De gigantesques terminaux, des murs de containers, des grues, des hangars, des centaines de camions qui circulent sur des kilomètres: le port d'Anvers est un véritable dédale.
"Sept millions et demi de containers transitent chaque année par le port", indique Sarah van Cottem, responsable de la communication des douanes, vendredi dans l'émission Tout un monde. "Tous font l'objet d'une analyse de risques", précise-t-elle, "mais seulement 1,5% passent par les rayons d'un scanner et un plus petit nombre encore se font fouiller".
>> Lire aussi : Le port belge d'Anvers est devenu la plaque tournante de la drogue européenne
Scanner les containers à risque
"Nous avons du nouveau matériel. Le but est de scanner tous les containers à risque, ceux qui viennent d'Amérique latine ou d'Afrique de l'Ouest", précise la porte-parole. Les services de douanes espèrent contrôler 50'000 containers cette année, loin encore de leur objectif à long terme d'en contrôler 350'000.
Les douaniers auscultent par exemple des containers remplis de panneaux solaires, car ils ont trouvé récemment du cannabis caché dans ce type de livraison, indique Peter, un employé du port. "Il y a tellement de panneaux qui arrivent en Europe; les trafiquants pensent qu'ils peuvent facilement passer entre les mailles du filet", affirme-t-il.
Cocaïne dans des cargaisons de fruits frais
Les trafiquants cachent aussi de la drogue dans des cargaisons de manioc, de cacao, de bois de tek, de voitures, de vêtements, de charbon.... Mais ils choisissent souvent des livraisons de fruits frais, précise la douanière Florence Angelici. Deux raisons à cela: de nombreux fruits sont envoyés d'Amérique latine et il s'agit d'une denrée qui doit être livrée rapidement.
En 2023, la douane belge a saisi au total 116 tonnes de cocaïne. Cette année, les chiffres sont en baisse, mais la drogue continue d'arriver en Europe, car elle passe aussi par d'autres ports européens. Les autorités ont bien augmenté leurs contrôles, mais elles ne sont pas parvenues à enrayer la violence des trafiquants.
Bruxelles a connu une recrudescence de fusillades ces derniers mois. A Anvers, les conflits ont surtout lieu entre groupe de trafiquants, à la récupération de grosses quantités de marchandise. Et parfois cela tourne mal: en janvier 2023, une fillette a été tuée par une balle perdue.
Employés menacés ou corrompus
Il est très facile d'entrer le port, selon Paul Meyer, un ex-contrebandier et trafiquant de drogue néerlandais, qui travaille aujourd'hui dans l'import-export légal. "Il y a toujours des gens travaillant à l'intérieur qui sont prêts à donner des informations, à faire quelque chose ou à gagner de l'argent", selon lui.
Les sommes en jeu sont de 10'000, 20'000 ou 30'000 euros en échange du déplacement d'un container. Les autorités portuaires ont d'ailleurs publié des vidéos pour mettre en garde les dockers. Selon le douanier Bart Torrekens, des employés ont également été menacés et suivis jusque chez eux à la maison.
En Belgique, un grand nombre de trafiquants viennent des Pays-Bas. Certains sont d'origine marocaine - la Mocro Maffia - ou albanaise, dont les chefs habitent souvent Dubaï.
Davantage de moyens
Comment lutter contre le trafic dans le port? Investir dans des scanners ne suffit pas, estime Bart Torrekens, qui est aussi président de l'aile flamande de l'Union nationale du secteur public. Il faut des chiens et du personnel pour faire de la surveillance active dans le port, préconise-t-il. En plus des armes de services et des véhicules blindés.
"C'est une guerre perdue", estime de son côté Paul Meyer, "à moins de réunir tous les pays européens avec tous ceux qui peuvent faire quelque chose.... et de mettre beaucoup d'argent sur la table".
Sujet radio: Francesca Argiroffo
Adaptation web: Julie Liardet
Violente répression anti-drogue aux Philippines
Sous la présidence de Rodrigo Duterte, au pouvoir entre 2016 et 2022, des milliers de personnes soupçonnées de trafic ou de consommation de drogue ont été abattues par la police. Des milliers d’autres par des tueurs à gage. Interrogé fin octobre par le Sénat Philippin, Rordiguo Duterte dit assumer pleinement sa guerre contre la drogue.
Mais les experts remettent en cause l'efficacité de sa politique. "Il n’y a pas eu de baisse significative concernant la quantité de drogue arrivant dans le pays", souligne Joel Ariate, chercheur à l’Université de Manille, vendredi dans Tout un monde.
L'Uruguay, premier pays du monde à avoir légalisé un usage récréatif du cannabis
Les consommateurs qui s’inscrivent ont trois voies d’accès légales au cannabis en Uruguay: ils peuvent le cultiver chez eux, l’acheter en pharmacie ou alors dans des clubs dédiés. Un des objectifs affichés de la légalisation en 2013 était de lutter contre le crime organisé en lui retirant le marché du cannabis. Dix ans plus tard, force est de constater que cela n’a pas fonctionné, puisque les homicides ont augmenté de 40%.
Interrogé vendredi dans Tout un monde, Marcos Baudean, sociologue et membre de Monitor Cannabis, souligne toutefois que la régulation a eu des bénéfices en termes de sécurité, notamment pour les consommateurs.