensive ukrainienne majeure qui a repris des parties de l'est et du sud.

Le directeur des chemins de fer ukrainiens a précisé que les services ferroviaires vers Kherson devraient reprendre cette semaine.

Un autre responsable régional a toutefois déclaré que si le déminage était en cours et que les autorités s'efforçaient de rétablir les services essentiels, sur le plan humanitaire, la situation dans la ville "reste très difficile".

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov est arrivé dimanche sur l'île indonésienne de Bali pour le sommet du G20 où il représentera mardi et mercredi Vladimir Poutine, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le Kremlin a expliqué vendredi l'absence du président russe au G20 par des contraintes d'agenda, mais son absence est perçue comme un signe d'isolement en pleine intervention militaire en Ukraine.

Le ministre russe a atterri à bord d'un avion officiel russe à l'aéroport de Denpasar depuis Phnom Penh, où il a assisté au sommet de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean).

L'idéologue ultranationaliste russe Alexandre Douguine, considéré comme l'un des soutiens les plus zélés de l'offensive en Ukraine, a assuré qu'il restait loyal à Vladimir Poutine malgré la défaite de Moscou dans la ville ukrainienne de Kherson.

"L'Occident (...) a commencé à diffuser un fake disant que moi-même et les patriotes russes se détournaient de Poutine depuis la reddition de Kherson et exigeaient prétendument son départ", a indiqué samedi soir Alexandre Douguine sur Telegram.

"Nous sommes loyaux à Poutine"

"Souffrir de la perte de Kherson est une chose. Mais notre relation au Commandant en chef en est une autre. Nous sommes loyaux à Poutine et soutiendrons l'opération militaire (en Ukraine) et la Russie jusqu'à la fin", a-t-il ajouté.

Vendredi, Alexandre Douguine avait publié un message distinct où il semblait critiquer le Kremlin après la perte de Kherson. Il y affirmait que le pouvoir russe ne pouvait plus "céder une chose de plus" et que "la limite avait été atteinte".

Moscou n'a pas encore réagi officiellement à la reprise de Kherson par les troupes ukrainiennes, à l'exception d'un communiqué laconique qui estime que la ville reste un territoire russe.

Sur les télévisions et les réseaux sociaux, en revanche, les critiques commencent à se faire plus vives, même du côté des soutiens au Kremlin. Ainsi l'un des propagandistes les plus convaincus, Vladimir Soloviev, appelle à intensifier la guerre mais reconnaît "objectivement les difficultés qui existent actuellement".

Un autre expert dresse un constat plus catégorique: "Lorsque nous subissons une défaite, commençons par dire que c'est une défaite", a-t-il lancé à la télévision. "Et ne prétendons pas qu'il s'agit d'une victoire ou d'une manoeuvre de diversion".

>> Voir le sujet de Tristan Dessert dans le 19h30 :

Les habitants de Kherson continuent de fêter leur libération, au lendemain de la reprise de cette ville symbolique par les forces ukrainiennes. Les habitants, toujours privés d’eau, d’électricité et de gaz, espèrent désormais un retour rapide à la vie d’avant-guerre. En attendant, l'armée a déjà officiellement pris pied.

Première arrivée, l'administration militaire est déjà en fonction. "La police nationale et le service de sécurité de l'Ukraine ont également commencé à exercer leurs fonctions", a précisé son responsable. "Le service d'Etat ukrainien pour les situations d'urgence mène des activités de déminage. Nous travaillons pour que la ville retrouve une vie normale", a-t-il ajouté.

>> Voir le reportage de Karima Ben Amrouche dans le 19h30 :

>> Les précisions de Boris Mabillard depuis Mikolaïv :

Les forces russes ont détruit les infrastructures essentielles de la ville de Kherson avant de s'enfuir, a déclaré samedi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ajoutant que les autorités locales commençaient à stabiliser la ville.

"Avant de fuir Kherson, les occupants ont détruit toutes les infrastructures essentielles : communications, eau, chauffage, électricité", a dit Volodimir Zelensky dans une allocution vidéo.

"(Les Russes) ont partout le même objectif : humilier les gens autant que possible. Mais nous allons tout rétablir, croyez-moi", a-t-il poursuivi.

Selon le chef d'État, les troupes ukrainiennes ont pris le contrôle de plus de 60 localités dans la région de Kherson.

"La police a lancé des mesures de stabilisation. Des mesures de stabilisation sont également en cours à Kherson"

L'artiste britannique Banksy a posté dans la nuit de vendredi à samedi sur son compte Instagram des images d'une oeuvre au pochoir peinte sur un bâtiment bombardé de Borodianka, près de Kiev, confirmant ainsi en être l'auteur.

L'oeuvre, devenue un symbole de la résistance ukrainienne aux bombardements russes, représente une gymnaste en équilibre sur les gravats. "Borodianka, Ukraine", a simplement écrit le célèbre artiste de rue travaillant sous pseudonyme, en légende des images sur son compte Instagram.

"C'est un symbole de notre résistance inébranlable", a déclaré à l'AFP Oleksi Savochka, un Ukrainien de 32 ans, en réagissant à la publication. "De la résistance inébranlable de notre pays", a-t-il ajouté.

Un certain nombre de dessins au pochoir réalisés dans le style de Banksy sont apparus récemment dans Kiev et ses environs, ce qui laisse penser que l'artiste pourrait être en train de travailler dans la région.

Plus de 30'000 hommes, 5000 unités de véhicules et d'armement se sont retranchés sur la rive orientale du Dniepr, a fait savoir samedi matin le ministère de la Défense russe. Le retrait des troupes est terminé, mais pour Moscou cette région reste russe.

Officiellement, l'objectif est de ramener les soldats sur des positions fortifiées sur la rive contrôlée par l'armée russe. Il s'agit certainement d'attendre l'arrivée des réservistes avant de reprendre l'initiative. Mais à ce stade, rien ne dit que Kherson reste une priorité du commandement russe.

>> Les précisions de Jean-Didier Revoin depuis Moscou :

Reuters - Marko Djurica

Vendredi soir, des centaines d'habitantes et habitants de Kiev ont célébré la libération de la ville de Kherson par les troupes ukrainiennes.

>> Ecouter le reportage d'Agathe Mahuet dans les rues de Kiev :

AP Photo/Keystone - Bernat Armangue

>> Voir aussi le 12h45 :

Le retrait russe de la ville ukrainienne de Kherson marque "un nouvel échec stratégique" de la part de Moscou, s'est réjoui samedi le ministre britannique de la Défense Ben Wallace, estimant que cette défaite allait semer le doute dans l'opinion publique russe.

"Le retrait annoncé par la Russie de Kherson marque un nouvel échec stratégique pour eux. En février, la Russie avait échoué à s'emparer des cibles majeures qu'elle s'était fixées, à part Kherson", a réagi Ben Wallace dans un communiqué.

"Désormais, avec (cette ville) également abandonnée, les gens en Russie doivent se demander: 'A quoi est-ce que tout ça sert?'", a-t-il ajouté.

Une "victoire extraordinaire"

Samedi, les Etats-Unis ont également salué ce qui semble être une "victoire extraordinaire" pour l'Ukraine après le retrait forcé de l'armée russe et la reprise de la ville du sud du pays.

La Russie ayant désormais replié ses troupes pour les placer à des positions défensives, Ben Wallace a estimé que l'invasion russe en février "n'a abouti qu'à l'isolement international et à l'humiliation".

"Le Royaume-Uni et la communauté internationale continueront à soutenir (les Ukrainiens), et si le retrait est bienvenu, personne ne va sous-estimer la menace que pose la Russie", a-t-il dit.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a affirmé samedi que la guerre se poursuivrait après le prise de la ville de Kherson par les forces ukrainiennes, succès majeur pour Kiev.

"Nous sommes en train de gagner des batailles sur le terrain. Mais la guerre continue", a-t-il déclaré aux journalistes à Phnom Penh, lors d'une rencontre bilatérale avec le Premier ministre australien Anthony Albanese en marge du sommet des pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean).

"Je comprends que tout le monde souhaite que cette guerre prenne fin le plus rapidement possible. Nous sommes certainement ceux qui le souhaitent plus que quiconque", a-t-il déclaré. "Mais tant que la guerre se poursuivra, et que nous verrons la Russie mobiliser davantage de conscrits et acheminer davantage d'armes vers l'Ukraine, nous continuerons bien sûr à compter sur votre soutien continu", a-t-il aussi relevé.