Au fil de la semaine, les manifestations qui ont commencé début juillet pour exiger la fin du système de quotas dans la fonction publique ont dégénéré en heurts de plus en plus violents, faisant au moins 50 morts, dont 32 pour la seule journée de jeudi. Un journaliste figure parmi les victimes.
La police est à l'origine de plus des deux tiers des décès recensés, selon des informations obtenues par l'AFP auprès de sources hospitalières. Plus de 700 personnes ont aussi été blessées jeudi, dont 104 policiers et 30 journalistes.
Des bâtiments du gouvernement incendiés
Des affrontements se sont déroulés dans près de la moitié des 64 districts que compte le pays et dans toutes les grandes villes. La police anti-émeute a notamment chargé les manifestants, qui avaient dressé des barrages humains sur des routes et les autoroutes. En plusieurs endroits, les protestataires ont riposté contre les agents qui ont été débordés.
Plusieurs bâtiments gouvernementaux ont été incendiés durant cette vague de violence, ainsi qu'une cinquantaine de postes de police. Le siège de la télévision d'Etat BTV dans la capitale Dacca a aussi été pris d'assaut par des centaines d'étudiants qui y ont mis le feu.
Des tirs policiers en cause
La Première ministre Sheikh Hasina a condamné le "meurtre" de manifestants dans un discours télévisé et a promis que les responsables seraient punis quelle que soit leur couleur politique.
Mais cela n'a pas suffi. La violence n'a cessé d'augmenter, la police ouvrant le feu sur des manifestants de plus en plus déterminés avec des balles en caoutchouc et d'autres munitions.
"Nous exigeons d'abord que la Première ministre nous présente ses excuses", a raconté une manifestante de 18 ans. "Il faut que justice soit rendue pour nos frères tués."
Si ces actions destructrices se poursuivent, on sera "obligés de faire un usage maximal de la loi", a de son côté mis en garde la police dans le communiqué. Elle a aussi interdit tout rassemblement dans la capitale Dacca à partir de vendredi.
Un mécontentement généralisé
Les étudiants exigent un recrutement dans la fonction publique basé sur le mérite. Ils estiment que le système des quotas vise à favoriser les enfants des partisans de Sheikh Hasina, qui gouverne le pays depuis 2009 et qui est accusée par les opposants de vouloir notamment éradiquer toute dissidence pour asseoir davantage son pouvoir.
Mubashar Hasan, un expert de ce pays à l'Université d'Oslo en Norvège, a relevé que ces rassemblements traduisaient l'expression d'un mécontentement généralisé à l'égard du régime.
Les manifestants "protestent contre le caractère répressif de l'Etat", a-t-il expliqué. Ils "remettent en question le leadership d'Hasina, l'accusant de s'accrocher au pouvoir par la force", "les étudiants la traitent en fait de dictatrice", estime-t-il.
boi avec afp
Internet coupé
Une coupure d'internet "à l'échelle du pays" reste en vigueur, a déclaré vendredi l'organisation de défense du réseau Netblocks, basée à Londres.
"Les perturbations empêchent les familles de se contacter et étouffent les efforts visant à documenter les violations des droits de l'homme", a écrit l'organisation dans un message sur les réseaux sociaux.
Selon Netblocks, cela "fait suite à des efforts antérieurs visant à étrangler les médias sociaux et à restreindre les services de données mobiles", des outils de communication clés pour les organisateurs de manifestations.
Le ministre adjoint des Télécommunications a de son côté déclaré que le gouvernement avait ordonné la coupure du réseau pour éviter "des rumeurs, des mensonges et de la désinformation".
Les sites en ligne des ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères ainsi que ceux des journaux Dhaka Tribune et Daily Star ne sont plus disponibles.