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Attentats de 2019 au Sri Lanka: "Cinq ans plus tard, nous sommes toujours au même stade"

Cinq ans après les attentats suicides de Colombo, au Sri Lanka, la justice est toujours réclamée pour les victimes. [KEYSTONE - CHAMILA KARUNARATHNE]
Cinquième anniversaire des attentats suicides sans prédédent au Sri Lanka tuant deux Suisses / La Matinale / 2 min. / le 22 avril 2024
Les Nations unies ont appelé dimanche le Sri Lanka à remédier à son "déficit de responsabilité" et à garantir la justice, alors que le pays commémore le massacre il y a cinq ans jour pour jour de 279 personnes, dans la série d'attaques terroristes la plus meurtrière de l'histoire de l'île.

Une "enquête approfondie et transparente" doit être menée pour découvrir les responsables des attaques du dimanche de Pâques 2019, qui avaient fait aussi plus de 500 blessés, a déclaré Marc-André Franche, coordinateur de l'ONU dans le pays lors d'une cérémonie commémorative à Colombo.

Trois églises et trois hôtels avaient été ciblés par des attentats-suicides, attribués à un groupe djihadiste local revendiquant son affiliation au groupe Etat islamique.

Parmi les victimes, 45 étrangers ont été tués - dont deux Suisses - en particulier des touristes qui visitaient l'île, dix ans après la fin d'un conflit ethnique brutal qui avait fait plus de 100'000 morts depuis 1972.

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Une enquête indépendante réclamée

"Le Sri Lanka souffre d'un déficit persistant en matière de responsabilité, que ce soit pour des crimes de guerre présumés, des violations plus récentes des droits de l'Homme, la corruption ou l'abus de pouvoir, et ce déficit doit être comblé si le pays veut aller de l'avant", a déclaré Marc-André Franche.

Il a souligné que les victimes cherchaient toujours à obtenir justice, alors que la Cour suprême du pays a déclaré l'ancien président Maithripala Sirisena et ses hauts fonctionnaires responsables de ne pas avoir empêché l'attaque.

Le bureau des droits de l'Homme des Nations unies a demandé à Colombo de publier les conclusions complètes des enquêtes précédentes sur ces attentats et de mettre en place une commission d'enquête indépendante, a-t-il noté.

L'Église catholique du Sri Lanka a affirmé de son côté que des officiers du renseignement militaire étaient en relation avec les extrémistes qui ont perpétré l'attentat qui a favorisé les ambitions politiques de Gotabaya Rajapaksa.

Quelques mois plus tard, cet ancien officier de l'armée, qui avait fait campagne sur la sécurité, était élu à la présidence.

>> Lire : Le bilan des attentats au Sri Lanka ramené à 253 morts au lieu de 359

Preuves supprimées?

Dimanche, le chef de l'église catholique au Sri Lanka, le cardinal Malcolm Ranjith, a accusé le gouvernement de supprimer les preuves et protéger ceux qui étaient derrière les djihadistes.

"Il est clair que ce sont les extrémistes islamistes qui ont mené l'attaque, mais il y avait d'autre forces derrière elles", a-t-il déclaré. Et des milliers de catholiques ont participé dimanche à une manifestation silencieuse pour exiger une enquête.

Un procès qui s'éternise

Des preuves présentées dans le cadre d'une procédure civile engagée peu après les attentats ont montré que les services de renseignement indiens avaient prévenu Colombo des attentats 17 jours plus tôt, mais que les autorités n'avaient pas agi.

Le président de l'époque Maithripala Sirisena et ses collaborateurs ont été condamnés à verser 310 millions de roupies (environ 910'000 francs) d'indemnités aux victimes et à leurs proches. Mais la décision n'a pas encore été pleinement appliquée, car Maithripala Sirisena a fait appel.

Avocat de plusieurs victimes, Suren Perera estime dans un reportage de La Matinale que cette condamnation n'est pas suffisante: "Cinq ans plus tard, nous sommes toujours au même stade. Le procès a été retardé. Qui dit justice retardée, dit justice niée. Je ne vois pas de réponses dans un futur proche, c'est très frustrant."

Le 21 avril 2019, Malaka Shalindi a perdu son père dans l'attaque de l'église Saint-Antoine, dont les cloches ont retenti dimanche en souvenir de cette heure tragique. "Même si cinq ans ont passé, penser qu'il n'est plus là me dévaste toujours autant. C'est pathétique de savoir que la justice n'a toujours pas fait son travail. La seule chose que je sais, c'est qu'on a perdu notre père", confie-t-elle à la RTS.

Reportage radio: Adrien Krause

Texte: jfe avec agences

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