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Alors que les troupes russes se rapprochent de Kharkiv, les habitants essaient de continuer à vivre

Dans la ville de Kharkiv, les réfugiés de villages situés plus au nord affluent. [RTS - Maurine Mercier]
Maurine Mercier nous envoie une note vocale de Kharkiv, en Ukraine / Tout un monde / 7 min. / le 17 mai 2024
En Ukraine, tous les yeux sont rivés vers Kharkiv (nord-ouest), où la Russie est à l'offensive. Alors que les troupes russes approchent, la RTS est allée à la rencontre de celles et ceux qui sont réfugiés dans la deuxième plus grande ville du pays.

Il y a près d'une semaine, plusieurs dizaines de milliers de soldats de l'armée russe ont traversé la frontière au nord de Kharkiv. Depuis, les troupes avancent et grignotent du terrain: elles ne sont désormais plus qu'à une vingtaine de kilomètres.

Dans la ville de Kharkiv, des gens qui ont fui les zones de combat se réfugient désormais dans les écoles, vides depuis le début de l'invasion russe. Devant l'une d'entre elles, une femme âgée vient de s'effondrer, victime d'un malaise à cause du stress.

Une femme âgée fait un malaise à cause du stress, alors que les forces russes se rapprochent de Kharkiv. [RTS - Maurine Mercier]
Une femme âgée fait un malaise à cause du stress, alors que les forces russes se rapprochent de Kharkiv. [RTS - Maurine Mercier]

Au nord de la capitale administrative de la province, de nombreux villages ont été pris par les troupes russes. D'autres sont encore la proie d'intenses bombardements. Il faut donc procéder à des évacuations d'urgence.

Sergueï est l'un des volontaires qui fait des allers-retours entre ces localités et Kharkiv. Il y a deux jours, la voiture du jeune homme a été touchée lors d'une opération d'évacuation. Lui et son chauffeur ont eu énormément de chance, estime-t-il. Un éclat d'obus l'a percuté juste au niveau du coeur, mais son gilet par-balles lui a sauvé la vie.

"Dans ces zones, tout n'est que bombardements maintenant. Mais quand tu en sors, et que tu as pu réussir à sauver ces gens, tu respires comme jamais", témoigne-t-il.

Sergueï est l'un des volontaires qui fait des allers-retours entre Kharkiv et les villages situés plus au nord. [RTS - Maurine Mercier]
Sergueï est l'un des volontaires qui fait des allers-retours entre Kharkiv et les villages situés plus au nord. [RTS - Maurine Mercier]

Des zones occupées pour la seconde fois

A Kharkiv, beaucoup des réfugiés n'arrivent plus à parler pour décrire ce qu'ils ont vécu. Olena vient d'une ville plus au nord qui avait déjà été occupée par les Russes il y a deux ans, avant d'être reprise par les forces ukrainiennes.

Elle raconte que lors de la première occupation, il y avait eu des bombardements mais rien de comparable. Elle était d'ailleurs restée sur place en présence des Russes, s'estimant forcée de continuer à travailler pour toucher sa retraite. Mais cette fois-ci, le scénario est différent. Les bombardements ont été tellement violents qu'elle a décidé de fuir. Elle a pris avec elle sa mère et n'a aucune idée de ce qu'elles vont devenir. "Je ne sais pas ce qu'il restera. Je ne sais pas si on aura les moyens de rentrer un jour chez nous", explique-t-elle.

Ala, 65 ans, a également dû abandonner sa maison. Elle n'a d'ailleurs même pas eu le temps de la fermer à clé. Au milieu des pleurs, elle raconte que quand les bombes pleuvaient, elle priait pour qu'elles ne lui tombent pas dessus.

Kharkiv également frappée

Si les experts jugent une conquête de Kharkiv pour l'instant improbable, la deuxième plus grande ville d'Ukraine continue à être la cible de frappes, comme il y a deux ans.

Les hommes et femmes qui ont fui les bombardements dans les localités du nord se retrouvent réfugiés à Kharkiv. Là aussi, le bruit des détonations peut déchirer le ciel à tout moment. L'armée russe n'est après tout plus qu'à quelques kilomètres.

L'armée de l'air russe est aussi très active. Leurs avions larguent régulièrement des bombes et à tout instant de la journée, un missile peut percuter un immeuble, en plein centre-ville. C'est encore arrivé mardi.

Un immeuble du centre ville de Kharkiv frappé par un missile russe mardi. [RTS - Maurine Mercier]
Un immeuble du centre-ville de Kharkiv frappé par un missile russe mardi. [RTS - Maurine Mercier]

La résilience au quotidien

Au pied d'un immeuble touché mardi, des petits cafés, un immense magasin de jouets et une salle de sport. Sur place, une femme explique en riant qu'elle avait pris un rendez-vous pour se faire masser à l'heure même où le missile est tombé, avant de l'annuler. Depuis, le salon de massage a repris du service, elle est donc revenue, comme si de rien n'était.

En entrant dans l'immeuble, les fissures sont visibles partout sur les murs. Il est difficile de savoir à quel point la structure du bâtiment a été fragilisée. Au rez-de-chaussée, le centre de beauté a également repris ses activités.

Yulia était sur place le jour de la frappe, en train d'effectuer une manucure lorsque l'alerte a retenti. Personne n'a toutefois eu le temps de s'abriter dans le parking avant l'explosion. Quarante-huit heures plus tard, elle est toutefois de retour au travail, souriante et positive. "Je sais que ce n'est pas normal, mais on doit bien trouver le moyen de continuer à vivre", juge-t-elle.

Yulia était sur place le jour de la frappe sur un immeuble du centre de Kharkiv, en train d'effectuer une manucure. Quarante-huit heures plus tard, elle est de nouveau au travail. [RTS - Maurine Mercier]
Yulia était sur place le jour de la frappe sur un immeuble du centre de Kharkiv, en train d'effectuer une manucure. Quarante-huit heures plus tard, elle est de nouveau au travail. [RTS - Maurine Mercier]

Quelques heures plus tard, à l'hôtel, le sol tremble encore. De nouvelles explosions. Dans les couloirs, les Ukrainiens et Ukrainiennes sortent un à un sur le pas de la porte. Ils allument des cigarettes pour se détendre. Un peu plus loin, on entend également des rires. C'est la résilience d'un peuple, après plus de deux ans de combats.

Reportage radio: Maurine Mercier

Adaptation web: Tristan Hertig

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