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À une semaine d'un scrutin décisif, la France carbure au rythme d'une campagne enflammée

Le journaliste français Franz-Olivier Giesbert. [Citizenside/AFP - Erick Garin]
Emmanuel Macron lâché par son camp à une semaine des législatives: interview de Franz-Olivier Giesbert / Forum / 6 min. / le 23 juin 2024
A une semaine du premier tour des législatives en France, la campagne bat son plein et mobilise largement: la participation s'annonce inédite depuis plus de 20 ans. Si l'extrême droite est toujours donnée gagnante par les sondages, la gauche reste unie et le camp présidentiel perd du terrain.

Largement distancée dans les sondages, le camp présidentiel appelle à faire barrage tant à la gauche qu'à l'extrême droite. Selon des sondages publiés dimanche par différents médias français, sa popularité est en baisse et à peine un électeur sur cinq compte déposer dans l'urne un bulletin d'un candidat ou d'une candidate macroniste.

Le Rassemblement national (RN) obtiendrait quant à lui jusqu'à 36% des voix. Il devance le Nouveau Front populaire (27 à 29,5%), large alliance de gauche allant du centre-gauche social-démocrate (PS, EELV) à l'extrême-gauche (NPA).

Forte mobilisation attendue

À une semaine de ce scrutin, la population française semble mobilisée comme rarement ces dernières années pour une telle élection. Selon les projections, la participation pourrait grimper jusqu'à 64%, soit un record depuis 2002.

Cette année-là, les élections arrivaient un mois et demi après le choc de l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle. La participation n'a ensuite plus dépassé 60% depuis 2007. En 2022, elle était même de 47,5%.

Les retraites et la TVA "pas prioritaires" pour le RN

Avant d'aborder la seconde semaine de campagne, le président du RN Jordan Bardella cherche à jouer la carte de l'apaisement et se veut rassembleur à droite. La semaine écoulée a ainsi été marquée par de nombreux renoncements, souligne La Tribune Dimanche, sans toutefois que cela n'entame la détermination de ses électeurs.

Le RN a notamment fait marche arrière sur l'abrogation de la réforme des retraites, une promesse pourtant martelée durant la campagne des élections européenne et sur laquelle il adopte désormais une position plus floue, affirmant que ce n'est "pas une priorité". Il a également renoncé à la suppression de la TVA sur une centaine de produits de première nécessité, se cantonnant désormais à une baisse de la TVA sur l'énergie et les carburants.

"Je veux être le Premier ministre de tous les Français, sans aucune distinction", a affirmé le député européen d'extrême droite. Il a toutefois affirmé qu'il n'accepterait le poste que s'il obtenait une majorité absolue lors des législatives.

Une gauche en ordre de bataille

À gauche, aucun leader n'a officiellement annoncé souhaiter briguer le poste de Premier ministre. Principale figure de gauche lors des deux dernières élections présidentielles, le chef de La France insoumise (LFI, gauche radicale) Jean-Luc Mélenchon a refusé de "s'éliminer ou de s'imposer" si la gauche l'emportait au second tour le 7 juillet.

Quant au programme commun, adopté dans la foulée des élections européennes le 9 juin et sur lequel chaque formation politique a fait des concessions, il est martelé sur les plateaux TV depuis une semaine par toutes les parties prenantes de l'alliance.

>> Écouter aussi l'analyse du sociologue Michel Wievorka sur l'accusation d'antisémitisme envers LFI :

L'antisémitisme, un sujet au cœur des campagnes pour les législatives en France: interview de Michel Wievorka
L'antisémitisme, un sujet au cœur des campagnes pour les législatives en France: interview de Michel Wievorka / Forum / 5 min. / le 20 juin 2024

Les clivages et attaques virulentes observés entre les partis de gauche durant la campagne des élections européennes semblent donc avoir été mis entre parenthèse, le Nouveau Front populaire faisant essentiellement campagne sur un programme économique de rupture, qui inquiète les milieux patronaux et financiers, et sur la promesse de faire obstacle à l'extrême droite.

À la télévision, Jean-Luc Mélenchon a ainsi estimé que le président Emmanuel Macron faisait "campagne pour avoir un Premier ministre du RN", car il "passe son temps à nous taper dessus". "Jordan Bardella, c'est Macron enrobé de racisme", a-t-il accusé. Le chef du RN a quant à lui estimé que le leader insoumis incarnait "la gauche la plus brutale et la plus sectaire".

Le pari d'Emmanuel Macron

De son côté, le camp présidentiel tente de desserrer l'étau entre le RN et la gauche, en les mettant sur un pied d'égalité comme "les extrêmes" et se présentant comme une force "responsable et raisonnable, capable d'agir et d'apaiser".

Mais Emmanuel Macron, pourtant prié par une partie de ses troupes de ne pas s'afficher dans la campagne, s'est surtout illustré par une lourde charge mardi contre la gauche unie sous la bannière du Nouveau Front populaire. Il a fustigé son programme, le taxant de "totalement immigrationniste". Il a également tancé la volonté "ubuesque" du Nouveau Front populaire de permettre de "changer de sexe en mairie".

La décision choc d'Emmanuel Macron de convoquer des législatives anticipées après sa large défaite lors des élections européennes constitue sa plus grosse prise de risque depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Il a toutefois exclu de démissionner quelle que soit l'issue du scrutin, alors que son second mandat s'achève en 2027.

Puni pour avoir mis en avant le RN?

Pour l'écrivain et éditorialiste Franz-Olivier Giesbert, la politique française n'est actuellement plus qu'un champ de ruines d'où n'émergent plus qu'une droite dure et une gauche dure. Et cela, par la faute d'Emmanuel Macron: "C'était sa politique! Il a tout fait pour mettre en avant le RN, car il pensait, comme François Mitterrand avant lui, qu'il serait plus facile pour lui d'avoir un adversaire comme le Rassemblement national", a-t-il accusé dimanche dans l'émission Forum de la RTS.

Pour Franz-Olivier Giesbert, la tactique actuelle d'Emmanuel Macron et sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale n'est en outre pas aussi surprenante que l'ont pensé beaucoup de commentateurs politiques. "C'est une intuition que j'ai eue, mais elle est confirmée par quelques informations: il a peur de la gestion de la crise de la dette à l'automne", a-t-il lancé, évoquant notamment de mauvais signes en provenance de la commission de Bruxelles et des agences de notation.

"Emmanuel Macron a endetté de manière effrayante la France", poursuit l'éditorialiste, qui estime qu'un tiers des 3000 milliards d'endettement du pays lui est imputable. "Et quand vous vous endettez beaucoup, à un moment donné, il faut rendre des comptes. On sent que ce moment est arrivé, et je pense qu'il se dit qu'il n'est finalement pas plus mal que ce soit le RN qui gère la crise de la dette".

>> Ecouter l'interview de Franz-Olivier Giesbert à Forum :

Emmanuel Macron lâché par son camp à une semaine des législatives: interview de Franz-Olivier Giesbert
Emmanuel Macron lâché par son camp à une semaine des législatives: interview de Franz-Olivier Giesbert / Forum / 6 min. / le 23 juin 2024

jop/vic avec afp

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Un collectif de diplomates alertent sur les risques d'une victoire de l'extrême droite

Un collectif de 170 diplomates et ancien diplomates a publié dimanche une pétition dans le quotidien Le Monde contre une victoire de l'extrême droite aux prochaines législatives, qui viendrait selon eux "affaiblir la France et l'Europe" face aux guerres et aux attaques contre la démocratie et la liberté d'expression.

"Nous avons vu la Russie envahir des Etats souverains et défaire d'un sillon de chars ce qui avait garanti la paix sur le continent européen. Nous l'avons vue, avec d’autres, expliquer que nos démocraties étaient des modèles dépassés, décadents, voués à une disparition rapide", écrivent-ils.

"Nous avons vu le terrorisme frapper les démocraties, des régimes illibéraux réduire le pluralisme et la liberté des médias", poursuit le texte, citant notamment la Hongrie de Viktor Orban, les Etats-Unis sous Donald Trump ou encore la "perte d'influence internationale du Brésil sous Jair Bolsonaro".

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Le nationalisme "défait les alliances et déconstruit les sociétés", observent encore les signataires. "Nos adversaires liront une victoire de l'extrême droite comme un affaiblissement français et une invitation" à l'ingérence dans la politique française et à l'agressivité contre l'Europe, exposant la France au "poison de la division, du communautarisme, du racisme et de l'antisémitisme et menaçant tant la cohésion que la sécurité nationales".