Depuis presque onze mois, la majorité des enfants de Gaza vivent loin de chez eux, souvent sous des tentes. Selon l'ONU, 625'000 enfants n'ont actuellement pas accès à l'école dans l'enclave palestinienne. "(…) Les enfants en primaire ne savent ni lire, ni écrire. Pour avoir un avenir, on a besoin d'avoir des jeunes qui réfléchissent, qui ont une bonne tête", témoigne Asma, professeur de français à Gaza, vendredi dans l'émission La Matinale de la RTS.
Avant la guerre, 96% des enfants de Gaza étaient scolarisés, certains dans des écoles privées de très bon niveau. Aujourd'hui, ces petits garçons et petites filles passent leurs journées à jouer dehors avec ce qu'ils trouvent, beaucoup étant chargés d'aller chercher de l'eau, du pain ou de travailler.
Impossible de donner l'école sous des tentes
Pour les parents, assumer le rôle de l'école est une tâche ardue. Dalal Ashour, enseignante d'anglais à Gaza, souligne que certains parents tentent d'acheter des livres et des manuels scolaires, mais d'autres ne peuvent pas relever ce défi à cause des déplacements fréquents.
De plus, la vie sous les tentes est difficile avec des températures très élevées, rendant l'enseignement des bases d'un programme scolaire pratiquement impossible. Dans des situations de conflit prolongé, des écoles provisoires sont souvent construites par des ONG internationales ou locales. Mais dans l'enclave palestinienne, c'est quasiment impossible. Les familles sont constamment soumises aux ordres d'évacuation de l'armée israélienne. Même les camps de déplacés, où s'entassent des milliers de personnes, ne sont pas des zones sûres.
Les écoles désignées comme lieux de refuge par l'ONU sont également prises pour cibles par les frappes aériennes. Des images ont montré des enfants terrorisés errant dans les couloirs d'une école juste après un bombardement fin juillet. L'armée israélienne affirme avoir visé une "base du Hamas" lors de cette frappe, qui a tué une trentaine de civils.
Aucune échappatoire à la guerre
Pour les plus jeunes, l'impact psychologique de dix mois de guerre est immense. Noor Bimbashi, chargée du plaidoyer pour Handicap International en Palestine, exprime sa profonde inquiétude: "Les enfants n'ont plus la chance de pouvoir jouer dans les écoles, ils ne peuvent plus s'échapper de la réalité de la guerre... Ils ont perdu aussi une routine importante quand ils allaient à l'école, qu'ils apprenaient avec leurs enseignants. Toute cette routine qui peut aider les enfants à se sentir mieux ne va pas revenir avant des années."
Selon l'ONU, 86% des écoles de la bande de Gaza ont été endommagées depuis le 7 octobre. Asma, bloquée dans sa ville de Khan Younès, espère pouvoir retrouver un jour sa classe: "Je veux retrouver ma classe, mes élèves… Mais je ne sais pas… Tout le monde dit qu'il nous faudra des années pour revenir." Elle est consciente que si un jour son école est reconstruite, de nombreux élèves manqueront à l'appel. Selon le ministère de la Santé de Gaza, au moins 16'000 enfants ont été tués depuis le début de la guerre.
Sujets radio: Céline Martelet, Mohamed Ebeid et Alice Froussard avec Mohammad Obd
Adaptation web: vajo
Le calvaire des mères gazaouies
A Gaza, les femmes enceintes souffrent d'anémie et de malnutrition, ayant désespérément besoin de vitamines et de suppléments prénataux, un besoin partagé par les femmes allaitantes.
Yasmine est mère de six enfants: "J'ai eu ma fille en pleine guerre. Tout est devenu incroyablement compliqué. La nourrir, la protéger physiquement et psychologiquement. Je n'ai plus rien financièrement, ma fille ne mange pas assez et reste fatiguée. Nous manquons de nourriture, et le lait pour nourrissons est soit introuvable, soit hors de prix."
Yasmine n'a plus de maison depuis les premiers mois de guerre, et ses parents, qui auraient pu l'aider, ont été tués dans les bombardements. Elle est épuisée par la recherche incessante de nourriture et craint pour la santé de sa fille, menacée par les maladies qui se propagent rapidement.
Manque de médicaments
Les pharmacies sont démunies, dépourvues de compléments alimentaires et de médicaments essentiels, en particulier pour les nourrissons et les femmes enceintes.
Une pharmacienne de Deir Balah explique que la majorité des personnes qu'elle voit viennent chercher du lait pour bébé et des céréales, mais les stocks sont épuisés. La malnutrition chez les femmes enceintes et allaitantes s'est aggravée depuis le début de la guerre, et déjà, 34 enfants sont morts de malnutrition.
Accouchement, moment redouté
L'accouchement est une autre source d'angoisse pour ces femmes, car les hôpitaux manquent de tout, même des équipements de base. Ils sont submergés par les blessés, et les femmes craignent de ne pas pouvoir accoucher dans des conditions sûres.
Malek, enceinte de huit mois, vit dans une école après avoir été déplacée plusieurs fois. Elle redoute le moment de l'accouchement, craignant de ne pas atteindre un hôpital à temps ou de devoir accoucher dans des conditions précaires.
Les fausses couches ont atteint des niveaux sans précédent à Gaza, principalement dues au stress psychologique causé par les bombardements incessants. Le soutien familial fait souvent défaut, et bien que le sujet soit tabou, des médecins rapportent à l'ONU voir une dizaine de femmes par jour ayant subi une fausse couche, contre une à deux avant la guerre.