Pannes, défauts de maintenance, annulations... L'aviation civile russe traverse des zones de turbulences successives dues aux sanctions occidentales, nourrissant les craintes pour la sécurité aérienne en Russie. Si le Kremlin et Vladimir Poutine se vantent de résister aux mesures punitives adoptées par l'Occident depuis l'assaut russe contre l'Ukraine en février 2022, le secteur du transport aérien semble lui toujours plus affecté. En cause: les obstacles auxquels font face les compagnies pour acquérir les pièces et logiciels dont ont besoin leurs flottes de Boeing et d'Airbus pour voler en toute sécurité.
Du coup, les incidents se multiplient, comme celui d'août dernier, lorsque les passagers d'un vol Red Wings sont restés coincés à Ekaterinbourg (Oural) durant 24 heures en raison de la détection simultanée de "dysfonctionnements techniques" sur les deux avions disponibles pour effectuer un vol vers la Turquie.
Pas de solution en vue
"Les conditions dans lesquelles les compagnies aériennes russes opèrent sont assurément devenues beaucoup plus difficiles et les risques pour l'industrie ont évidemment augmenté", observe Oleg Panteleïev, directeur de AviaPort.ru, agence spécialisée dans l'industrie aéronautique russe. Après près de deux ans de sanctions, les principaux problèmes se concentrent autour des moteurs et les systèmes informatiques.
Pressé de commenter la situation, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a reconnu du bout des lèvres ne pas avoir de solution en vue: "Nous sommes confrontés à de nouveaux défis et nous cherchons de nouveaux moyens pour les résoudre". En attendant, les compagnies ont recours à la "cannibalisation", clouant des appareils au sol pour utiliser leurs pièces sur d'autres avions.
Production russe amorphe
A ce stade, le trafic aérien interne n'a pas baissé, et l'association spécialisée Aviation Safety Network (ASN) a recensé 11 incidents ou accidents depuis le 24 février 2022, un chiffre qui reste dans la moyenne des années précédentes. Mais plus le temps passe, plus le risque augmente. D'autant que la Russie ne produit pas assez de ses propres avions. Son seul modèle post-soviétique homologué, le Sukhoï SuperJet 100, n'a jamais convaincu, et la conception d'un nouveau moyen-courrier, le MC-21, a pris un retard considérable.
En avril dernier, l'association regroupant les principales compagnies aériennes russes (AEVT) se disait d'ailleurs "préoccupée" par "le calendrier" jugé trop lent de la production nationale. A moins de réussir à contourner massivement les sanctions ou de faire voler des appareils endommagés, la flotte russe pourrait donc chuter de 850 avions début 2022 à 554 d'ici à 2033, selon les analystes du cabinet Oliver Wyman.