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A Pékin, une audience "impériale" de Xi Jinping pour séduire les investisseurs étrangers

Le président chinois Xi Jinping rencontre des représentants des milieux d'affaires, stratégiques et universitaires américains au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 27 mars 2024. [afp - Huang Jingwen]
Xi Jinping reçoit des PDG américains pour les convaincre d'investir en Chine / Tout un monde / 4 min. / le 28 mars 2024
Le président chinois Xi Jinping a accordé mercredi une entrevue exceptionnelle à plusieurs hauts dirigeants d'entreprises américaines. Une initiative qui survient dans un contexte de tensions géopolitiques, de ralentissement économique, mais surtout de baisse des investissements étrangers.

Frileux, voire effrayés, les investisseurs boudent la Chine. Certains quittent le pays, d'autres suspendent ou réduisent la voilure de leurs opérations. En 2023, le total des investissements directs étrangers (IDE) s'est élevé à 33 milliards de dollars, son plus bas niveau depuis 30 ans.

Un électrochoc et un effondrement qui se confirment déjà cette année. Au cours des deux premiers mois de 2024, les investissements ont connu une baisse de 20% par rapport à la même période en 2023.

Imprévisibilité et insécurité

Cette chute vertigineuse s'explique en partie par un sentiment d'insécurité accru chez les investisseurs. Le pouvoir communiste s'est distingué récemment par son imprévisibilité et ses décisions souvent abruptes et autoritaires. Pour beaucoup, la politique draconienne du zéro-Covid a été un réveil brutal.

Sous Xi Jinping, le pays a également adopté un virage sécuritaire qui s'avère difficile à négocier pour les entreprises étrangères. La révision de la loi anti-espionnage, entrée en vigueur l'été dernier, renforce par exemple considérablement la marge de manoeuvre du pouvoir contre tout ce qui peut être considéré comme une menace à la sécurité nationale. Un texte aux contours vagues qui reste sujet à interprétation.

De nombreux groupes installés en Chine en ont toutefois déjà fait les frais. Des sociétés de conseils et d'audit ont notamment été perquisitionnées au cours des derniers mois et certains employés ont été interrogés ou arrêtés, car soupçonnés d'avoir récolté des informations économiques sensibles. Un phénomène qui s'inscrit dans les tensions géopolitiques accrues entre Pékin et l'Occident.

Xi Jinping, l'acteur incontournable

Cette réunion avec Xi Jinping doit donc montrer aux chefs d'entreprise étrangers l'importance qui leur est accordée. Car rencontrer le Secrétaire général du Parti communiste chinois n'est pas une chose anodine. L'invitation exclusive faite à cette douzaine de grands patrons avait d'ailleurs des airs d'audience impériale. Parmi les personnes reçues, de grands noms comme Stephen Schwarzman, PDG de Blackstone, ou encore Raj Subramaniam, directeur général de FedEx.

Le président chinois Xi Jinping arrive pour la séance de clôture de l'Assemblée populaire nationale (APN) au Grand Hall du peuple à Pékin, en Chine, le 11 mars 2024. [REUTERS - Tingshu Wang]
Le président chinois Xi Jinping arrive pour la séance de clôture de l'Assemblée populaire nationale (APN) au Grand Hall du peuple à Pékin, en Chine, le 11 mars 2024. REUTERS/Tingshu Wang [REUTERS - Tingshu Wang]

Au cours de ce grand forum annuel organisé à Pékin, c'est traditionnellement le Premier ministre, officiellement en charge de l'économie, qui dialoguait longuement avec les hommes d'affaires à huis clos. Une rare occasion pour les PDG de sonder les plus hautes sphères du parti.

Mais cette année, le dialogue a été avorté. Li Qiang a annulé ou été contraint d'annuler ce rendez-vous. Un signe qui confirme un peu plus encore l'effacement du rôle de numéro deux. En Chine, il n'y a désormais plus qu'un seul interlocuteur central: Xi Jinping, le noyau dur du Parti communiste.

De la parole aux actes?

Au cours de cette entrevue, le président de la République populaire de Chine a promis des réformes et notamment une plus grande ouverture du marché. "Les investisseurs étrangers sont les bienvenus et sont une composante essentielle de modernisation de la Chine", a-t-il déclaré.

Ce discours d'ouverture n'est toutefois pas neuf pour le leader chinois. Mais passer de la parole aux actes semble être difficile pour Pékin. A l'heure où le pays parle d'ouverture, il accentue son repli. Une contradiction qui témoigne des tensions au coeur du pouvoir.

>> Revoir le reportage du 12h45 sur les prévisions de la croissance économique chinoise en 2024 :

La Chine prévoit pour 2024 l'une de ses plus faibles croissances économiques depuis des décennies.
La Chine prévoit pour 2024 l'une de ses plus faibles croissances économiques depuis des décennies. / 12h45 / 1 min. / le 5 mars 2024

Pékin oscille en effet entre d'un part le désir de soigner son économie et d'autre part un réflexe sécuritaire visant à parer aux menaces externes perçues comme dangereuses. Deux tendances qui sont difficiles, voire impossible à concilier.

Selon le compte rendu officiel du ministère chinois des Affaires étrangères, les participants à la rencontre auraient été séduits, louant notamment "le leadership extraordinaire de Xi Jinping". Dans les faits pourtant, il est difficile de croire qu'un simple discours de Xi Jinping puisse les convaincre, surtout face à l'étendue des problèmes auxquels fait face actuellement l'économie chinoise.

Michael Peuker

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