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Accord "historique" à l'ONU pour mentionner le savoir autochtone dans les brevets

Un des bâtiments de l'UIT, à gauche sur l'image, à la place des Nations à Genève. [Keystone - Gaetan Bally]
Plus de 190 pays membres de l’ONU approuvent un traité contre le pillage des ressources génétiques / Le 12h30 / 1 min. / le 24 mai 2024
Le savoir des autochtones est désormais dans le système mondial de propriété intellectuelle. Après plus de 20 ans de négociations, un traité contre la biopiraterie a été arraché vendredi entre environ 190 pays à l'ONU à Genève. La question de la protection des ressources n'y figure toutefois pas.

La biopiraterie désigne le pillage d'une ressource génétique ou d'un savoir-faire traditionnel, par exemple en déposant un brevet ou une marque sur des noms d’espèces, sur le gène d’une plante ou sur son utilisation.

En d'autres termes, il s'agit de chercher à détenir un droit exclusif sur une ressource vivante, une pratique qui s’est développée dans l’agrochimie et l’industrie pharmaceutique. Le Bâlois Syngenta a par exemple déposé un brevet sur tous les poivrons résistant aux mouches blanches en Europe et en Suisse.

Le traité, arraché dans la nuit de jeudi à vendredi après une conférence diplomatique de dix jours pour le finaliser, cite pour la première fois les communautés autochtones en tant que telles dans le système multilatéral de protection des innovations. Il s'agit du premier traité sur la question en plus de dix ans au sein de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Selon le directeur général de l'OMPI, Daren Tang, l'accord est "historique sur de nombreux points". "Nous attendions cela depuis 25 ans", a estimé de son côté le président de la conférence diplomatique, l'ambassadeur brésilien à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Guilherme de Aguiar Patriota. Mais certains diplomates estiment que le changement est surtout "politique" et "symbolique"

Sanctions en cas de fraude

Les déposants de brevets devront désormais dévoiler le pays des ressources génétiques de leur innovation et le peuple autochtone ayant relayé le savoir-faire associé. Les entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques notamment devront afficher la provenance des plantes médicinales, les cultures agricoles ou des animaux qu'elles utilisent.

Seules quelques dizaines de pays, dont la Suisse, avaient jusqu'ici des exigences de déclaration, mais souvent sans obligation. Si les entreprises ne savent pas d'où viennent ces ressources, elles devront faire une déclaration dans ce sens.

Et si elles fraudent, selon un tribunal de leur juridiction, et seulement dans ce cas, ils pourraient se voir révoquer un brevet attribué. Chaque Etat peut décider d'autres sanctions si le requérant ne relaie pas les indications. Pour la Suisse, l'intégrité des brevets était le plus important.

Pas de partages des avantages des innovations

Une cérémonie de signature est prévue vendredi après-midi pour les Etats qui souhaitent s'engager à le ratifier plus tard. Il aura fallu près de 25 ans depuis les premières approches d'ONG et plus de 20 ans de négociations pour aboutir à cet arrangement. Et convaincre les peuples autochtones de s'associer aux discussions parce qu'ils pouvaient être entendus. L'accord est "le meilleur compromis possible", selon Aguiar Patriota.

Mais certains pays du sud et les organisations internationales qui les représentent, notamment le South Centre à Genève, auraient souhaité davantage. Le groupe africain avait tenté en vain de remettre sur la table la question du partage des avantages des innovations.

>> Interview dans Forum de Cyril Costes, avocat spécialisé dans les questions de propriété intellectuelle et de protection de la biodiversité :

Accord "historique" à l'ONU pour mentionner le savoir autochtone dans les brevets: interview de Cyril Costes
Accord "historique" à l'ONU pour mentionner le savoir autochtone dans les brevets: interview de Cyril Costes / Forum / 4 min. / le 24 mai 2024

asch avec ats

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