Attaque à Moscou: "Ceux qui sont derrière ces terroristes seront punis", déclare Vladimir Poutine
Le directeur des services de sécurité russes (FSB) a "informé" le président Vladimir Poutine de "l'arrestation de 11 personnes, dont quatre terroristes impliqués dans l'attentat", a indiqué le Kremlin dans un communiqué.
"Ils se dirigeaient vers l'Ukraine où, selon des données préliminaires (des enquêteurs), une 'fenêtre' avait été préparée pour qu'ils franchissent la frontière", a accusé le président russe dans une déclaration, avant d'assurer que "ceux qui sont derrière ces terroristes seront punis" et qu'ils "n'auront pas un destin enviable".
Les autorités n'ont avancé aucune preuve de ces liens supposés, dont la nature n'a pas été précisée, l'Ukraine ayant de son côté nié toute implication dès vendredi. Interrogé samedi dans le 12h30, le politologue Frédéric Esposito souligne qu'il faut faire preuve "d'une très grande vigilance par rapport à cette information dans un contexte de conflit entre la Russie et l'Ukraine, où toute manipulation politique est particulièrement tentante".
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Le groupe Etat islamique (EI) avait de son côté affirmé que le commando avait "regagné sa base en toute sécurité"
"Jour de deuil national", déclare Vladimir Poutine
Les autorités russes n'ont pas commenté la revendication de l'EI. Le président russe Vladimir Poutine a assuré samedi que "tous les quatre auteurs" de l'attaque avaient été arrêtés. "J'exprime mes plus sincères condoléances à ceux qui ont perdu leurs proches (...) Je déclare le 24 mars jour de deuil national", a déclaré le chef d'Etat, en fustigeant un "massacre sanglant".
Le bilan s'est alourdi samedi à 133 morts et "les opérations de recherches se poursuivent", a annoncé le Comité d'enquête russe. "Les sauveteurs travaillent 24 heures sur 24 sur le site (...) Le travail se poursuivra pendant encore, au minimum, quelques jours", a écrit sur Telegram le gouverneur de la région de Moscou, Andreï Vorobiov.
Les autorités russes n'ont identifié à l'heure actuelle que 29 personnes, a indiqué samedi le ministère des Situations d'urgence.
Selon les premiers éléments de l'enquête, les causes de ces décès sont des "blessures par balle" et l'inhalation de fumée d'incendie, a indiqué le Comité d'enquête.
Le groupe EI n'avait jamais revendiqué une attaque de cette ampleur
Le groupe EI, que la Russie combat en Syrie et qui est actif aussi dans le Caucase russe, a déjà commis des attentats sur le sol russe depuis la fin des années 2010. Mais le groupe n'avait jamais revendiqué une attaque d'une telle ampleur dans le pays. Sa branche afghane, le groupe Etat islamique au Khorasan (EI-K), est la première suspecte pour les experts du terrorisme mondial (Voir encadré).
Une piste qui paraît "plausible" pour Frédéric Esposito. "Il faut rappeler, dans les raisons qui ont peut-être amené cet attentat, l'engagement de la Russie en Syrie et la volonté de Vladimir Poutine de bâtir une coalition anti-Etat islamique. Il y a aussi eu les guerres de Tchétchénie qui avaient impliqué un fort engagement de la Russie contre les indépendantistes et des groupes islamistes", explique-t-il encore dans le 12h30.
"Nous avons entendu plusieurs rafales"
Cet assaut, dont les médias russes ont commencé à faire état vers 20h15 à Moscou (18h15 heure suisse), a été mené par plusieurs individus armés au Crocus City Hall, une salle de concert située à Krasnogorsk, à la sortie nord-ouest de la capitale russe.
"Juste avant le début, nous avons tout d'un coup entendu plusieurs rafales de mitraillette et un terrible cri de femme. Puis beaucoup de cris", a raconté à l'AFP Alexeï, un producteur de musique qui se trouvait en loges au moment de l'attaque.
Des dizaines de Russes ont afflué dès l'aube samedi vers des centres de dons du sang à Moscou, encore sous le "choc" après l'attaque.
Sous un ciel gris et malgré la pluie, ils étaient environ 150 à attendre leur tour en pleine rue devant un centre spécialisé dans le nord-ouest de Moscou. Ils sont venus en signe de solidarité et à l'appel des autorités, même si celles-ci ont dit ne pas manquer de sang dans l'immédiat.
nr/jfe avec les agences
La filiale afghane de l'EI, suspect numéro un des attentats
Le groupe Etat islamique (EI) a revendiqué l'attaque meurtrière de Moscou vendredi sans autre précision sur ses auteurs, mais sa branche afghane, le groupe Etat islamique au Khorasan (EI-K) - branche la plus tournée vers l'international -, est la première suspecte pour les experts du terrorisme mondial.
"C'est une piste qui paraît effectivement plausible", estime le politologue Frédéric Esposito, interrogé samedi dans le 12h30. Selon lui, les raisons qui ont peut-être amené à cet attentat doivent être connectées avec l'engagement de la Russie en Syrie et également avec les guerres de Tchétchénie "qui avaient impliqué un fort engagement de la Russie contre les indépendantistes tchétchènes et des groupes islamistes".
Selon Hans-Jakob Schindler, directeur de l'ONG Counter Extremism project (CEP) et ancien expert des Nations unies sur le terrorisme, l'EI-K a été créé en Afghanistan par des émissaires de l'EI venus d'Irak et de Syrie. "Ils ont des liens très étroits avec la centrale, bien plus que les autres filiales" du groupe dans le monde, assure-t-il à l'AFP, et obtiennent les fonds dont ils ont besoin.
Dans le viseur des polices européennes
L'EI-K est depuis longtemps dans le viseur des polices et services de renseignement occidentaux mais aussi russes. Mais plusieurs réseaux avaient été démantelés auparavant en Europe, notamment un premier réseau russo-tadjik en Allemagne en 2020. D'autres avaient subi le même sort en 2022 et 2023.
Le 7 mars dernier, les autorités russes avaient affirmé avoir tué des membres présumés de l'EI-K lors d'une opération dans la région de Kalouga, au sud-ouest de Moscou, les accusant d'avoir préparé un attentat contre une synagogue de la capitale.
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La Russie est devenue une cible privilégiée de l'EI-K, qui l'a notamment critiquée pour son invasion de l'Ukraine et ses interventions militaires en Afrique et en Syrie, explique Lucas Webber, cofondateur du site spécialisé Militant Wire.
Il rappelle l'attentat-suicide contre l'ambassade de Russie en Afghanistan en 2022 et souligne que le groupe "travaille à son expansion à travers l'Asie centrale et la Russie", avec même "un média en langue russe pour renforcer ses soutiens et inciter à la violence dans le pays".
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"Moscou? Un gros symbole"
Hans-Jakob Schindler souligne pour sa part que Moscou, préoccupée par sa guerre en Ukraine, est une cible de choix. "C'est un gros symbole", estime-t-il, notant qu'une attaque telle que celle perpétrée vendredi n'est ni très chère, ni très complexe à organiser.
L'EI "travaille depuis 2019 pour rétablir une unité institutionnelle en charge des opérations extérieures. D'abord en Turquie puis en Afghanistan avec des acteurs venus d'Asie centrale", ajoute-t-il.
"Il semble qu'ils y parviennent. Avec l'Afghanistan et l'Asie centrale comme plateforme pour frapper la Russie et l'Asie et la Turquie comme portail vers l'Europe".
Le groupe EI diffuse une vidéo de l'attaque
Une vidéo apparemment tournée par les assaillants de la salle de concert près de Moscou a été diffusée sur des comptes de réseaux sociaux utilisés par le groupe EI.
Cette vidéo, repérée par le groupe Site, spécialisé dans la recherche antiterroriste, dure une minute et 31 secondes. Elle montre plusieurs individus aux visages floutés et aux voix brouillées, armés de fusils d'assaut et de couteaux, dans ce qui semble être le hall de la salle de concert Crocus City Hall de Krasnogorsk.
Les assaillants tirent plusieurs rafales, de nombreux corps inertes jonchent le sol et on aperçoit un début d'incendie en arrière-plan. Cette vidéo est apparue sur un compte Telegram considéré, selon Site, comme appartenant à Amaq, l'organe de communication du groupe EI.