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Aujourd'hui, l'Europe parvient bien mieux à déjouer les tentatives d'attentats terroristes

L'attentat de Moscou a fait au moins 137 morts. [Keystone - Maxim Shipenkov - EPA]
On sait mieux déjouer le terrorisme du groupe Etat islamique: interview de Wassim Nasr / Tout un monde / 9 min. / le 26 mars 2024
Le président russe Vladimir Poutine a reconnu que l'attentat à Moscou vendredi avait été commis par des islamistes radicaux. Si cette attaque ravive les inquiétudes européennes, le journaliste Wassim Nasr estime que les pays occidentaux savent aujourd'hui bien mieux déjouer le terrorisme.

Alors que le groupe Etat islamique a revendiqué l'attentat de Moscou, Vladimir Poutine continue d'insinuer une responsabilité ukrainienne. Mais pour Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements djihadistes à France 24, "il n'y a aucun doute sur la paternité de cet acte terroriste".

Invité dans l'émission Tout un monde, le chercheur au Soufan Center explique que le président russe avait tout intérêt à ne pas désigner le groupe djihadiste comme seul responsable. En accusant l'Ukraine, "le président Poutine essaie de retourner une situation où il subit, en une situation sur laquelle il peut capitaliser dans la guerre contre l'Ukraine", affirme-t-il. Sans cette guerre, la Russie aurait donc probablement accusé le groupe Etat islamique uniquement, estime-t-il.

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Inquiétudes en Europe

Vendredi, plusieurs hommes se sont introduits dans Crocus City Hall de Moscou, où ils ont tiré sur la foule avant de mettre le feu au bâtiment. Au moins 139 personnes sont décédées. Une attaque de ce type-là n'avait plus été vue depuis longtemps et fait craindre un retour du groupe Etat islamique en Europe. La France a d'ailleurs réagi lundi en relevant son plan Vigipirate au niveau "urgence attentat".

>> Relire : La France rehausse son niveau Vigipirate à "urgence attentat" après l'attaque à Moscou 

"Evidemment que la France prend cela en considération, vu qu'il y a les JO qui arrivent", analyse Wassim Nasr. Le chercheur rappelle toutefois que le groupe djihadiste est resté actif ces dernières années. "L'activité de l'Etat islamique est constante dans le monde entier", dit-il. "C'est passé un peu sous les radars parce qu'il n'y a pas eu d'attentat de masse comme à Moscou".

L'activité de l'Etat islamique est constante dans le monde entier

Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements djihadistes

Facteur humain

Les pays occidentaux sont cependant désormais bien renseignés sur le groupe Etat islamique et parviennent bien mieux à déjouer leurs tentatives d'attentats, relativise le chercheur. "On est très loin des débuts dans les années 2014, 2015, 2016", indique-t-il. "Il y a aujourd'hui un travail qui est fait et qui aboutit, sans oublier que les lois dans tous les pays européens se sont beaucoup durcies".

Il n'est pour autant "pas exclu qu'un jour un attentat aboutisse" en Europe, mais des attaques du type de celle du Bataclan à Paris le 13 novembre 2015 sont "exceptionnelles", précise Wassim Nasr. "Le facteur le plus important dans ce genre d'attaques, ce n'est pas le coût, ce n'est pas la motivation - qui ne manque pas aux djihadistes de l'Etat islamique - c'est le facteur humain", explique-t-il.

Le facteur le plus important dans ce genre d'attaques, c'est le facteur humain

Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements djihadistes

"Pour faire un 13 novembre en Europe, il faut des recrues européennes qui savent se mouvoir dans les pays européens, acheter des armes, fabriquer de l'explosif et commettre un attentat, mourir en kamikaze et résister jusqu'au dernier moment", poursuit le spécialiste des mouvements djihadistes. "Ce n'est pas d'une telle facilité de monter ce genre d'équipe et de faire ce genre d'attentats".

S'engouffrer dans la brèche

La situation était donc différente vendredi à Moscou, où "les armes à feu sont faciles à trouver". Il ne s'agit par ailleurs pas du premier attentat revendiqué par le groupe Etat islamique sur le territoire russe. "C'est sans parler des autres théâtres de guerre et de ce que j'appelle 'la dette de sang' entre la Russie et l'Etat islamique", indique Wassim Nasr, faisant référence à l'implication de la Russie et de son groupe paramilitaire Wagner en Syrie, au Mozambique, en Libye "et actuellement au Mali, où Wagner se bat contre l'Etat islamique".

Dès qu'il y a un mouvement tectonique géopolitique, ça ouvre des opportunités, que ce soit pour l'Etat islamique ou pour d'autres groupes ou milices

Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements djihadistes

"Donc l'historique de la guerre entre les deux est très ancien", résume le journaliste. Mais malgré cette animosité de longue date, il aura fallu une dizaine d'années au groupe djihadiste pour réaliser un attentat de l'ampleur de celui du Crocus City Hall.

La Russie étant très mobilisée sur le front ukrainien, le groupe a profité d'une brèche dans sa défense, estime Wassim Nasr. "Dès qu'il y a un mouvement tectonique géopolitique, ça ouvre des opportunités, que ce soit pour l'Etat islamique ou pour d'autres groupes ou milices", affirme-t-il. "La guerre en Ukraine en est une. Celle à Gaza aussi".

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Emilie Délétroz

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