Modifié

Après leur défaite électorale, les démocrates doivent apprendre de leurs erreurs et se réinventer

Aux Etats-Unis, après leur cuisante défaite aux dernières élections, l'heure est à l'introspection pour les démocrates. [Keystone - Susan Walsh - AP Photo]
Quel avenir pour le parti démocrate aux Etats-Unis? Interview de Suzi LeVine / Tout un monde / 13 min. / hier à 08:13
Aux Etats-Unis, après leur cuisante défaite aux dernières élections, l'heure est à l'introspection pour les démocrates. Selon l'ancienne ambassadrice des Etats-Unis en Suisse Suzi LeVine, pour assurer leur avenir "les démocrates doivent absolument examiner en profondeur ce qu'il vient de se passer".

Invitée dans l'émission Tout un monde, Suzi LeVine dit pouvoir déjà tirer quelques conclusions de la défaite de la candidate démocrate Kamala Harris à l'élection présidentielle.

"La première, c'est que Harris n'a pas eu assez de temps pour se définir. Elle a eu 110 jours seulement pour le faire à partir du moment où elle est devenue candidate", affirme la diplomate, qui était elle-même membre du comité de financement de la campagne de Kamala Harris. "Une autre théorie, c'est que l'absence de primaires ne lui a pas permis de développer une approche nationale, par opposition à une approche basée uniquement sur les Etats pivots".

>> Lire aussi : Economie, bilan démocrate, guerres: quelques pistes pour comprendre la défaite de Kamala Harris

Victoire de l'abstention

Le Parti démocrate a également souffert de l'abstentionnisme, estime l'ancienne ambassadrice des Etats-Unis en Suisse. Les résultats des élections montrent en effet que Kamala Harris a reçu moins de vote que Joe Biden en 2020, obtenant un score similaire à celui d'Hillary Clinton en 2016 et Barack Obama en 2012, souligne Suzi LeVine.

"Le véritable vainqueur de cette élection, c'est le canapé. Les gens qui sont restés chez eux ont été le plus grand obstacle pour les démocrates", dit-elle. "Ce qui me marque, ce sont les tentatives de suppression du vote qu'on a vu à la fois sur le plan légal, avec des lois visant à compliquer l'accès au vote et aussi sur le plan psychologique, en diminuant l'attrait des élections".

Comment faire comprendre aux gens l'effet direct des politiques sur lesquels ils votent? Les démocrates devront trouver un moyen de relever ce défi

Suzi LeVine, ancienne ambassadrice des Etats-Unis en Suisse

Latence des mesures

Selon Suzi LeVine, un grand nombre d'Américaines et d'Américains considèrent que voter ne changera rien à leur situation. Alors que le coût de la vie augmente, la population réclame des changements, mais n'a pas vu d'amélioration sous la présidence Biden.

Or, l'ancienne ambassadrice rappelle que la mise en œuvre d'une politique met plusieurs années à produire ses effets. "Et entre-temps, le président a changé", ajoute-t-elle.

"Pendant cette campagne, Barack Obama a beaucoup insisté sur le fait que la reprise économique qu'il avait lui-même amorcée a largement bénéficié au premier mandat de Trump", poursuit Suzi LeVine. "Ensuite, Biden a beaucoup souffert de la destruction fiscale et économique que Trump avait générée. Et maintenant, Trump va bénéficier des politiques mises en place par Biden".

>> Lire aussi : Vers un rebond économique avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche?

L'un des défis majeurs auquel les démocrates devront faire face sera donc d'attirer l'attention des électeurs sur le temps de latence des mesures prises par un gouvernement, estime Suzi LeVine. "Comment faire comprendre aux gens l'effet direct des politiques sur lesquels ils votent? Les démocrates devront trouver un moyen de relever ce défi", déclare-t-elle.

Redéfinir le parti

Le Parti démocrate, très hétérogène, doit par ailleurs se redéfinir et déterminer quelles sont ses valeurs. "Nous avons pu étendre le périmètre du Parti démocrate. Nous avons sous le même toit à la fois Bernie Sanders et Dick Cheney. C'est fou!", déclare Suzi LeVine. "Si cette situation dure, il faudra identifier tout ce qu'il y a en commun, hiérarchiser les priorités et procéder à des réalignements".

Peu importe qui sera nominé par les démocrates pour la présidentielle de 2028, cette personne sera forcément un candidat du changement"

Suzi LeVine

Cette diversité au sein du parti est à double tranchant, note Suzi LeVine. En cherchant à courtiser les républicains opposés à Donald Trump lors de sa campagne, Kamala Harris s'est par exemple aliéné une partie de son électorat de gauche.

Les démocrates devront donc parvenir à se présenter comme une alternative crédible "pour s'opposer à Donald Trump et à sa politique". "Peu importe qui sera nominé par les démocrates pour la présidentielle de 2028, cette personne sera forcément un candidat du changement", affirme Suzi LeVine.

"Trumpnésie"

Si le parti "a beaucoup de chose à revoir", notamment concernant la manière d'atteindre les gens, Suzi LeVine reste optimiste pour son avenir. "Nous avons des leaders extraordinaires dans tout le pays et d'autres qui viennent de la nouvelle génération", se réjouit-elle.

Selon elle, la population américaine souffre de "Trumpnésie". "Les gens oublient à quel point Trump était horrible", affirme-t-elle. Toutefois, elle se dit persuadée que le futur président ne perdra pas de temps pour mettre en place le "Projet 2025", dont les effets se ressentiront immédiatement. "Les démocrates pourront donc s'appuyer là-dessus pour les prochaines élections".

Suzi LeVine précise encore que puisque les républicains disposeront "du tiercé, avec la Chambre, le Sénat et la présidence", ils seront "entièrement responsables des effets de toutes les décisions, de toutes les lois et de tous les ordres exécutifs".

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Emilie Délétroz

Publié Modifié