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Après la victoire de Trump, la concentration des médias et l'influence du secteur privé inquiètent

Le milliardaire ultra-conservateur Elon Musk cristallise les inquiétudes autour des liens d'intérêt entre le secteur privé et le politique. [AFP - JIM WATSON]
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La campagne présidentielle américaine et l'issue du vote soulèvent, comme souvent, le rôle déterminant des médias, des réseaux sociaux mais aussi du secteur privé dans la politique. Si ces liens ne sont pas inédits, leur forme actuelle suscite de l'inquiétude pour la démocratie.

Professeure de droit public à l'Université Jean-Moulin de Lyon 3, Mathilde Philip-Gay s'est inquiétée mercredi matin, dans la foulée de la réélection de Donald Trump à la Maison Blanche, de l'affaiblissement du contre-pouvoir des médias traditionnels.

"Lors de la première élection de Donald Trump, et pendant tout son premier mandat, on se souvient que le New York Times et le Washington Post, entre autres, avaient joué un rôle de rempart démocratique assez important pour surveiller les fausses informations qu'il racontait tous les jours. Ils ont tenu un décompte absolument hallucinant", rappelle-t-elle.

"Donc la décision du patron du Washington Post (propriété de Jeff Bezos, ndlr) de ne pas se prononcer cette année m'inquiète un peu en termes de la capacité de ces médias à jouer ce rôle de rempart."

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"C'est clairement une conséquence de la privatisation, et du fait que la presse et les médias soient détenus par des milliardaires extrêmement proches du pouvoir", abonde Charlotte Recoquillon.

Elon Musk, une figure qui cristallise les inquiétudes

L'implication toute particulière d'Elon Musk dans la campagne de Donald Trump soulève aussi de nombreuses inquiétudes. Le propriétaire de X a disséminé beaucoup de désinformation, de contenus douteux et contestables sur son réseau social en faveur du républicain. Durant son discours de victoire, Donald Trump a d'ailleurs évoqué pendant plusieurs minutes le milliardaire ultra-conservateur.

"On peut s'interroger sur le rôle qu'il pourrait jouer à l'avenir", note Mathilde Philip-Gay. "Elon Musk, c'est plusieurs projets qui nécessitent des autorisations fédérales, notamment SpaceX ou encore un projet de puce implantée dans le cerveau. Donc c'est quelqu'un qui dépend de l'autorité fédérale pour ses affaires, et qui est en situation très claire de conflit d'intérêt."

"Retour vers le futur"

Le cas d'Elon Musk pose plus largement la question du pouvoir immense du secteur privé sur la politique, alors que la perméabilité et l'opacité entre ces deux mondes ont rarement semblé aussi grande. "Ça raconte l'interpénétration très forte des intérêts privés et du gouvernement, qui obéit finalement plus aux intérêts privés qu'à l'intérêt général", commente Charlotte Recoquillon.

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Membre associé à l'Observatoire sur les États-Unis et professeur agrégé de sciences politiques de l'Université de Buffalo, Antoine Yoshinaka tempère pour sa part l'exceptionnalité de la situation: "Au 19ᵉ siècle, les grandes corporations étaient les grands financiers des partis. Ça fait longtemps qu'il y a un lien bien connu entre l'argent et la politique, un lien que les progressistes au début du 20ᵉ siècle ont tenté de démanteler", rappelle-t-il.

"Ce qu'on voit aujourd'hui, surtout à la suite de certaines décisions prises par la Cour suprême dans les quinze dernières années, c'est qu'il est excessivement difficile de limiter l'influence que peuvent avoir les personnes comme Elon Musk, mais aussi les grandes corporations", constate le politologue.

"Donc c'est un peu un retour vers le futur, si vous voulez", poursuit-il. "Mais il est clair que Donald Trump a bénéficié, du moins cette année, du soutien de certaines grandes corporations et de grands médias."

Pierrik Jordan

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