Au Burkina Faso, le régime militaire s'offre cinq ans de plus au pouvoir

Le leader de la junte burkinabée Ibrahim Traoré lors d'une rencontre avec Vladimir Poutine le 29 juillet 2023 à St-Petersbourg. [AFP - Alexeï Danichev]
La junte militaire pourra rester cinq ans de plus au pouvoir au Burkina Faso / Le Journal horaire / 26 sec. / le 25 mai 2024
Le Burkina Faso a adopté samedi une charte permettant au régime militaire du capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir en septembre 2022 grâce à un coup d'Etat, de rester cinq ans de plus à la tête du pays.

"La durée de la transition est fixée à 60 mois à compter du 2 juillet 2024", a indiqué le colonel Moussa Diallo, président du comité d'organisation d'assises nationales organisées à Ouagadougou. Selon l'article 22 de cette charte, des élections peuvent toutefois être organisées "avant cette échéance si la situation sécuritaire le permet". Signée samedi soir par le principal intéressé, elle entre immédiatement en vigueur.

Ibrahim Traoré, dont le statut passe de "président de transition" à "président du Faso", pourra par ailleurs se présenter aux "élections présidentielles, législatives et municipales" qui doivent être organisées à l'issue de cette période, a poursuivi le colonel Diallo.

Assises boycottées par les partis traditionnels

Initialement prévues pour s'achever dimanche, ces assises nationales ont rassemblé samedi des représentants de la société civile, des forces de défense et de sécurité ou encore des députés de l'assemblée de transition. La plupart des partis politiques traditionnels ont boycotté l'évènement.

Le Burkina Faso, en proie à des violences djihadistes récurrentes qui ont fait des milliers de morts depuis près de dix ans, a connu deux coups d'Etat militaires en 2022. Le premier, en janvier, avait porté le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba au pouvoir, avant d'être lui-même renversé en septembre de la même année par le capitaine Traoré.

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Dans la foulée, une charte avait été adoptée lors de premières assises nationales ayant mis en place un président, un gouvernement et une assemblée législative de transition (ALT), fixant initialement la durée de transition à 21 mois. Cette transition devait donc s'achever le 1er juillet 2024, mais à plusieurs reprises, Ibrahim Traoré a évoqué la difficulté de tenir des élections au vu du contexte sécuritaire dans le pays.

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Le "patriotisme" érigé comme critère

Dans la nouvelle charte signée samedi, les "quotas" qui étaient alloués aux partis politiques issus notamment de l'ex-majorité et opposition pour les postes de députés de l'assemblée législative de transition ont été supprimés. 12 postes sur 71 restent alloués aux partis politiques, mais sans attribution spécifique à une formation en particulier. Le "patriotisme" est érigé comme critère pour siéger à cette assemblée ou au gouvernement.

Une nouvelle instance baptisée "Korag", dont la composition et le fonctionnement sont à la discrétion du chef de l'Etat, est en outre créée pour "suivre et contrôler la mise en oeuvre de la vision stratégique du pays dans tous les domaines et par tous les moyens", précise la charte.

"Vous venez de réécrire une nouvelle page de l'Histoire de notre pays", s'est félicité le ministre de l'Administration territoriale Emile Zerbo, qui avait ouvert les assises samedi matin.

afp/vic

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Exactions de l'armée, censure politique et montée du djihadisme

Le régime de Ouagadougou affirme régulièrement obtenir des succès militaires contre les groupes djihadistes qui ensanglantent une grande partie de son territoire, mais les attaques meurtrières se poursuivent. Des ONG comme Human Rights Watch ont aussi alerté sur des exactions commises par l'armée contre des civils, ce que Ouagadougou réfute.

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Le régime militaire d'Ibrahim Traoré Traoré est également accusé par des organisations de la société civile de réduire au silence les voix critiques du régime. Ces derniers mois, plusieurs personnalités ont été arrêtées, kidnappées ou envoyées au front pour combattre contre les djihadistes.

Rapprochement avec la Russie

Depuis le putsch de septembre 2022, le Burkina Faso a en outre choisi de diversifier ses partenariats internationaux. Il a d'abord tourné le dos à la France, ancienne puissance coloniale, en exigeant le départ des soldats déployés sur son sol début 2023 et en expulsant des diplomates. De nombreux médias français ont aussi été suspendus et aucun média français n'était accrédité aux assises de samedi.

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Parallèlement le régime s'est rapproché de la Russie, mais aussi de l'Iran et de la Turquie et de ses deux voisins, le Niger et le Mali, également gouvernés par des militaires arrivés au pouvoir par des coups d'Etat et eux aussi confrontés à des violences djihadistes.

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Au Burkina, ces attaques qui frappent le pays depuis près de dix ans et qui sont attribuées à des mouvements armés affiliés à Al-Qaïda et à Daech ont fait plus de 20'000 morts et deux millions de déplacés.