La façade d'un petit immeuble dans la banlieue de Beyrouth a été partiellement soufflée par l'explosion. Le 2 janvier, une frappe attribuée à l'armée israélienne a tué Saleh Al-Arouri, un haut responsable du Hamas, alors qu’il se trouvait dans un quartier du sud de Beyrouth, un bastion de son allié, le Hezbollah libanais. C'est la première fois que les abords de la capitale du Liban sont visés depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël.
Depuis le 8 octobre, le lendemain des attaques et massacres commis par le Hamas dans des localités et kibboutz israéliens, le Hezbollah revendiquait des frappes en soutien au groupe palestinien, dans la zone frontalière entre le Liban et Israël. Depuis, les échanges de tirs sont réguliers et menacent d'entraîner le Liban dans la guerre.
Le soutien du Hezbollah au Hamas
Les liens entre le Hezbollah et le Hamas ne sont pas nouveaux et ont permis au Hamas de se renforcer, estime Daniel Meier, spécialiste du Liban à l’Université de Genève et à Sciences Po Grenoble, dans l'émission Géopolitis: "Il y a une collaboration qui s'est élaborée au fil des années, depuis la nouvelle direction du Hamas qui est apparue en 2017 avec Yahya Sinouar et l'arrivée au Liban de Saleh Al-Arouri, l'organisateur en quelque sorte de la branche militaire, qui a dès 2018 commencé à tisser des liens beaucoup plus sérieux avec le Hezbollah. Et ainsi, [le Hamas] a commencé à monter en quelque sorte en puissance."
"Au Liban, on parle aujourd'hui même d'un millier de combattants du Hamas et un arsenal à disposition qui est celui du Hezbollah, évidemment sous le contrôle du Hezbollah", souligne Daniel Meier. Selon certains analystes, le Hezbollah serait le groupe non étatique le plus lourdement armé au monde.
Un Etat dans l'Etat
Le Hezbollah est très influent au Liban, surtout dans certains quartiers de Beyrouth ou dans le sud du pays. Le mouvement, dont le nom signifie "Parti de Dieu", est né au sein de la communauté chiite libanaise, pendant la guerre civile qui a duré de 1975 à 1990. Le Hezbollah est aujourd'hui dirigé par Hassan Nasrallah. Il est formé d’une branche politique, représentée au Parlement libanais depuis 1992, et d'une branche militaire, qui compterait approximativement 20’000 combattants et 20’000 réservistes. Il disposerait également de quelque 130'000 roquettes et missiles. De nombreux pays considèrent le Hezbollah ou sa branche militaire comme des organisations terroristes.
Le mouvement est également un acteur social important au Liban, parfois qualifié d’"Etat dans l’Etat", qui distribue des aides et fournit des services médicaux. "C'est une authentique machine de combat qui est aussi une machine sociale, puisqu'il y a tout un service social qui s'occupe de la communauté chiite", souligne Daniel Meier. Le chercheur estime que globalement, le Hezbollah a "acquis en quelque sorte une puissance qu'il n'avait peut-être pas il y a encore une quinzaine d'années et aussi une force de conviction politique qui est entre autres liée à son idéologie, l'idéologie "khoméiniste" du chiisme iranien, et qui aujourd'hui constitue un élément de mobilisation tout à fait important".
Netanyahu est probablement aujourd'hui quelqu'un qui est un peu en bout de course politique et qui aurait finalement tout intérêt à ce qu'une nouvelle guerre éclate avec le Liban.
Le Hezbollah est soutenu dès l’origine par la République islamique d’Iran, majoritairement chiite. Ces dernières années, Téhéran aurait financé le Hezbollah à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars par an, selon les Etats-Unis. L'Iran finance aussi le Hamas, qui fait partie, tout comme le Hezbollah, de "l'axe de la résistance" que l'Iran entend former avec plusieurs groupes armés, notamment les Houthis au Yémen qui ciblent depuis plusieurs semaines des navires en mer Rouge.
Vers la guerre?
Dans ce contexte très tendu et alors que le Liban traverse une profonde crise politique et économique, le Hezbollah semble pour le moment vouloir éviter une confrontation de grande ampleur avec Israël.
Daniel Meier s'inquiète en revanche d'une certaine fuite en avant, selon lui, du Premier ministre israélien: "Netanyahu est probablement aujourd'hui quelqu'un qui est un peu en bout de course politique et qui aurait finalement tout intérêt à ce qu'une nouvelle guerre éclate avec le Liban."
Le dernier conflit entre le Hezbollah et Israël, en 2006, avait fait 1200 victimes côté libanais, 160 côté israélien. Plus d'un million de personnes avaient été forcées de fuir les zones de combat.
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Elsa Anghinolfi