Le principal fait d'armes de Place publique, parti français fondé en 2018? L'élection au Parlement européen l'année suivante d'Aurore Lalucq et de Raphaël Glucksmann, qui coprésident ce mouvement à la ligne pro-européenne et écologiste.
Candidats, ils avaient fait liste commune avec le PS. Les deux eurodéputés siègent donc au sein du groupe de l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates, la deuxième force du Parlement européen, après celui du Parti populaire européen (PPE, centre droit).
Aurore Lalucq - candidate à sa réélection et toujours alliée aux socialistes - espère voir sa formation faire un bon score lors du scrutin au début du mois de juin: "Notre ambition est d'avoir le groupe social-démocrate le plus important au Parlement européen pour pouvoir continuer le green deal, qui est remis en cause par une partie de la droite et par l'extrême droite", déclare l'économiste de 45 ans. "Cette remise en cause serait un désastre pour le continent européen", lance-t-elle.
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L'Europe dans le monde
En effet, selon l'eurodéputée, l'enjeu est d'ordre mondial: "Une révolution industrielle est aujourd'hui en cours. Elle est écologique et se fait à 60% en Chine et aux Etats-Unis. Renoncer au green deal, ne pas investir dans la transition écologique pour verdir notre industrie, ce serait mettre l'Union européenne hors-jeu. Ce serait nous vassaliser vis-à-vis de la Chine et des Etats-Unis", assure-t-elle.
L'élue de gauche souligne l'importance du maintien de ceux qui ont été à l'origine de l'institution du green new deal (le pacte vert, en français, ndlr) européen au sein du Parlement de l'UE.
Elle souligne que la place du Vieux Continent dans le monde est en jeu. Sans cette "réindustrialisation au service de la transition écologique", l'Europe risque, selon elle, de "disparaître de l'échiquier politique au niveau mondial".
L'Union européenne a déjà mis en place une série de réglementations, rappelle Aurore Lalucq. Elle souhaite cependant que les 27 passent à "la phase suivante", c'est-à-dire "l'investissement".
La politicienne précise qu'elle entend par là "renouer avec tous les outils de la politique industrielle: la planification, la recherche et le développement, les subventions conditionnées".
Une fiscalité qui vise les plus riches
Elle ajoute que ce plan doit aussi comprendre un volet social, pour faire en sorte que "cette transition écologique soit juste". Elle précise qu'il s'agit surtout de "mettre en place une fiscalité juste".
La France, réputée pour être un enfer fiscal, est en fait un paradis fiscal pour les millionnaires et les milliardaires
"Sur notre continent, il vaut mieux hériter que travailler. Les dividendes sont moins taxés que le travail. La France, réputée être un enfer fiscal, est en fait un paradis fiscal pour les millionnaires et les milliardaires", soutient l'eurodéputée de gauche. Et d'après elle, en Europe comme ailleurs, "ceux qui ont les moyens de payer des impôts ont aussi les moyens d'y échapper".
Selon Aurore Lalucq, il est ainsi "essentiel de mettre en place une taxation sur les superprofits et la fortune pour financer les plans de réindustrialisation".
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Texte web: Antoine Michel
Un "saut fédéral" pour assurer la position européenne face à d'autres puissances
Aurore Lalucq exige également plus d'Europe au-delà des questions économiques: "L'Union européenne, qui s'est toujours vue comme un marché unique, doit sortir de l'enfance et se construire en tant qu'entité politique."
Ici encore, l'eurodéputée de gauche met en avant le besoin d'un renforcement des institutions de l'UE, en supprimant par exemple le droit de veto des 27 Etats membres.
"Il va falloir faire un saut fédéral qui va nous permettre de fonctionner comme une puissance politique. Parce que les temps ne sont malheureusement pas simples d'un point de vue géopolitique", plaide la politicienne française.
Elle fait valoir que l'Europe a devant elle des "blocs qui se sont reformés". "Nous devons faire face à la Russie de Poutine, la Chine de Xi Jinping, qui n'est pas véritablement une amie - c'est un euphémisme - et il y a un risque que Donald Trump revienne au pouvoir aux Etats-Unis", argumente-t-elle.