Avec Donald Trump déclaré coupable, l'élection présidentielle est projetée dans l'inconnu
"Le vrai verdict aura lieu le 5 novembre, par le peuple américain", a assuré Donald Trump jeudi devant les caméras, après avoir été reconnu coupable de l'ensemble des chefs d'accusation qui pesaient contre lui dans le procès pénal lié à l'affaire Stormy Daniels, le premier d'un ex-président américain.
Si le verdict de culpabilité de Donald Trump est historique, cela ne l'empêchera pas de concourir pour l'élection présidentielle et son impact sur le scrutin de novembre reste difficile à prédire. Et ce d'autant plus qu'un recours a déjà été annoncé.
>> Lire : Donald Trump déclaré coupable à son procès pénal à New York
L'enjeu des électeurs indépendants et indécis
Jusqu'ici, les sondages donnent Joe Biden au coude-à-coude avec son rival républicain, voire distancé dans certains Etats stratégiques. Sa cote de popularité est basse, son âge inquiète et il ne tire pas profit politiquement de la bonne santé économique.
La décision de justice historique de jeudi, sans qu'il ait besoin d'en faire trop, appuie le message de Joe Biden de défense de la démocratie et consolide l'image qu'il cherche à présenter: celle d'un homme intègre attaché à la décence en politique.
Ce verdict "ne va probablement pas faire bouger beaucoup de votes", prédit un politologue de l'université chrétienne du Texas, Keith Gaddie, interrogé par l'afp. Dans "des courses particulièrement serrées, cela pourrait faire basculer les choses d'un côté à l'autre".
"La question que tout le monde se pose: est-ce que cela va faire trembler la main des indépendants et des modérés le 5 novembre?", s'interroge Marie-Cécile Naves, spécialiste des Etats-Unis et directrice de recherche à l'IRIS.
La condamnation de Donald Trump "pourrait éloigner les électeurs indépendants" de lui, "mais cela ne veut pas dire qu'ils voteront pour Biden. Ils pourraient s'abstenir", pointe Wendy Schiller, professeure en sciences politiques à l'Université Brown.
David Axelrod, ancien stratège de Barack Obama, juge quant à lui sur le réseau social X que "la bonne stratégie pour Biden serait de se concentrer encore plus sur les préoccupations quotidiennes des gens", sans s'appesantir sur les procédures judiciaires contre son rival. "Le contraste serait puissant. Les gens veulent un président qui s'intéresse à leurs problèmes, pas aux siens", affirme-t-il.
Stratégie de victimisation
Donald Trump n'a pas perdu de temps pour relancer sa campagne. "Je suis un prisonnier politique", a lancé le candidat républicain dans un appel aux dons publié jeudi, critiquant un procès instigué selon lui par Joe Biden.
Pour le politologue Daniel Warner, la stratégie de victimisation de Donald Trump aura surtout des répercussions dans son propre camp. "Il aura plus de succès dans son propre clan. Parce qu'il joue toujours les victimes et certaines parties de la population américaine pensent toujours qu'il en est une, car eux aussi se perçoivent en tant que tel", explique l'expert dans La Matinale de la RTS.
Le prononcé de la peine de Donald Trump tombera le 11 juillet prochain et coïncidera ainsi avec un sommet de l'Otan à Washington, une occasion pour Joe Biden de marquer sa présence sur la scène internationale. Et ce quelques jours avant le début de la convention républicaine qui se tiendra à Milwaukee du 15 au 18 juillet.
jfe avec afp
Une résistance à toute épreuve pour Donald Trump
Reste que Donald Trump a prouvé, au cours des dernières années, sa résistance aux épreuves qui auraient détruit la carrière politique de beaucoup: mis en accusation à deux reprises devant la Congrès et inculpé dans quatre affaires pénales, dont celle de New York, il s'est toutefois largement et rapidement imposé lors des primaires comme le candidat des républicains pour l'élection de novembre.
Et l'affaire Stormy Daniels, qui était considérée comme la moins menaçante pour lui, sera très probablement la seule jugée avant le scrutin.
Privé de campagne sur le terrain pour assister aux audiences, Donald Trump a tout de même tenté d'en tirer un profit médiatique en prenant la parole plusieurs fois par jour en dehors de la salle d'audience.
Des médias divisés
La condamnation du 45e président des Etats-Unis a évidemment fait la Une de tous les grands médias américains. Sur la majorité des sites internet, on retrouve partout le terme "Guilty" (coupable).
Pour le Los Angeles Times, cette condamnation est "une première honteuse", rappelant qu'aucun ancien président n'avait été reconnu coupable pour des crimes.
Dans son éditorial, le New York Times relève un point positif dans cette affaire sordide: la preuve que l'Etat de droit s'impose à tous, même aux anciens présidents. Dans des circonstances extraordinaires, le procès a pu se dérouler comme n'importe quel autre procès pénal dans la ville.
Le NYT ajoute que le fait que douze jurés américains aient pu juger l'ancien - et potentiellement futur - président, est une démonstration remarquable des principes démocratiques auxquels les Américains sont attachés.
Le constat est similaire pour CNN qui note l'excès d'autoritarisme de Donald Trump et le ralliement des leaders républicains dans son assaut contre le système judiciaire, soulignant aussi à quel point les valeurs fondamentales d'un Etat de droit sont aujourd'hui menacées.
A l'image du pays, les médias sont divisés sur ce verdict. Le New York Post, journal au style boulevardier, que Donald Trump est la victime d'un tribunal "prostitué".
Et le Guardian de résumer l'enjeu en une phrase: "Douze jurés de New York ont posé à leurs concitoyens une question simple: êtes-vous prêts à élire un criminel condamné à la Maison Blanche?"