Le suspect saoudien de l'attentat sur un marché de Noël en voulait à la politique d'asile allemande
Les autorités allemandes ont commencé samedi à lever un coin de voile sur les motivations, encore confuses, de l'auteur présumé de ce que le chancelier Olaf Scholz a qualifié d'"acte terrible" et "fou" en se recueillant dans la ville traumatisée de Magdebourg.
Le dernier bilan de la course folle du véhicule BMW renversant sur 400 m la foule du marché de Noël, n'est encore que provisoire. Parmi les blessés, une quarantaine le sont très grièvement, au point qu'il y a lieu "de s'inquiéter" pour eux, a dit le dirigeant.
"Mécontentement" sur la politique d'asile
"Il semble que le crime pourrait avoir comme arrière-plan un mécontentement à l'égard de la manière dont les réfugiés d'Arabie saoudite sont traités en Allemagne", a déclaré à la presse le procureur local Horst Walter Nopens.
En parallèle, la ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faeser, a qualifié le suspect, un médecin saoudien de 50 ans réfugié lui-même en Allemagne depuis 2006 et arrêté vendredi soir sur les lieux du drame dans sa voiture, d'"islamophobe", au vu de ses prises de position publiques.
La police a anoncé dans la nuit de samedi à dimanche qu'un mandat d'arrêt a été émis à l'encontre de l'auteur présumé de l'attaque. Le suspect est placé en détention provisoire et a été présenté devant un juge samedi soir.
Un "athée"
L'homme, qui exerce comme psychiatre dans la région, s'était présenté dans une interview à l'AFP en 2022 comme "athée", ce qui l'avait conduit à fuir son pays où il affirmait avoir été "menacé de mort pour apostasie de l'islam".
Il avait évolué ces dernières années sur les réseaux sociaux vers un discours radical, mâtiné de complotisme, ne cachant pas ses sympathies pour les thèses de l'extrême droite contre l'immigration musulmane.
En substance, il reprochait aux autorités allemandes de ne pas assez protéger les Saoudiens fuyant leur pays pour des raisons religieuses ou politiques, et de se montrer à l'inverse généreuses à l'égard de réfugiés musulmans venus du Moyen-Orient.
En août dernier, il écrivait sur son compte X: "Existe-t-il une voie vers la justice en Allemagne sans faire exploser une ambassade allemande ou égorger au hasard des citoyens allemands? Je cherche cette voie pacifique depuis janvier 2019 et je ne l'ai pas trouvée".
Venu samedi à Magdebourg dans l'est du pays pour réconforter les habitants, Olaf Scholz a lancé un appel à la cohésion nationale, promettant "d'agir contre ceux qui veulent semer la haine".
Polémique politique
Il a appelé les Allemands à se "serrer les coudes", alors que l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) s'est déjà saisie de l'attaque pour dénoncer l'accueil de centaines de milliers de réfugiés dans le pays ces dernières années.
Huit ans après Berlin
L'attaque est survenue huit ans presque jour pour jour après un acte similaire commis sur un marché de Noël de Berlin, alors que l'Allemagne, en pleine campagne électorale, est en état d'alerte contre le risque d'attentats.
Pour les autorités, la date n'est pas une coïncidence et a été choisie à dessein. Mais personne n'en a tiré immédiatement la conclusion qu'il s'agit, comme à Berlin en 2016, d'un attentat islamiste. Car le profil de l'auteur présumé, présenté dans les médias allemands comme Taleb A., arrêté à bord de la voiture bélier intrigue.
fgn avec les agences
Les Saoudiens avaient demandé l'extradition de l'auteur
L'Arabie saoudite avait mis en garde l'Allemagne contre l'auteur présumé de l'attaque à la voiture-bélier sur le marché de Noël de Magdebourg, perpétrée vendredi, a appris l'agence de presse allemande DPA auprès de sources de sécurité saoudienne. Le pays avait demandé l'extradition du suspect, d'origine saoudienne.
Selon ces sources, l'Allemagne n'a pas répondu à la demande d'extradition.
Selon les informations de DPA, les autorités allemandes ont été alertées au sujet de cet homme il y a un an, mais la teneur de l'avertissement n'est pas connue.
Récupération politique
Le responsable du parti-social démocrate, Dirk Wiese, a mis en garde samedi contre toute conclusion hâtive concernant le profil de l'auteur présumé de l'attaque.
"Il semble que les choses soient ici différentes de ce que l'on supposait au départ", a-t-il déclaré au quotidien Rheinische Post, soulignant que le profil du suspect le désigne plutôt comme un sympathisant du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) ou d'Elon Musk.
L'extrême droite allemande ne s'en est pas moins saisie de cette affaire à l'approche des élections législatives allemandes anticipées du 23 février, où la question de l'immigration jouera un rôle important, après plusieurs attentats commis ces derniers mois par des étrangers. "Quand cette folie prendra-t-elle fin?", a écrit sur le réseau X la co-présidente de l'AfD Alice Weidel, dont le parti est crédité de la seconde place dans les sondages à près de 20%.
La formation se place derrière les conservateurs, qui réclament eux aussi un tour de vis sur l'accueil des réfugiés, mais devant les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz. Pour Fael Kelion il n'y a guère de doute. "Je pense que vu que (le suspect) est un étranger, la population sera mécontente, moins accueillante", lance-t-il.