Alors que les troupes russes se rapprochent de Kharkiv, les habitants essaient de continuer à vivre
Il y a près d'une semaine, plusieurs dizaines de milliers de soldats de l'armée russe ont traversé la frontière au nord de Kharkiv. Depuis, les troupes avancent et grignotent du terrain: elles ne sont désormais plus qu'à une vingtaine de kilomètres.
Dans la ville de Kharkiv, des gens qui ont fui les zones de combat se réfugient désormais dans les écoles, vides depuis le début de l'invasion russe. Devant l'une d'entre elles, une femme âgée vient de s'effondrer, victime d'un malaise à cause du stress.
Au nord de la capitale administrative de la province, de nombreux villages ont été pris par les troupes russes. D'autres sont encore la proie d'intenses bombardements. Il faut donc procéder à des évacuations d'urgence.
Sergueï est l'un des volontaires qui fait des allers-retours entre ces localités et Kharkiv. Il y a deux jours, la voiture du jeune homme a été touchée lors d'une opération d'évacuation. Lui et son chauffeur ont eu énormément de chance, estime-t-il. Un éclat d'obus l'a percuté juste au niveau du coeur, mais son gilet par-balles lui a sauvé la vie.
"Dans ces zones, tout n'est que bombardements maintenant. Mais quand tu en sors, et que tu as pu réussir à sauver ces gens, tu respires comme jamais", témoigne-t-il.
Des zones occupées pour la seconde fois
A Kharkiv, beaucoup des réfugiés n'arrivent plus à parler pour décrire ce qu'ils ont vécu. Olena vient d'une ville plus au nord qui avait déjà été occupée par les Russes il y a deux ans, avant d'être reprise par les forces ukrainiennes.
Elle raconte que lors de la première occupation, il y avait eu des bombardements mais rien de comparable. Elle était d'ailleurs restée sur place en présence des Russes, s'estimant forcée de continuer à travailler pour toucher sa retraite. Mais cette fois-ci, le scénario est différent. Les bombardements ont été tellement violents qu'elle a décidé de fuir. Elle a pris avec elle sa mère et n'a aucune idée de ce qu'elles vont devenir. "Je ne sais pas ce qu'il restera. Je ne sais pas si on aura les moyens de rentrer un jour chez nous", explique-t-elle.
Ala, 65 ans, a également dû abandonner sa maison. Elle n'a d'ailleurs même pas eu le temps de la fermer à clé. Au milieu des pleurs, elle raconte que quand les bombes pleuvaient, elle priait pour qu'elles ne lui tombent pas dessus.
Kharkiv également frappée
Si les experts jugent une conquête de Kharkiv pour l'instant improbable, la deuxième plus grande ville d'Ukraine continue à être la cible de frappes, comme il y a deux ans.
Les hommes et femmes qui ont fui les bombardements dans les localités du nord se retrouvent réfugiés à Kharkiv. Là aussi, le bruit des détonations peut déchirer le ciel à tout moment. L'armée russe n'est après tout plus qu'à quelques kilomètres.
L'armée de l'air russe est aussi très active. Leurs avions larguent régulièrement des bombes et à tout instant de la journée, un missile peut percuter un immeuble, en plein centre-ville. C'est encore arrivé mardi.
La résilience au quotidien
Au pied d'un immeuble touché mardi, des petits cafés, un immense magasin de jouets et une salle de sport. Sur place, une femme explique en riant qu'elle avait pris un rendez-vous pour se faire masser à l'heure même où le missile est tombé, avant de l'annuler. Depuis, le salon de massage a repris du service, elle est donc revenue, comme si de rien n'était.
En entrant dans l'immeuble, les fissures sont visibles partout sur les murs. Il est difficile de savoir à quel point la structure du bâtiment a été fragilisée. Au rez-de-chaussée, le centre de beauté a également repris ses activités.
Yulia était sur place le jour de la frappe, en train d'effectuer une manucure lorsque l'alerte a retenti. Personne n'a toutefois eu le temps de s'abriter dans le parking avant l'explosion. Quarante-huit heures plus tard, elle est toutefois de retour au travail, souriante et positive. "Je sais que ce n'est pas normal, mais on doit bien trouver le moyen de continuer à vivre", juge-t-elle.
Quelques heures plus tard, à l'hôtel, le sol tremble encore. De nouvelles explosions. Dans les couloirs, les Ukrainiens et Ukrainiennes sortent un à un sur le pas de la porte. Ils allument des cigarettes pour se détendre. Un peu plus loin, on entend également des rires. C'est la résilience d'un peuple, après plus de deux ans de combats.
Reportage radio: Maurine Mercier
Adaptation web: Tristan Hertig