A Genève, les discussions sur un cessez-le-feu au Soudan commencent sous la direction des Etats-Unis
La guerre au Soudan oppose depuis avril 2023 l'armée, menée par le général Abdel Fattah al-Burhan, aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint, le général Mohammed Hamdane Daglo, un conflit qui a fait des dizaines de milliers de victimes et plus de 10 millions de déplacés en proie à la famine. De précédents cycles de négociations menés à Jeddah, en Arabie saoudite, avaient échoué, et fin juillet, Washington a invité l'armée et les paramilitaires à participer, à compter de mercredi 14 août en Suisse, à des pourparlers de cessez-le-feu.
Ces derniers ont rapidement accepté l'invitation, donnant "leur accord inconditionnel sur leur participation", selon l'envoyé spécial américain pour le Soudan, Tom Perriello. Le Soudan, de facto dirigé par le commandant de l'armée, a en revanche exprimé son désaccord avec les Etats-Unis concernant ces pourparlers, laissant entendre que l'armée allait pratiquer la politique de la chaise vide.
Participation de l'Egypte et des Emirats arabes
Washington a souhaité que ces pourparlers, coparrainés par l'Arabie saoudite et la Suisse, incluent l'Union africaine, l'Egypte, les Emirats arabes unis et l'ONU en tant qu'observateurs. Le gouvernement soudanais conteste la présence des Emirats arabes unis alors que les Etats-Unis estiment au contraire qu'ils pourraient, avec l'Egypte, être "garants" d'un éventuel accord.
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Khartoum s'interroge aussi sur la nécessité d'établir une plateforme de discussions ailleurs qu'à Jeddah, mais Washington voit la Suisse comme une "extension" des pourparlers en Arabie saoudite, a indiqué Tom Perriello, l'envoyé spécial américain. Avec ou sans Khartoum, Washington entend lancer ces discussions, même si Tom Perriello a reconnu lundi que la réunion, en l'absence de l'armée soudanaise, aurait un format technique, avec des experts, mais ne serait pas une "médiation formelle" entre des parties.
Objectifs des pourparlers
L'objectif de ces nouveaux pourparlers dirigés cette fois par les Etats-Unis est "de parvenir à une cessation de la violence à l'échelle du pays, de permettre l'accès de l'aide humanitaire à tous ceux qui en ont besoin et de mettre en place un mécanisme solide de contrôle et de vérification afin de garantir la mise en œuvre de tout accord", avait expliqué le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, lors de l'annonce des pourparlers.
L'envoyé spécial américain Tom Perriello a précisé qu'il s'agira de "trouver des brèches et fournir de la nourriture, des médicaments et de la protection civile à des gens qui vivent dans la peur tous les jours".
Dix jours de discussions dans un lieu tenu secret
Cette première réunion en Suisse, dans un lieu tenu secret pour des raisons de sécurité, doit durer au maximum dix jours. Elle intervient alors que le Soudan se situe à un "point de rupture" catastrophique, avec une conjonction de plusieurs crises qui risque de faire des dizaines de milliers de morts, a averti cette semaine l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) de l'ONU.
La guerre a déjà fait des dizaines de milliers de morts et provoqué une crise humanitaire majeure, selon les Nations unies. Un cessez-le-feu est "essentiel", a affirmé un porte-parole de l'Unicef, James Elder, depuis le Soudan.
afp/itg
Les acteurs du confit
Le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l'Etat de facto, commande l'armée régulière. En octobre 2021, il orchestre un putsch qui écarte les civils du Conseil de souveraineté, institué deux ans plus tôt après l'éviction du dictateur Omar el-Béchir. Mais mi-avril 2023, les deux généraux se lancent dans une guerre fratricide, causant à ce jour des dizaines de milliers de morts.
Outre l'armée et les paramilitaires, un "troisième camp est de plus en plus significatif au Darfour, composé de groupes rebelles alignés ni sur Burhane ni sur Hemedti", décrypte Jalel Harchaoui, chercheur associé auprès de l'institut britannique Royal United Services. Certains de ces groupes ont négocié des trêves locales entre les deux camps, notamment au Darfour. D'autres ont apporté un soutien sans équivoque à l'armée.
Parallèlement, des civils regroupés au sein de la "Résistance populaire" ont commencé à prendre les armes pour contenir l'avancée des paramilitaires.
Comme d'autres conflits, celui du Soudan est exacerbé par les ingérences souvent opérées en sous-main. "Dès le début de la guerre, les Emirats arabes unis ont apporté un important soutien matériel, politique, militaire et de blanchiment d'argent aux FSR", souligne Jalel Harchaoui.
Appel aux dons relancé par la Chaîne du Bonheur
La Chaîne du Bonheur a décidé de relancer son appel aux dons pour le Soudan, alors que des pourparlers de paix doivent débuter cette semaine en Suisse.
Depuis plus d'un an, ce pays est en proie à un conflit dévastateur qui a plongé la région dans l'une des pires crises humanitaires au monde. Plus de neuf millions de personnes, dont quatre millions d'enfants, ont dû fuir leurs maisons.