Alors que l'âge de la mobilisation va être abaissé en Ukraine, les femmes de soldats désespèrent
Lors du vote en première lecture, 243 élus ont approuvé le projet de loi, alors que le minimum requis était de 226. Pour être adopté, le texte doit cependant encore faire l'objet de débats parlementaires et d'un second vote, une procédure qui peut s'étaler sur plusieurs semaines. Le président Volodymyr Zelensky devra ensuite le promulguer.
Le débat sur la mobilisation fait rage depuis plusieurs semaines en Ukraine. L'armée a subi des pertes dont l'ampleur est gardée secrète et peine aujourd'hui, contrairement au début du conflit, à trouver des volontaires pour le front, alors qu'elle souhaite mobiliser jusqu'à 500'000 personnes supplémentaires.
Le projet de loi abaisse l'âge de la mobilisation de 27 à 25 ans et simplifie les procédures d'enrôlement. Les convocations dans l'armée pourraient aussi être transmises via une plateforme en ligne sur laquelle chaque Ukrainien mobilisable devra s'enregistrer. Cette procédure a pour but d'empêcher les réfractaires d'éviter la distribution de cette convocation. Des sanctions comme des restrictions sur le droit de conduire ou le gel de comptes bancaires sont aussi prévues.
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Pas de démobilisation en vue
Le projet de loi reste en revanche vague sur la démobilisation de ceux qui sont au front depuis longtemps. Si le projet de loi restreint a priori à 36 mois le service en temps de guerre, qui est actuellement illimité, il stipule aussi que les délais de la démobilisation seront déterminés par la décision du commandement militaire.
"Il ne s'agit pas de la justice, mais de coercition. Il n'y a pas de démobilisation et c'est injuste pour les soldats qui se battent depuis deux ans à Avdiïvka, Bakhmout et Koupiansk", soit les points les plus chauds du front, a dénoncé sur Facebook la députée d'opposition pro-occidentale Iryna Guerachtchenko.
Grosse déception pour les épouses de soldats
Pour les femmes de soldats qui se battent depuis près de deux ans maintenant, la déception de ne pas voir leurs compagnons démobilisés avant un an minimum est immense. Plusieurs centaines d'entre elles ont ainsi manifesté cette semaine à Kiev pour clamer leur agacement.
A tout moment, il peut lui arriver quelque chose
Interrogée samedi dans le 19h30, Serafima confie n'avoir pu voir son mari que quelques jours ces deux dernières années, lors de permissions toujours trop courtes. Pour affronter sa solitude et ses angoisses, elle prend des sédatifs. "A tout moment - Dieu nous en préserve – il peut lui arriver quelque chose."
Et en plus de l'angoisse d’apprendre qu’il a été tué, Serafima craint aussi de ne plus jamais retrouver son compagnon comme il était avant la guerre. Il lui a en effet confié qu'il creusait facilement des tranchées l'an dernier, mais qu'il ne peut aujourd'hui plus le faire, parce qu'il a du mal à respirer.
Du ressentiment contre l'armée
Inna, elle, doit élever seule son petit garçon de 8 ans depuis près de deux ans et elle doit répondre à toutes ses questions concernant le conflit. Par exemple: "Maman, pourquoi n'avons-nous rien fait pour empêcher papa d'aller à la guerre?"
Maman, pourquoi n'avons-nous rien fait pour empêcher papa d'aller à la guerre?
La jeune femme de 33 ans en veut à ceux qui versent des pots-de-vin pour échapper à l’armée et elle en veut aussi aux autorités: "Combien de temps devront-ils rester? Jusqu’à ce qu’ils meurent?" A ses yeux, exiger de soldats qu'ils restent trois ans sur le front revient à accepter le principe qu’aucun n’en sortira vivant. Inna n'a donc plus le courage de manifester et a même cessé d'espérer en un avenir moins difficile.
Reportage TV: Maurine Mercier
Adaptation web: Frédéric Boillat avec afp