"Cette élection est très importante, car elle peut marquer un tournant vers une certaine convergence du Portugal avec le panorama des partis en Europe", observe la politologue Marina Costa Lobo, directrice de l'Institut des sciences sociales de l'Université de Lisbonne.
Cette tendance est marquée par "un déclin de la social-démocratie, un renforcement de la droite et, surtout, un renforcement de l'extrême droite qui pose ses conditions à la droite modérée pour la formation du gouvernement", précise-t-elle.
Un résultat encore ouvert
Mais, tempère cette analyste, le résultat du scrutin de dimanche reste "particulièrement ouvert", car les sondages créditent l'Alliance démocratique (AD, centre droit) d'un très léger avantage sur le Parti socialiste (PS), avec un peu plus de 30% des intentions de vote.
En embuscade, le jeune parti d'extrême droite Chega pourrait réaliser une nouvelle percée et confirmer son statut de troisième force politique du pays, en doublant le score de 7,2% obtenu aux précédentes législatives.
Avec l'Initiative libérale, petite formation créée récemment elle aussi, l'ensemble de la droite pourrait ainsi devenir nettement majoritaire dans le prochain Parlement portugais.
Des élections sur fond de crise
Le Premier ministre sortant, le socialiste Antonio Costa, 62 ans, qui avait remporté une majorité absolue en janvier 2022, a provoqué ces élections en démissionnant fin novembre, puis refusé de briguer un nouveau mandat, après avoir été cité dans une enquête pour trafic d'influence.
Du côté des électeurs et des électrices, les enquêtes confirment une "insatisfaction" croissante envers le gouvernement sortant, en dépit de ses bons résultats en matière de finances publiques, de croissance ou d'emploi. Un "contexte macroéconomique positif qui ne se reflète pas dans la qualité de vie des Portugais", explique Marina Costa Lobo.
Avec plusieurs centaines de responsables politiques et d'élus englués dans des affaires de corruption, l'inflation, de bas salaires, une crise du logement et des problèmes de fonctionnement de l'Etat, notamment dans les domaines de la santé et de l'enseignement, les deux grands partis que sont l'AD et le PS sont remis en question.
L'extrême droite fait sensation
Dans ce contexte, le parti qui se démarque est Chega, dont le leader André Ventura est devenu incontournable dans cette campagne. Le parti populiste "agrège une série de mécontentements présents dans la société portugaise depuis longtemps", note Marina Costa Lobo.
Apparu en 2019 avec un seul élu, André Ventura lui-même, puis plaçant douze représentants au Parlement en 2022, Chega vise à capitaliser un maximum sur les scandales de corruption qui entachent les partis traditionnels du pays et se situe à la troisième place des sondages avec 18% des intentions de vote.
Cette progression interroge dans un pays considéré comme très stable politiquement et vacciné contre l'extrême droite qui fait pourtant florès partout sur le reste du continent. Chega, une formation anti-système, précise Marina Costa Lobo, portée notamment par "une certaine nostalgie" du régime dictatorial renversé par la "Révolution des Œillets", dont le Portugal célébrera le mois prochain le 50e anniversaire.
On rapproche beaucoup Chega du Rassemblement national français de Marine Le Pen et Jordan Bardella, car André Ventura et Marine Le Pen se rencontrent régulièrement et s'affichent ensemble. Interrogé dans Tout un monde, le politologue lisboète Antonio Costa Pinto préfère toutefois le situer proche d'un Viktor Orban en Hongrie, avec une forte orientation vers les valeurs traditionnelles. Plus qu'un idéologue d'extrême droite, André Ventura est à ses yeux avant tout un dissident de la droite traditionnelle.
seb avec afp
Chega aussi en Suisse
Le parti Chega semble convaincre de plus en plus dans son pays, mais ce n’est pas tout.
Lors des dernières élections législatives, en 2022, le parti d’extrême droite avait obtenu ses meilleurs résultats hors du Portugal à Genève, Zurich et Bâle.
Un résultat qui avait surpris de la part d'une communauté portugaise importante, 200'000 personnes, mais qui vote traditionnellement peu et surtout, jusque-là, majoritairement à gauche.