Alain Berset: "Le Conseil de l'Europe est l'une des rares organisations internationales qui fonctionne encore"
"Certains reculs des conditions dans lesquelles la démocratie peut s'exprimer sont préoccupants", a déclaré le Fribourgeois lors d'une conférence de presse mercredi à Strasbourg, au lendemain de son élection à la tête du Conseil de l'Europe.
Pour lui, l'institution doit retrouver un poids politique pour réaffirmer les valeurs communes à toute l'Europe. "Le Conseil de l'Europe fonctionne; c'est l'une des rares organisations internationales qui fonctionne encore aujourd'hui. Parce qu'il n'y a plus la Russie. Ça permet donc d'avoir un travail qui se réalise autour des valeurs", a-t-il estimé mercredi soir dans le 19h30.
"Le rôle du Conseil de l'Europe, c'est évidemment de porter ces valeurs au cœur de chaque discussion ou débat sur le plan national et international. Et pour ça, il faut un profil politique encore plus fort", a-t-il poursuivi.
Défis énormes
L'ancien conseiller fédéral veut ainsi renforcer l'action politique et miser sur un réseau fort pour que l'organisation regagne en visibilité. Il est important que le travail au service des valeurs qui font le Conseil de l'Europe soit beaucoup plus présent sur le plan national et international, a-t-il souligné.
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Dans ce contexte, trois principes doivent être garantis: la liberté d'expression et d'opinion, la diversité des projets politiques et la liberté pour les citoyens d'exprimer leur vote librement.
Aujourd'hui, les défis sont énormes au regard de l'instabilité et de l'agressivité qui règnent en Europe, a-t-il relevé, faisant allusion notamment à la guerre en Ukraine. Il y a aussi l'arrivée de l'intelligence artificielle, véritable changement de paradigme, capable de menacer la démocratie. A ses yeux, une éventuelle régulation doit être discutée.
"Organisation fondée sur les valeurs"
"Le Conseil de l'Europe a un pouvoir énorme dans le domaine" diplomatique, a-t-il affirmé mercredi soir dans Forum. "On sait ce qu'il y a à faire. Maintenant, il faut se donner les moyens et les outils pour avancer dans les objectifs de soutien à l'Ukraine."
Toutefois, le Conseil de l'Europe "n'est pas une organisation de sécurité ni une organisation politique", a-t-il estimé. "C'est vraiment une organisation fondée sur les valeurs."
Interrogé sur les réticences à mettre en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), comme récemment la condamnation de la Suisse pour inaction climatique, Alain Berset estime cette réponse préoccupante. La Suisse devra pourtant s'y plier. "Il y a toujours une discussion politique qui permet de trouver un chemin", a-t-il souligné.
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"Victoire de la diplomatie suisse"
L'ancien ministre socialiste, 52 ans, est aussi revenu sur son élection pour remercier toute l'équipe qui l'a accompagné durant les cinq mois de campagne. "Cette élection est d'abord une victoire de la diplomatie suisse". Il a remercié le Conseil fédéral, en particulier la présidente de la Confédération Viola Amherd et le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis. Sans oublier toutes les équipes à Berne et dans les représentations des 25 capitales qu'il a visitées, ainsi que la délégation suisse au Conseil de l'Europe.
"On ne peut pas arriver à une telle élection sans être entré en contact avec un maximum de gens", a-t-il expliqué dans Forum. "C'était très intense. J'ai visité 25 capitales, j'ai eu des centaines d'entretiens et de discussions avec des centaines de parlementaires et gouvernements."
Alain Berset est le premier Suisse à diriger le Conseil de l'Europe. Il ne sera pas un "lobbyiste" de la Suisse, a-t-il répondu à un journaliste, mais s'engagera avec son ADN politique suisse et sa connaissance étroite de la démocratie directe. Le Fribourgeois succédera à la Croate Marija Pejcinovic Buric le 18 septembre prochain.
ebz/jop avec l'ats
Quarante-six pays, 1800 employés
Le nouveau secrétaire général élu dirigera quelque 1800 personnes et aura la responsabilité d'un budget annuel de quelque 625 millions d'euros. Il travaillera étroitement notamment avec la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) et, bien sûr, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Fondé en 1949 à Strasbourg, le Conseil de l'Europe réunit 46 pays depuis l'exclusion de la Russie. La Suisse en est membre depuis 1963.